dimanche 24 novembre 2024

Enseignement du braille : une insertion socioprofessionnelle pas des plus aisées

enseign uneDepuis 30 ans, l’Union nationale des Associations burkinabè pour la promotion des aveugles et malvoyants du Burkina Faso (UN-ABPAM /BF) s’est inscrite dans une dynamique d’instruction des handicapés visuels pour faciliter leur insertion socioprofessionnelle par le biais de l’alphabet braille. Tout au long de leur parcours préscolaire, scolaire et universitaire, ceux-ci, en plus de leur handicap, font face à des pesanteurs socio-économiques qui entravent leur plein épanouissement.

Malgré une centaine d’inscrits au niveau scolaire chaque année, ce n’est au final qu’une cinquantaine d’anciens élèves que compte l’UN-ABPAM /BF comme travailleurs dans la fonction publique burkinabè, selon le président de ladite association, Christophe Oulé. A en croire ce dernier, après un parchemin difficilement obtenu en raison des multiples embûches, les malvoyants sont confrontés à de sérieux problèmes d’insertion professionnelle malgré leur compétence.

Selon Seydou Ouédraogo, ancien élève de l’établissement, durant son cursus au lycée, entre ses camarades de classe et lui, ce n’était pas l’entente parfaite. En plus de cela, certains enseignants ne lui facilitaient pas la tâche non plus. Ainsi, non seulement ses camarades ne coopéraient pas en lui dictant les cours après les classes, mais aussi les enseignants n’étaient pas disposés à aller à son rythme.  Alors qu’il pensait enfin être sorti de l’auberge quand il a réussi au baccalauréat, il raconte qu’à l’université les choses n’étaient guère faciles pour lui, car certains enseignants le prenaient pour un plaisantin. enseign 2C’est à force de persévérance qu’il dit avoir pu tirer son épingle du jeu en décrochant une maîtrise en droit privé. Mais après ce diplôme et sa réussite à un concours de la fonction publique, son insertion professionnelle dans son service était un autre challenge. Seydou Ouédraogo en appelle donc à la sensibilisation des populations pour un mieux-être des malvoyants.

Au sujet de la sensibilisation, Christophe Oulé estime que la collaboration de l’Etat est certes louable mais des efforts restent à faire. Pour le cas de l’employabilité des déficients visuels, Dame Soulama, inspectrice de l’enseignement à l’inspection Ouaga I, indique que malgré sa bonne volonté, elle n’arrive pas à employer convenablement un de ses agents handicapé visuel à cause de l’indisponibilité du matériel adéquat de travail pour celui-ci. Selon l’inspectrice, cet agent, affecté au secrétariat, a besoin d’un logiciel d’un coût d’environ un million de francs CFA pour pouvoir faire son travail, somme qui est au-delà de leur budget. Elle indique que cet état de fait ne permet pas d’apprécier à leur juste valeur les compétences de ces malvoyants, même s’ils sont souvent mieux qualifiés que certains voyants.

Mis à part ces difficultés, il faut reconnaître que d’anciens élèves de l’UN-ABPAM /BF arrivent à sortir du lot. C’est le cas d’Abdoulaye Traoré, entrepreneur à Bobo, qui encourage ses camarades à la persévérance en ces termes : « On n’a pas la vue mais on a la tête ; les yeux ne voient pas, c’est l’esprit qui voit. Même les voyants, quand ils veulent voir une chose, ils disent ‘’donne-moi je vais voir’’, ce qui signifie que le toucher est très important ». Abdoulaye Bandaogo, journaliste à Radio Oméga, est également un exemple de réussite de l’enseignement braille car il a été bénéficiaire de l’encadrement de l’UN-ABPAM.

Selon le président de l’ABPAM, la numérisation des manuels scolaires et universitaires, l’acquisition de logiciels spécifiques de travail et la prise en compte de la spécificité des handicapés visuels peuvent contribuer à résoudre cette équation d’insertion socioprofessionnelle.

Saâhar-Iyaon Christian Somé Békuoné

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