dimanche 24 novembre 2024

Arrestation des autorités de la Transition : « J’ai reçu l’ordre d’arrêter le président KAFANDO », Rambo

rambLe 16 septembre 2015, le président de la Transition Michel KAFANDO, son premier ministre Yacouba Isaac ZIDA et deux de ses ministres (Augustin LOADA de la fonction publique et Réné BAGORO de la justice) étaient arrêtés, et cela, en plein Conseil des ministres. Si depuis trois ans, le peuple burkinabè cherche à savoir ce qui s’est exactement passé ce jour-là dans la salle des Conseils des ministres, aujourd’hui, un coin du voile vient d’être levé à la barre du président Seydou OUEDRAOGO. C’est l’adjudant-chef Moussa NEBIE dit Rambo du Groupement des unités spéciales de l’ex Régiment de sécurité présidentielle (RSP) qui a procédé à l’arrestation du président KAFANDO, en compagnie de deux autres militaires dont Florent NION. Il l’a affirmé ce vendredi 06 juillet 2018, lors de son interrogatoire devant le tribunal militaire.

 

kafando et zidaAttentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, dégradation aggravée de biens, incitation à commettre des actes contraires au règlement et à la discipline, voilà ce qui est reproché à l’adjudant-chef Moussa NEBIE dit Rambo dans le cadre des évènements du coup d’Etat de septembre 2015. Mais de ces cinq (5) chefs d’accusation, il n’en reconnait qu’un seul, à savoir l’attentat à la sûreté de l’Etat, car il fait partie des éléments qui ont fait irruption dans la salle du Conseil des ministres le 16 septembre 2015 pour arrêter les autorités de la Transition. « Des cinq chefs d’accusation, je ne reconnais qu’une seule charge, l’arrestation du président KAFANDO », a-t-il déclaré avant de faire le film de cette arrestation. « Dans l’après-midi du 16 septembre 2015, j’étais de garde à la villa kilo, située côté Est de la présidence, quand j’ai reçu un coup de fil du major Eloi BADIEL, me demandant de venir au garage. Chose que j’ai faite en moins de 5-10 minutes. J’y ai vu BADIEL, NION, KOUESSE, Adama DIALLO (ceux que j’ai reconnus physiquement). Le major m’a dit, tu as pour mission d’emmener le président KAFANDO à la résidence. J’ai démarré le véhicule en trompe et il y avait quatre (4) personnes avec moi. Arrivé, je ne savais pas où se trouvait la salle des Conseils des ministres et on m’a montré que c’était au premier étage. J’y suis allé avec NION et KOUESSE qui nous a ouvert la porte. Arrivé au niveau du président, je lui ai dit : Excellence, nous sommes attaqués, je suis venu pour assurer votre sécurité. Immédiatement, le président m’a suivi. On a vu son garde-du-corps, Mohamed SIGUIRE que j’ai aussi demandé de nous suivre. Au niveau du véhicule, j’ai ouvert les portières pour le président et son chauffeur qui l’a emmené à la résidence… Le président est parti librement avec son chauffeur. C’est après que j’ai embarqué dans un autre véhicule pour la résidence… Après l’arrestation, je me suis déporté chez le général pour l’informer, sur ordre du major BADIEL, même si celui-ci ne m’a pas nommément cité pour cette mission… Mais pour le ministre BAGORO, on l’a arrêté quand il était arrêté sous un arbuste. Il y avait les autres ministres. C’est après avoir reçu un coup de fil que NION a dit d’arrêter le ministre BAGORO », a-t-il expliqué.

08Même si en recevant cette mission de la part de son supérieur BADIEL, il n’en connaissait pas les raisons, l’adjudant-chef dit avoir estimé que cette arrestation visait à trouver des solutions quant aux problèmes qui existaient entre le premier ministre ZIDA et le RSP. Selon lui, c’était pour permettre qu’il y ait une discussion entre le général DIENDERE, le président KAFANDO et ZIDA. « Le major ne m’a pas dit pourquoi je devais arrêter le président et je ne lui ai pas demandé aussi. A ma connaissance, au début, ce n’était pas un putsch, c’était juste pour circoncire les problèmes au RSP et les résoudre, car il se disait qu’un décret allait sortir pour dissoudre le RSP », a-t-il déclaré.

