dimanche 24 novembre 2024

Indexation du fonds commun sur les pénalités : « … c’est octroyer une prime à l’incivisme fiscal… », Zakaria BAYIRE, SGA SNAID

20180618 143145Les travaux de la conférence sur la rationalisation du système de rémunération des agents publics de l’Etat ont refermé leurs portes jeudi dernier avec en clé, plusieurs recommandations. En ce qui concerne le ministère de l’Economie, des finances et du développement où le climat est actuellement délétère, les conférenciers ont proposé l’indexation du fonds commun sur les pénalités. Mais cette proposition, tout comme la manière dont se sont tenues ces assises, ne sont pas du goût de la Coordination des syndicats du ministère de l’Economie et des finances (CS-MEF), qui après une trêve observée la semaine dernière, a décidé de déserter de nouveau les bureaux, et ce, pour 120 heures. Dans cette interview accordée à Radars Info Burkina,  Zakaria BAYIRE, secrétaire général adjoint du Syndicat national des agents des impôts et des domaines (SNAID), parlant au nom de la CS-MEF, explique davantage la position de la Coordination par rapport à ce qui est convenu d’appeler maintenant bras de fer gouvernement-CS-MEF.

 

Radars Info Burkina : Du 12 au 14 juin 2018, s’est tenue la conférence des forces vives de la nation sur le système de rémunération des agents de l’Etat. Une conférence à laquelle la Coordination des syndicats du ministère de l’Economie, des finances et du développement (CS-MEF) n’a pas participé, mais cela n’empêche qu’elle est aussi impactée par les recommandations et les conclusions issues de cette rencontre. Alors, comment la CS-MEF apprécie t-elle ces conclusions ?

Zakaria BAYIRE : Ce que je vais dire, c’est sous réserve de la position officielle que va dégager la Coordination des syndicats de la fonction publique à laquelle font partie les organisations membres de notre coordination syndicale du ministère. Par rapport aux conclusions de la conférence nationale des forces vives de la nation sur le système de rémunération des agents publics de l’Etat qui s’est tenue du 12 au 14 juin dernier, elles ne nous sont pas opposables. Cela parce que dans un premier temps, nous n’y avons pas participé. Dans un deuxième temps, les éléments qui y sont ressortis en ce qui concerne particulièrement les travailleurs du ministère de l’économie et des finances (MINEFID), viennent confirmer ce que nous disons par rapport à la volonté du gouvernement qui est de remettre en cause les acquis historiques des travailleurs du MINEFID. Elle démontre aussi à quel prix le gouvernement ne se souci pas des engagements qu’il prend avec les travailleurs. Comme ce sont des conclusions et des recommandations qui remettent en cause nos acquis, nous allons les combattre sur le terrain lorsqu’elles viendront à être mises en œuvre.

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                                                                                             Zakaria BAYIRE, SGA SNAID

 

RIB : En quoi remettent-elles en cause les acquis des travailleurs, si l’on sait que cette conférence n’a nullement fait cas de la suppression du fonds communs (FC), mais de son indexation qui suggérée être sur les pénalités ?

20180618 143219ZB : Nos acquis sont remis en cause avec ces conclusions, parce que les fonds communs dans leur principe et dans leur philosophie sont issus de protocoles d’accord entre le gouvernement  et nos syndicats respectifs. Venir donc changer la base d’indexation du fonds commun (les ramener sur les pénalités), c’est comme une remise en cause des protocoles signés, donc une remise en cause des acquis des travailleurs. En outre, il faut savoir que les pénalités que ça soit en douane ou aux impôts financent déjà d’autres fonds différents du fonds commun. Si l’on doit donc prendre ces fonds pour alimenter le fonds commun, c’est dire aussi que le gouvernement  remet une fois de plus en cause, les acquis des travailleurs au sein du ministère. Même si l’on part du principe que les pénalités n’alimentent pas d’autres fonds qui sont issus des protocoles d’accord, motiver les travailleurs sur la base des pénalités, c’est octroyer une prime à l’incivisme fiscal, car plus vous recouvrez des pénalités, plus vous êtes motivé. Cela veut dire que les travailleurs vont faire en sorte que les contribuables tombent dans la faute et l’incivisme fiscal pour avoir plus de pénalités. C’est comme si le gouvernement était en train de faire la promotion de l’incivisme fiscal. Cette conclusion  donc est non seulement une remise en cause des acquis des travailleurs, mais aussi une prime à l’incivisme fiscal, à la fraude fiscale. Ce qui fait que la coordination ne saurait cautionner cela, car les différents syndicats sont suffisamment  responsables et luttent contre la fraude, l’évasion fiscale, la corruption et le faux dans les finances publiques du pays.

