vendredi 22 novembre 2024

Procès du putsch de septembre 2015 : « Certains éléments manquent à la barre. Pour le moment, on ne fait pas le procès du putsch de septembre 2015, mais celui du RSP », Me Mireille BARRY, avocate du colonel-major Boureima KIERE

Une procèsA la barre depuis le lundi 12 novembre 2018, l’interrogatoire du colonel-major Boureima KIERE, chef d’état-major particulier de la Présidence du Faso lors des évènements du 16 septembre 2015, marqués par l’arrestation des autorités de la Transition et la prise du pouvoir par le Conseil national de la démocratie (CND), organe des putschistes, s’est poursuivi ce vendredi 16 novembre 2018. Si selon le parquet cette grande figure de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) n’est pas blanche comme neige dans le coup d’Etat du 16 septembre 2015, ses conseils estiment que leur client n’a joué que le rôle d’interface entre le RSP, notamment le général DIENDERE, chef des putschistes, et la hiérarchie militaire pour une sortie de crise apaisée.

Plus de trois heures, c’est le temps que Me Mireille BARRY a pris pour essayer de convaincre le  juge Seydou OUEDRAOGO et ses pairs du tribunal que le colonel-major Boureima KIERE, coordonnateur des missions présidentielles en matière sécuritaire au moment de l’arrestation des autorités de la Transition, a, dans ce procès, été jeté en pâture par la hiérarchie militaire, qui selon elle refuse de s’assumer, en l’occurrence en ce qui concerne les décisions prises dans la gestion de cette crise de haut niveau. En effet, selon l’avocate, le colonel KIERE, au cours des évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants, dans ses actions, faisait montre des attributions qui lui incombaient en tant que chef d’état-major de la Présidence du Faso et dans le seul souci de parvenir à une sortie de crise sans bain de sang. Pour elle, le fait que son client ait été la personne désignée par la hiérarchie militaire pour convaincre le général DIENDERE de ne pas insister dans ses velléités de prise de pouvoir montre à suffisance qui n’a travaillé à aucun moment à asseoir ou à consolider le coup d’Etat assumé par le général quatre étoiles. « Le 21 septembre 2015, le colonel-major KIERE a été celui-là qui a été désigné par la hiérarchie militaire pour apporter au général DIENDERE le communiqué de remise du pouvoir aux autorités de la Transition. D’ailleurs, il l’a fait corriger avant de l’apporter au général, car son nom et celui du corps y figuraient comme étant les auteurs du coup d’Etat. Cette correction fut acceptée par ceux qui tentent de l’incriminer aujourd’hui. Au regard de ces faits, comment aurait-il pu encore en son temps faire front avec les putschistes ? » a interrogé Me BARRY qui estime, du reste, qu’au regard des incohérences contenues dans les procès-verbaux du chef d’état-major général des armées, du chef d’état-major de la gendarmerie, des autres chefs militaires et du DG de la police au moment des faits, ces derniers veulent nier les actions posées et les décisions prises en son temps, quitte à jeter l’anathème sur celles posées par le colonel-major KIERE. « Pendant les évènements, les deux chefs du RSP, à savoir le commandant KOROGO et le colonel-major KIERE, étaient en mission de l’armée, car ils ont été désignés par le chef d’état-major général des armées d’alors, le général Pingrenoma ZAGRE, pour désamorcer la crise », a-t-elle insisté.