C’est le lendemain, à savoir le 17 septembre 2015, qu’il aurait compris que c’était un coup d’Etat. Lequel coup d’Etat le général DIENDERE a assumé à travers le Conseil national de la démocratie (CND) dont il était le leader. Ce qui fait que lui aussi, il en assume les responsabilités.

Toutefois, c’est un sentiment de peur, de courage et de fierté que Rambo dit avoir ressenti, lorsqu’il procédait à l’arrestation du président de la Transition.  En outre, de ce qui s’est passé, le seul regret qu’il dit avoir, ce sont les nombreux morts que ces évènements ont engendré, d’autant plus qu’il y a perdu son petit frère qui a été criblé de quatre balles. Mieux, il dit être fier d’avoir bien exécuté la mission qui lui a été confié par son supérieur, à savoir arrêter le président, sans faire usage des armes. « Parlant de ma fierté à arrêter le président KAFANDO, c’est le sentiment d’avoir pu le faire, sans brutalité, sans coup de feu. Je n’ai même pas effleuré sa peau », a-t-il argué. « Dans l’armée, tout le monde connait ce que veut dire arrêter quelqu’un. Cela implique, braquer une arme sur lui, voire le violenter et le brutaliser. Mais, je ne voulais pas le brutaliser. Donc le fait de lui dire de me suivre car on était attaqué, était une stratégie pour l’arrêter sans violence et cela a marché, car le président m’a suivi facilement ». a-t-il ajouté.

008Toutefois, pour le parquet, l’acte qu’il a commis ce jour-là est tout, sauf un ordre militaire. « Ce que vous avez reçu, ce n’est pas un ordre, car un ordre s’exécute dans l’intérêt du service. Vous avez agi dans l’intérêt du major BADIEL et de certaines personnes et non dans l’intérêt du service », a insisté le procureur militaire qui estime par ailleurs, que Rambo, devait s’assurer de la légalité de l’ordre avant de l’exécuter, même s’il reconnait qu’un ordre s’exécute sans rechigner. Mais, l’accusé n’entend pas les choses de cette oreille. «  Du haut de mes trente (30) ans de service, je n’ai jamais entendu qu’on doit se rassurer qu’un ordre est légal ou illégal avant de l’exécuter. Je suis actuellement poursuivi parce que j’ai exécuté un ordre du major BADIEL. Je l’assume donc », a-t-il martelé.

En dépit des incriminations faites lors de l’instruction par ses autres frères d’arme, l’adjudant-chef  NEBIE affirme n’avoir jamais dépassé le stade du camp et du palais. « Je n’ai jamais frappé, ni tiré sur quelqu’un. Je n’ai jamais eu de contact direct avec les manifestants… Après le service que j’ai effectué avec le général DIENDERE du 16 au 25 septembre 2015, je suis resté à la résidence kilo de l’ancien président Blaise Compaoré jusqu’au 1er octobre. C’est le 1er octobre que j’ai quitté le camp, après avoir aidé le général à atteindre l’ambassade du Vatican, car on m’a dit que j’étais activement recherché, mort ou vif », a-t-il souligné.

Notons que contrairement à certains de ses frères d’armes déjà passés à la barre, Rambo, n’a pas contesté les déclarations consignées dans le procès verbal de l’instruction. « J’ai fait mes déclarations en toute âme et conscience. En aucun cas, je n’ai été intimidé ou menacé », a-t-il insisté. Aussi, soutient-il comme lors de son interrogatoire au fond du 10 mars 2016, n’avoir reçu aucune somme d’argent, en contrepartie de l’exécution de cette mission. « C’est le fils du général DIENDERE, Ismaël qui m’a remis quatre-vingt-dix mille (90 000) francs CFA, pour mon mouton de Tabasky et je l’ai fait savoir aux éléments qui y étaient ce jour-là », a-t-il souligné.

 

Candys Solange PILABRE/ YARO

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