 

RIB : Est-ce à dire qu’avec ce type d’indexation, il y a des travailleurs du MIEFID qui ne vont plus bénéficier du fonds commun, notamment ceux qui ne recouvrent pas ?

ZB : Naturellement. Si l’on doit partir sur la base de cette proposition d’indexer le fonds commun sur les pénalités, il y aura des directions où il n’y aura plus de fonds commun, en l’occurrence des structures telles que les régies (les financiers purs), la Direction générale du trésor et de la comptabilité publique. Pourtant, les fonds communs sont issus de protocole d’accord entre le gouvernement et nos différents syndicats.

 

20180618 143006RIB : Ce matin vous avez de nouveau quitté les bureaux après une semaine de trêve. Alors qu’est ce qui a encore troublé l’eau de la CS-MEF ?

ZB : Effectivement depuis ce lundi 18 juin nous sommes repartis en grève, et ce pour 120 heures. Elle prend fin vendredi et s’il n’y a pas de solutions, nous allons reconduire la grève pour encore cinq jours. Le 08 juin dernier, nous avons sursois au sit-in du 11 au 15 juin dernier afin de permettre que par le dialogue, des solutions soient trouvées à nos préoccupations. Aussi, cela répondait à la demande de trêve de madame le médiateur du Faso qui s’est autosaisie du dossier. Malheureusement, le gouvernement n’a pas daigné nous saisir, ne serait-ce que pour discuter, n’en parlons pas pour apporter des solutions à nos revendications. Cela montre que le gouvernement n’est ni disposé à dialoguer, ni à apporter des réponses à nos préoccupations. Pourtant, si plus de huit mille (8 000) travailleurs du MINEFID sont dehors pendant plus de deux mois, cela veut dire que les problèmes posés sont réalistes et tant que ces problèmes ne sont pas résolus, il serait difficile pour les travailleurs de reprendre service. Même si les travailleurs regagnent les bureaux sans que des solutions ne soient trouvées à leurs préoccupations, il est clair que le rendement ne sera pas au rendez-vous.

 

RIB : Est-ce à dire que la médiation du médiateur a échoué ?

ZB : On peut dire que sa médiation a presqu’échoué, car elle avait promis qu’à l’issu de la trêve d’une semaine, le gouvernement allait réagir, mais tel ne fut pas le cas. C’est tout comme un échec

 

 RIB : Le Conseil des ministres de ce jour a décidé de prendre des retraités et des volontaires pour remplacer les grévistes. Quelle est à chaud la réaction de la CS-MEF par rapport à cette décision ?

ZB : Effectivement, nous avons vu que le Conseil des ministres a autorisé madame le ministre a recruté du personnel d’appui notamment des retraités et des volontaires pour assurer la continuité du service. Pour l’instant, comme nous n’avons pas le contenu de cette décision, il serait hasardeux que je puisse me prononcer là-dessus. Mais ce qui est sûr la coordination va analyser la question pour ensuite prendre position d’ici là. Mais tout ce que nous pouvons dire pour l’instant, c’est que cela est inédit dans l’histoire de notre pays, que l’on recrute des retraités et des volontaires pour travailler dans un domaine comme les finances publiques. Mais tout compte fait, l’autorité a dû mesurer tous les risques avant de prendre cette décision. Quoi qu’il en soit au niveau de la CS-MEF, nous allons analyser cette nouvelle donne et prendre position là-dessus.

 

RIB : Est-ce à dire que le gouvernement veut pousser les grévistes à la porte ?

ZB : Non ! Cela, on ne peut pas le savoir. Nous allons observer voir ce qu’il en est. Mais ce qui est sûr, notre mot d’ordre de grève continue. Par rapport à cette décision du Conseil des ministres, nous en seront fixés les jours à venir, mais pour l’instant, notre mot d’ordre est toujours d’actualité.

 

Propos recueillis par Candys Solange PILABRE/ YARO

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