kiéréDans son grand oral de ce vendredi pour la défense de son client, Me BARRY a aussi fait remarquer que pour les missions de maintien de l’ordre et de sécurisation des personnes et des biens lors du coup d’Etat de septembre 2015, les éléments du RSP n’étaient pas les seuls à patrouiller, car le chef d’état-major de la gendarmerie et le DG de la police ont aussi ordonné des missions de patrouilles. « Les 18 et 19 septembre 2015, une fois la mission héliportée voulue par le général  DIENDERE de retour, des éléments de la police nationale et de la gendarmerie sont venus chercher du matériel de maintien de l’ordre. Ce qui veut dire que la gendarmerie aussi bien que la police ont patrouillé », a-t-elle souligné. Cette thèse, elle la conforte au regard des déclarations de certains éléments de la gendarmerie venus récupérer le matériel de maintien de l’ordre au camp Naaba Koom II. En effet, ces derniers, dans leurs dépositions, affirment avoir vu un minicar contenant des éléments de la CRS posté au feu de la télévision, lorsqu’ils étaient en chemin pour la récupération du matériel. Des déclarations qui, selon Me BARRY, sont aux antipodes de celles du DG de la police, qui dit avoir autorisé des éléments de la CRS à se poster aux alentours du palais des sports de Ouaga 2000 et non vers la télévision BF1. Pour elle, cela montre à suffisance la mauvaise foi de la hiérarchie qui refuse de s’assumer pleinement. « Certains éléments manquent à la barre. Pour le moment, on ne fait pas le procès du putsch de septembre 2015, mais celui du RSP. Le RSP ne peut pas répondre seul des exactions en ville pendant ces évènements », a-t-elle conclu à la lumière de ces détails avant d’ajouter que le coup d’Etat n’était pas l’œuvre de tout le corps, c'est-à-dire du RSP, comme on tente de le faire croire depuis ces évènements et le début du procès. « Le coup d’Etat n’était pas l’œuvre du RSP, même si c’est vrai que ce sont certains éléments du RSP qui ont arrêté les autorités de la Transition », a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne les brebis galeuses qui se trouvaient au sein du corps en son temps et qui sont qualifiées d’éléments incontrôlés et indisciplinés, l’avocate du natif de la province du Tuy a relevé que cela n’était pas la marque de fabrique du RSP seul, mais de toute l’armée. « Il y avait beaucoup de milices au Burkina Faso durant les évènements. Le RSP n’était pas la seule unité indisciplinée, car les jeunes officiers qui voulaient attaquer le RSP n’en ont reçu l’ordre d’aucun chef militaire. Le général Pingrenoma ZAGRE, chef d’état-major général des armées en son temps, a dit au Premier ministre Yacouba Isaac ZIDA, qui l’a notifié dans sa déposition, que la seule chose qu’il ait pu faire pour éviter l’affrontement des autres garnisons avec le RSP, c’est d’avoir pu mettre en contact ces jeunes officiers avec le commandant Abdoul Aziz KOROGO, le chef de corps du RSP », a expliqué Me BARRY.

En outre, pour Me Michel TRAORE, qui défend aussi cet officier supérieur du RSP dans ce dossier, aucun élément n’établit sa complicité, car il n’a ni aidé, ni assisté par n’importe quel moyen à l’arrestation des autorités de la Transition et à la consommation du putsch. Pour lui, il ne souffre aucun débat que son client a signé, à son corps défendant, le communiqué qui faisait du général DIENDERE le président du CND au regard non seulement de la menace sécuritaire qui pesait sur sa procès 2vie et sur celle de sa famille, mais aussi de l’assurance donnée par la hiérarchie militaire quant à son implication dans la gestion et pour une sortie de crise apaisée. En clair, pour Me TRAORE, le tribunal ne doit pas juger la signature formelle de son client apposée sur le communiqué, mais la démarche qu’il a entreprise pour trouver des solutions et atténuer les conséquences du coup de force.

En rappel, le colonel-major Boureima KIERE, dans le cadre de ce procès sur le coup d’Etat du 16 septembre 2015, est poursuivi pour complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat, complicité de meurtre et de coups et blessures volontaires. Au moment des faits, il était le chef d’état-major particulier de la Présidence du Faso. A ce titre, il jouait le rôle d’interface entre l’armée et la Présidence du Faso, car c’est lui qui coordonnait les missions présidentielles en matière de sécurité. Toutefois, il n’avait pas le contrôle des hommes au sein du RSP, car ceux-ci étaient sous les ordres du commandant Abdoul Aziz KOROGO ; le RSP relevant directement de l’armée de terre.

Candys Solange PILABRE/ YARO

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