jeudi 21 novembre 2024

Procès du putsch de septembre 2015 : le colonel-major Raboyinga Kaboré, ex-CEMAT, insiste sur l’opposition de la hiérarchie militaire au coup d’Etat

colonel uneLe rôle et la position de la hiérarchie militaire pendant la période trouble des évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants sont toujours au cœur des débats au tribunal militaire de Ouagadougou. Appelé ce mardi 19 février 2019 à la barre en qualité de témoin, le colonel-major Raboyinga Kaboré, chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT) au moment des faits, s’est aligné derrière ses pairs déjà passés devant le tribunal. Tout comme ses prédécesseurs, il affirme que dès la prise en otage des autorités de la Transition, le commandement militaire s’est catégoriquement opposé au coup d’Etat que le général Gilbert Diendéré et des éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) voulaient asseoir.

Le défilé du commandement militaire au moment du coup d’Etat de septembre 2015 se poursuit au tribunal militaire de Ouagadougou. Ce matin, le colonel-major Léonard Gambo a cédé sa place au colonel-major Raboyinga Kaboré. Chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT) au moment des faits. Le colonel-major, dans sa déposition, s’est aligné derrière ses pairs qui l’ont précédé. Malgré le fait qu’il n’ait pas été de ceux qui ont pris part à la réunion du 16 septembre 2015 avec le général Gilbert Diendéré, les médiateurs et la hiérarchie militaire, il soutient la main sur le cœur que dès cette rencontre, le commandement militaire, coiffé en son temps par le général Pingrenooma Zagré, Chef d’état-major général des armées (CEMGA), a opposé son refus catégorique d’accompagner le général de brigade Gilbert Diendéré, le père spirituel du défunt Régiment de sécurité présidentielle (RSP) dans ses velléités de coup d’Etat. « Le point qu’on m’a fait, c’est que la réunion tirait en longueur parce que le général voulait l’accompagnement des chefs militaires qui lui ont opposé un refus catégorique. On m’a dit qu’ils se sont quittés au petit matin sans pour autant s’accorder, car chaque partie campait sur ses positions », a-t-il déclaré.

colonel 2A la réunion du 17 septembre 2015 avec Golf et le commandement militaire, le témoin affirme que le père spirituel du RSP a renouvelé sa demande de soutien aux chefs militaires, qui sont restés intransigeants sur la question. Il note qu’au regard des exactions qui étaient constatées en ville, la hiérarchie militaire a demandé que des mesures soient prises pour éviter les violences sur les populations. « Tous les intervenants étaient catégoriques sur leur opposition et le général tenait à ce qu’on l’accompagne. Avec ce que j’ai vu en ville (les exactions) avant d’arriver à la réunion, on a invité le commandement du RSP à prendre des mesures afin que cessent les exactions », explique-t-il.

Confronté à ces déclarations de l’ancien chef d’état-major de l’armée de terre, le général a pris le contre-pied du témoin. « La réunion du 17 était une réunion d’information, comme l’ont confirmé les autres chefs militaires passés à la barre. Il n’y a pas eu de prise de parole pour dire que j’étais d’accord ou pas. L’information a été donnée, ils ont pris acte », a-t-il insisté avant d’enfoncer le clou sur l’ex-chef d’état-major de l’armée de terre : « A cette réunion, le colonel-major Raboyinga Kaboré ici présent a dit qu’il faut tout faire que l’action réussisse, sinon son échec serait l’échec de toute l’armée ».

La question de la montée des autres garnisons sur Ouagadougou au moment des faits a aussi été évoquée par le témoin. C’est lui qui était aux commandes des équipes qui sont allées à leur rencontre avant leur arrivée à Ouagadougou. Il affirme que les chefs militaires n’étaient pas opposés à l’action des troupes des autres garnisons qui montaient sur Ouagadougou pour en découdre avec les éléments du RSP. Bien au contraire, note-t-il, la hiérarchie militaire avait plutôt le souci d’organiser et de coordonner les actions des militaires qui convergeaient sur la capitale, notamment en leur offrant de la logistique et de l’armement nécessaire. « J’ai été instruit par le CEMGA de rencontrer les colonnes. Par hélicoptère, nous sommes allés sur les axes Ouaga-Kaya et Ouaga-Fada pour les rencontrer ». Les consignes, selon lui, c’était surtout de leur faire part que le commandement ne s’opposait pas à leur action, les inviter à assurer la sécurité de leur déploiement, donner les encouragements du commandement. Face aux difficultés égrainées, il affirme que sur place, l’engagement a été pris de leur apporter du soutien en logistique et en armement .Toute chose que réfutent le général Diendéré et le colonel major Kiéré. En effet, ils affirment que concernant le mouvement des colonnes sur Ouagadougou, le général Zagré leur a dit de rassurer les éléments du RSP, car des missions avaient été envoyées pour dissuader ces troupes dans leur élan. Golf note que c’est par la suite que le commandement a récupéré ce mouvement des soldats, sinon il n’a pas motivé cette montée des colonnes à Ouagadougou. « L’information que nous avons reçue, c’est que des missions étaient envoyées pour dissuader les colonnes de monter sur Ouagadougou et non pour les encourager », a insisté le père spirituel du RSP.

colonel 3Concernant l’attaque du camp le 29 septembre 2015, le témoin note que c’est après avoir fait un travail d’analyse (passer le secteur en grille, prendre en compte les otages, rapport de force) et réussi à inverser le rapport de force en leur faveur que l’assaut a été lancé sur le camp Naaba Koom II. Selon ses explications, l’attaque s’est faite dans un premier temps avec l’artillerie lourde, dans un second temps, les éléments terrestres ont pris d’assaut le camp jusqu’au dernier retranchement. Toutefois, il affirme que les consignes étaient claires « tout faire pour éviter beaucoup de victimes, ne pas détruire inutilement les bâtiments au camp et ne pas attenter inutilement à la vie de quelqu’un ». Fort heureusement, note-t-il, l’assaut n’a pas fait de victime. Mais avant, il affirme que dès le 25 septembre 2015, il s’est personnellement rendu au camp pour rencontrer les officiers et les éléments du RSP afin de leur expliquer le désarmement et de les convaincre de ne pas opposer de résistance. De son passage au camp, il retient que les hommes étaient beaucoup préoccupés par leur sort, mais il confie les avoir rassurés sur leur avenir après le rétablissement de la situation à la normale.

Celui qui accueille ce passage du colonel-major Raboyinga Kaboré comme du pain béni, c’est le commandant Abdoul Aziz Korogo, alors chef de corps par intérim de l'ex-RSP. En effet, le témoin affirme que durant les évènements, il a été coopératif et à fait preuve de discernement afin de faciliter les actions de la hiérarchie tendant à obtenir la réédition du Régiment.

Candys Solange Pilabré/ Yaro

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