Aujourd’hui 14 décembre était le 11e jour d’interrogatoire du général de brigade Gilbert Diendéré. Le parquet, qui faisait ses dernières observations, a voulu démontrer par les procès-verbaux d’audition qu’il avait par-devers lui la culpabilité de l’officier supérieur dans ce coup d’Etat dont aucun des accusés n’accepte d’assumer la paternité. Les conseils du général, quant à eux, ont déploré les « affirmations gratuites et sans preuves » dont userait le parquet pour faire porter à leur client la responsabilité de crimes qu’il n’aurait pas commis.
L’audience de ce 11e jour d’interrogatoire de Golf a débuté par des observations et questions du parquet. Prenant la parole, le procureur militaire a affirmé que contrairement à ce que pensent les conseils de l’accusé, qui reprochent au parquet de soutenir et de protéger la hiérarchie militaire, celui-ci ne fait que lire en réalité les procès-verbaux. Dans le même ordre d’idées, il a ajouté que l’affirmation de Maître Somé selon laquelle le juge d’instruction, voulant cacher des choses, aurait remis le téléphone de l’adjudant-chef Nion à sa famille est fausse. Selon le procureur militaire, Maître Jean Yaovi Degli, également conseil de l’accusé, ne les aurait pas compris lorsque le parquet a parlé d’intelligence. Pour lui, cela faisait référence à la trahison : « manœuvres, déguisement de ruses pour atteindre un but précis qui était ici le changement de régime ». En témoigne l’élément sonore de sa communication avec Roger Savage qui dans ses propos s’en est pris au régime de la transition en place, a parlé de la dissolution du RSP et exhorté le général à appeler Djibril Bassolé à prendre le pouvoir et inverser la tendance. Ce à quoi le cerveau présumé du putsch a rétorqué qu’il ne connaissait pas Roger Savage et ne sait pas comment ce dernier avait eu son numéro. Il soutient n’avoir pas dit une seule phrase tout le temps qu’a duré la communication et ne voit donc pas pourquoi les propos de M. Savage devraient engager sa responsabilité.
Le procureur militaire a continué ses observations en relevant le fait que la position du général au RSP, qui disait être rattaché sans avoir de poste, fragilisait le commandement. Les hommes auraient eu tendance à se référer à lui comme étant le plus gradé. Face à ces propos, Diendéré a réagi en déclarant qu’étant toujours militaire, il était tout à fait normal qu’il appartienne à un corps qui puisse être dirigé par une personne moins gradée que lui et que cela, Alioun Zanré devrait le comprendre.
Pour les faits d’incitation à commettre des actes contraires à la discipline, le procureur juge que Golf, en demandant aux hommes de soutenir le mouvement, les a incités et a suscité en eux la désobéissance au mépris de l’article 30 du statut des forces armées nationales. Et le général de brigade de réagir en ces termes : « Je ne sais plus exactement ce que l’on me reproche. Lorsque j’ai été arrêté et transféré à la MACA, j’ai reçu une feuille de punition du ministre de la Défense qui me reprochait d’avoir incité les hommes à résister. Sur l’arrêt de renvoi, il est dit que j’ai incité des hommes à arrêter les autorités de la transition. Aujourd’hui c’est une autre version, à savoir que j’ai incité les hommes à m’accompagner». Face au silence du général à ses questions, le procureur militaire en a conclu que « quand ce sont des questions qui ont trait au fond du dossier vous vous dérobez. Mais lorsqu’il s’agit de question de forme, vous vous étendez longuement ».
Revenant sur les propos du premier jour d’interrogatoire de l’ex-chef d’état-major particulier de la présidence du Faso qui dit n’avoir ni planifié, ni participé ou exécuté le coup d’Etat, le magistrat a cité le brouillon de la déclaration qu’il avait sur lui, qui a été rédigée le 14 septembre 2015 et qui a servi de base pour la rédaction de la proclamation du CND. Pour le président de l’éphémère Conseil national pour la démocratie, si le coup d’Etat de septembre 2015 avait été planifié, tout aurait été plus simple. « J’habite à 300 mètres de la télévision nationale. Je serais allé simplement lire la déclaration à la télévision et c’est tout. Je n’aurais pas eu besoin d’appeler la hiérarchie militaire pour savoir quoi faire. Et lorsque vous dites que je voulais embarquer le maximum de personnel militaire, si le coup était planifié, je l’aurais fait avant car le faire après ça n’a pas de sens». Des messages qu’aurait échangés l’épouse du général 2 étoiles avec le colonel-major Kiéré sur l’absence de techniciens à la télévision nationale sont revenus dans les échanges. Pour le général de brigade, il n’est au courant de rien concernant ces messages. Le tribunal devrait donc attendre, selon lui, qu’arrive le tour de sa femme de passer devant la barre, pour lui poser directement ces questions.
Maître Degli, un des avocats de l’accusé, qui a pris la parole à la suite d’Alioun Zanré et de ses pairs, a soutenu que les meurtres dont est accusé son client ne sont pas la conséquence du coup d’Etat, encore moins des opérations de maintien de l’ordre. « Si l’on se réfère à l’histoire du Burkina Faso, il y a eu plusieurs coups d’Etat sans effusion de sang. Le parquet ne peut donc pas se fier aux déclarations de quelques ministres qui disent avoir eu peur au moment des faits pour dire que le coup a été violent », déclaré l’auxiliaire de justice. Il va plus loin en rappelant que le président Kafando, première victime de cette situation, dit que l’action n’a pas été violente et même que le militaire qui les gardait était gentil. L’avocat reproche au parquet d’avoir « beaucoup d’affirmations gratuites et peu de preuves et de démonstrations de la culpabilité du général de brigade ». Foi de ce dernier, si l’expertise balistique avait été faite, cela aurait permis de connaître les propriétaires des armes qui ont tiré sur les populations afin de les poursuivre. Il ne devrait pas être fait de tri pour savoir qui poursuivre et qui écarter de tout soupçon, a-t-il ajouté.
L’interrogatoire du cerveau présumé du putsch manqué de 2015 se poursuit le lundi 17 décembre 2018 au tribunal militaire de Ouagadougou.
Armelle Ouédraogo (Stagiaire)