mercredi 27 novembre 2024

Coup d’Etat de septembre 2015 : « Je pense que c’est de la légitime défense, même si peut-être la solution ne sied pas », général Gilbert Diendéré

audition uneAprès Me Prosper Farama et Me Guy Hervé Kam de la partie civile, c’est Me Yanogo, défendant également les intérêts des victimes des évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants, qui durant trois heures d’horloge a cuisiné le général Gilbert Diendéré, présumé cerveau du coup de force perpétré contre la Transition. Et de ses questions et observations, il ressort que pour Me Yanogo la responsabilité de l’ancien chef d’état-major particulier de la présidence du Faso ne peut être déclinée, car la responsabilité pénale du fait d’autrui n’existe pas.

Depuis trois jours, les avocats de la partie civile donnent leur lecture des évènements du 16 septembre 2015 qui ont porté une semaine durant le général Gilbert Diendéré à la tête de la magistrature suprême. Sans langue de bois, Me Farama et ses pairs se sont employés à démolir  la stratégie de défense du général ; celle d’avoir à un moment donné, et face à un imbroglio, assumé la responsabilité du pouvoir vacant et celle morale d’un coup d’Etat dont il ignore les véritables commanditaires. Ainsi, pour Me Yanogo, cet officier supérieur fait preuve d’une incrédulité sans précédent lorsqu’il veut convaincre le tribunal qu’il a décidé, avec la bénédiction de la hiérarchie militaire et des médiateurs, de gouverner sans que ceux qui sont passés à l’action le lui aient demandé et sans connaître les vrais auteurs et leurs motivations.

Me Yanogo est aussi revenu sur le statut de l’accusé au moment des faits. Si le général estime avoir donné des conseils au chef de corps de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) aux premières heures de l’arrestation des autorités de la Transition, le défenseur des victimes estime que celui-ci lui a donné des ordres à exécuter face à l’action qui venait d'être perpétrée contre les autorités de la Transition. « En dehors du fait d’avoir  instruit le commandant Korogo, en tant que président du CND, chef de l’Etat, de faire le contrôle des hommes qui étaient hors du camp, je ne lui ai jamais donné d'ordres au cours des évènements, car je ne faisais plus partie de la chaîne de commandement », a insisté Gilbert Diendéré.

L’avocat estime que si le général n’avait pas réellement organisé le coup d’Etat, il allait renvoyer les éléments qui sont venus le chercher chez lui, une fois l’action terminée, vers le chef de corps qui était à la tête du régiment. Mais pour l’inculpé, ç’aurait été faire preuve d’irresponsabilité de sa part puisque selon lui, les hommes sont venus le chercher afin de trouver des solutions à leurs problèmes.  De plus pour lui, il n’y avait pas de vacance de pouvoir, car ce sont les putschistes qui ont non seulement refusé malgré les négociations de libérer les autorités, mais aussi ont fait fi de l’intérim du président du CNT, Chériff Sy, qui légalement devait prendre les rênes du pouvoir en cas de vacance.  « Posez la question aux médiateurs, car ce sont eux qui ont dit que le pouvoir était vacant et ont dit à l’armée de prendre ses responsabilités », a répondu le président du CND face à une telle remarque. Mais pour Me Yanogo, cette observation des médiateurs n’excuse pas pour autant le général et ne légitime pas sa prise du pouvoir.

audition 2Conclusion :pour ce défenseur de la partie civile, le général  ne voulait pas réellement que la hiérarchie militaire soit au-devant des choses après l’action des hommes, d’autant plus qu’avant l’arrivée des médiateurs, il avait déjà en poche le brouillon de sa proclamation de prise de pouvoir. Pour lui donc, le représentant des putschistes faisait semblant avec le commandement militaire pour avoir bonne conscience. Mais pour celui-ci, si le général Pingrenoma Zagré et ses pairs n’étaient pas d’accord pour qu’il devienne le chef de l’Etat, ils pouvaient le mettre aux arrêts. Ce qui est contesté par l’homme à la robe noire qui a la ferme conviction qu’il n’est pas du ressort d’une hiérarchie militaire d’arrêter un militaire en infraction.

Quant à la question de la dissolution du RSP qui, selon le président du CND, a motivé à l’arrestation de Michel Kafando et de ses ministres, Me Yanogo estime que les hommes du régiment portaient mal leur casquette, s’insurgeant contre cette dissolution. Pour lui, le corps est né par un décret présidentiel sur les cendres d’un autre ; pour ce faire, si le chef de l’Etat estime après des années de fonctionnement qu’il est opportun de le supprimer pour en créer un autre, il n’y a pas de raison que des hommes s’y opposent surtout par un coup d’Etat. « Il peut dissoudre toute l’armée s’il veut, mais s’il a donné sa parole, il se doit de la tenir », a répondu le présumé cerveau du putsch à cette observation de la partie civile qui estime que les éléments du corps se battaient plus pour leur survie que la dissolution du corps. « Le RSP se battait pour la sécurité et la survie des hommes et non pour la dissolution du corps. Le RSP n’a pas fait le coup d’Etat pour seulement résoudre le problème de la dissolution. Ce fut une réaction due au fait que le président Kafando  ne voulait plus tenir ses promesses. Je pense que c’est de la légitime défense, même si peut-être la solution ne sied pas », a-t-il expliqué.

audition 3Quoi qu’il en soit, le président du CND reste convaincu des retombées salvatrices du coup d’Etat du 16 septembre 2015, qui pour lui a contrecarré les plans machiavéliques du premier ministre Yacouba Isaac Zida. «  S'il n'y avait pas eu les évènements du 16 septembre 2015, je crois qu'actuellement, nous serions dans un Etat d'exception. Zida voulait prendre le contrôle de l'Etat et de l'armée. J'en ai parlé à maintes reprises et peut-être c'est que ce qui m'a valu toutes ces tentatives d'assassinat, car il estimait que j'étais un frein à ses ambitions », se convainc-il. Ce qui fait conclure à l’avocat que c’est pour devancer le coup d'Etat de Zida que le général a exécuté le sien. « Non, c'est pour que vous-même vous puissiez venir au pouvoir », a-t-il répondu d’un ton ironique avant d'ajouter : «  Si Zida avait réussi, il n'y allait pas avoir que 14 morts, mais une guerre civile, car il cherchait à emmener sur le sol burkinabè des mercenaires. Je suis convaincu que c'est parce qu'il y a eu la dissolution du RSP que les gens à nos frontières ont pu pénétrer dans le pays. Les hommes avaient un esprit, de la combativité. Ils étaient fiers de travailler. Ce qui leur importait, c'était la sécurité du pays ». Mais pour Me Yanogo, le RSP seul ne peut pas être la raison pour laquelle il n'y avait jamais eu d'attaques terroristes avant sa dissolution. « Si audition 4c'est cela, c'est une catastrophe pour toute l'armée. Pour moi, l'une des grandes réussites de la Transition, c'est d'avoir dissous le RSP », a-t-il conclu.

Pour conclure, Me Yanogo n’a pas manqué d’exprimer sa peine et sa déception de ce « coup d’Etat fantôme » dont personne ne veut assumer la paternité. « Le général dit qu'il n'a ni commandité, ni planifié, ni exécuté un quelconque coup d'Etat. Quel dommage pour ceux qui encourent les peines les plus lourdes », a-t-il déclaré.

Candys Solange Pilabré/ Yaro

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