vendredi 22 novembre 2024

Plainte de François COMPAORE contre le doyen des juges d’instruction du TGI : « L’objectif de cette plainte, c’est de faire obstacle à la demande d’extradition. Mais, cela ne peut nullement empiéter ou perturber cette procédure »,Wilfried ZOUNDI, juriste

23154817 771602859689947 2282263240652597418 oSous le coup d'un mandat d'arrêt international émis par la justice burkinabè dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat de Norbert ZONGO, le frère cadet de Blaise COMPAORE, François COMPAORE a été interpellé par la police française le dimanche 29 octobre 2017 à son retour d'Abidjan à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle. Il est recherché par la justice burkinabè pour d’incitation à assassinat. Depuis lors, la justice burkinabè est suspendue aux lèvres des juges français qui après maintes reports et une demande de compléments d’informations a annoncé son délibéré pour le 05 décembre prochain. Mais, le 12 octobre dernier, alors que tout le monde attendait impatiemment cette date, François COMPAORE a déposé une plainte contre le doyen des juges d’instruction burkinabè du Tribunal de grande instance, pour faux en écriture publique, notamment la falsification d’un procès-verbal d’audition avant son transfèrement à la justice française. Quelles sont les implications juridiques dans le déroulement de la procédure de demande d’extradition entamée ? Dans cette interview accordée à Radars info Burkina, monsieur Wilfried ZOUNDI, juriste-consultant, enseignant de droit donne des éclaircissements par rapport aux conséquences de cette plainte dans le dossier d’extradition en marche depuis octobre 2017.

 

François Compaoré Norbert Zongo 3Radars info Burkina : Au lendemain de la décision des juges français de rendre leur délibéré sur la demande d’extradition de François COMPAORE, frère cadet de l’ex président Blaise COMPAORE, le 05 décembre prochain, soupçonné dans l’assassinat du journaliste d’investigation burkinabè Norbert ZONGO, l’intéressé et ses avocats ont déposé une plainte contre le doyen des juges d’instruction du Tribunal de grande instance (TGI), François OUEDRAOGO pour faux en écriture publique, notamment la falsification d’un procès-verbal d’audition. En termes plus simple, qu’est ce que cela veut dire et qu’est ce que cette plainte implique ?

Wilfried ZOUNDI : Cela signifie simplement que les avocats de François COMPAORE estiment que dans le procès-verbal, les informations complémentaires qui ont été rendues par l’Etat burkinabè, le juge burkinabè François OUEDRAOGO a ajouté une phrase qui n’existe pas dans la phrase initiale prononcée par le témoin, en vue de convaincre les juges français, donc pour lui, il ya eu faux en écriture.

 

RIB : Quelles sont les conséquences de cette plainte sur la suite de la procédure de la demande d’extradition ?

WZ : L’objectif de cette plainte, c’est de faire obstacle à la demande d’extradition. Mais, cela ne peut nullement empiéter ou perturber cette procédure. La décision est attendue le 05 décembre prochain et cela ne peut empêcher la procédure de suivre son cours normal. Apparemment, il semble vouloir créer ce qu’on appelle une question préjudicielle. Par exemple, si la procédure était civile et que si dans le cadre du dossier Norbert ZONGO, il y avait des dommages et intérêts civils de réparation et s’ils avaient porté cette plainte devant un juge pénal, le juge civil devait attendre que le juge pénal statue d’abord. Pourtant, ici, ce sont deux affaires pénales, donc les procédures peuvent être distinctes. Par conséquent, la plainte ne peut pas empêcher la procédure de la demande d’extradition de suivre son cours et cet incident ne peut pas empêcher les juges français de statuer.

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                                                                 Wilfried ZOUNDI, juriste-consultant, enseignant de droit

 

RIB : Mais s’il advienne que les juges français aient un écho favorable quant à cette plainte, quelles peuvent en être les conséquences ?

WZ :Il serait extraordinaire qu’il y’ait  un écho favorable à cette plainte, car cette procédure pose un problème d’application de la loi pénale dans l’espace en l’occurrence le principe de territorialité qui veut que ce soit  les juridictions du lieu de la commission de l’infraction qui soient compétentes , or en l’espèce s’il y a faux , le juge pénal burkinabè devrait être compétente dans la mesure ou le faux a été commis au Burkina Faso. Nous attendons donc de voir sur quoi le juge français se fonderait pour se déclarer compétent. Le cas échéant, le juge français demandera que le juge burkinabè comparaisse afin de venir s’expliquer. Ce qui serait à mon sens extraordinaire, car imaginons un seul instant qu’un juge burkinabè demande qu’un juge français vienne s’expliquer devant lui ? A ce niveau, il y a également une procédure à suivre. Avec le nouveau code pénal, sa présence sur le territoire français n’est pas obligatoire, car même par vidéoconférence, il peut n’être entendu par rapport à cette procédure qui n’a rien avoir avec la procédure d’extradition.

 

justiceRIB : Dans ce cas, qu’est ce que le juge mis en cause encoure ?

WZ : Présentement, ce sont des présomptions et le juge français peut prononcer un non-lieu s’il estime qu’il n’y a pas d’éléments à charge contre le juge burkinabè. Il peut aussi décider de mener des enquêtes en recevant l’audition du juge afin de pouvoir boucler son enquête avant qu’il n’y ait de jugement, si l’on estime qu’il y a des raisons suffisantes pour juger le juge burkinabè. Le jugement dans ce cas peut aussi être fait en son absence et après la décision lui sera notifiée. Mais personnellement, je pense que monsieur Pierre-Olivier SUR est en train de faire de la diversion, son objectif c’est de discréditer toute la justice burkinabè et cela est très grave. Il veut jeter le déshonneur et le discredit sur la justice burkinabè tout en oubliant que la justice, c’est l’instrument régalien d’un Etat. Quand il y a un conflit entre un citoyen et un Etat, le pouvoir judiciaire est le premier rempart, donc l’arbitre. Discréditer de ce fait toute la justice burkinabè, je pense que c’est maladroit et osé, voire même effronté de la part de cet avocat. Si son intention c’est d’empêcher la procédure de la demande d’extradition de suivre son cours, je pense qu’il a tiré à côté, car ces deux procédures ne sont pas liées.

 

RIB : Mais est ce que cette situation n’a pas eu lieu parce que la justice burkinabè a prêté le flanc ? Est-ce que cela n’était pas prévisible ?

WZ : Non, ce n’était pas prévisible, parce que chaque acteur est dans son rôle. Et l’avocat de monsieur François COMPAORE, son rôle est d’empêcher que son client ne soit extradé. Pour ce faire, il est capable d’user de tous les moyens, loyaux et même déloyaux pour empêcher cette extradition d’être effective un jour. N’oublions pas que dès le début de cette procédure, il a commencé à jeter le discrédit sur la justice burkinabè en martelant sur tous les toits que c’était une procédure à dessein politique, car pour lui, c’est à défaut d’avoir Blaise COMPAORE que la justice burkinabè a jeté son dévolu sur François COMPAORE. Pourtant, ce dossier n’a rien à avoir avec le politique.

 

Propos recueillis par Candys Solange PILABRE/ YARO

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