dimanche 24 novembre 2024

Procès du putsch de septembre 2015 : Un coin du voile levé sur le rôle de la hiérarchie militaire

goub unePendant le coup d’Etat de septembre 2015, qui a donné l’autorisation au président du Conseil national pour la démocratie (CND), le général de brigade Gilbert Diendéré, de disposer de l’aéronef de l’armée de l’air ? Appelé à la barre ce mercredi 13 février 2019 dans la matinée, le colonel Aimé Gouba, alors intérimaire du chef d’état-major de l’armée de l’air, le colonel-major Palenfo, en mission au moment des faits, donne des réponses. Son témoignage alors est accueilli par Golf comme pain béni, car corroborant ses déclarations. Après lui, la question des réunions tenues pendant les évènements entre le général et la hiérarchie militaire a été évoquée avec le colonel-major Poko Ilboudo, alors conseillé du chef d’état-major général des armées, le général Pingrenoma Zagré. Si le parquet espérait que son témoin vienne donner la position du commandement militaire lors de ces réunions, tel ne fut pas le cas, car il affirme être dans l’incapacité de dire où était clairement le pied de sa hiérarchie lors de ces rencontres avec les putschistes.

 

A la barre ce mercredi 13 février 2019 en qualité de témoin dans le cadre du procès du coup d’Etat de septembre 2015, le colonel Aimé Gouba, chef de la division logistique de l’armée de l’air, est venu lever le voile sur la mission héliportée demandée par le président du Conseil national pour la démocratie (CND), Gilbert Diendéré, pendant le putsch. Intérimaire du chef d’état-major de l’armée de l’air, le colonel-major Palenfo alors en mission, il a été celui-là que le présumé cerveau du coup d’Etat a appelé pour disposer de l’aéronef qui est allé à Niangologo en frontière ivoirienne récupérer du matériel. En effet, il affirme que c’est le 17 septembre 2015 vers 22h que le père spirituel de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) l’a appelé pour lui dire qu’il avait besoin d’un hélicoptère pour aller récupérer du matériel à la frontière. Après l’appel du général, il dit avoir appelé son chef d’état-major qui était revenu de sa mission et qui était aussi en partance pour la Chine pour une autre mission pour lui faire part de la demande du président du CND. Son supérieur, selon sa narration, lui aurait alors dit de contacter le chef d’état-major général des armées, le général Pingrenoma Zagré, pour l’en informer et savoir la conduite à tenir. Chose qu’il fit et après approbation du général Pingrenoma, l’hélicoptère fut mis à la disposition de Golf.

goub2Appelé à la barre pour interagir à ces déclarations du colonel Gouba, le général de brigade s’est réjoui de ce témoignage qui, selon lui, va en droite ligne avec ses précédentes déclarations concernant la mission héliportée qu’il a ordonnée pendant les évènements. « Tout ce qu’il (le colonel Gouba) a dit est exact. Tout ce qui a été dit confirme bien tout ce que nous avons eu à dire concernant cette mission. Effectivement, le colonel-major Palenfo et le général Zagré ont pris les dispositions pour que  je puisse disposer de l’hélicoptère », a-t-il souligné.

Selon ses dires également, c’est le colonel-major Boureima Kiéré qui, par téléphone, lui aurait indiqué le lieu où devait se poser l’hélicoptère. Des propos confirmés par l’officier en question qui souligne avoir reçu l’indication du chef d’état-major de gendarmerie d’alors, le colonel-major Tuandaba Marcel Coulibaly, qu’il dit avoir eu au téléphone.

Il explique également avoir vu l’ordre de mission dans les journaux. Lequel ordre de mission était signé du général Zagré. Pour le général appelé à la barre, ce témoignage du colonel Gouba confirme ses déclarations relatives à l’obtention de l’hélicoptère pour la mission de récupération de matériel.

Il faut noter que c’est le colonel Gouba, en sa qualité d’intérimaire, qui a représenté le colonel-major Palenfo lors des différentes réunions du général Gilbert Diendéré avec la hiérarchie militaire. « L’atmosphère était morose et on sentait que les avis étaient partagés. Les explications étaient à sens unique, notamment du général qui avait convoqué les réunions. A la réunion du 19 septembre 2015, c’est à la limite si les gens n’étaient pas énervés, car il y avait des exactions. C’est à cette rencontre qu’il a été décidé que le CEMGA fasse un communiqué pour dire à l’armée de rester vigilante et en position au niveau des casernes et qu’il fallait qu’il n’y ait pas de confusion avec les éléments du RSP, car il fallait que les autres unités se démarquent des exactions qui étaient du fait du RSP », a-t-il noté. Et d’ajouter : « Dans ce contexte, la hiérarchie peut avoir une idée de manœuvre où une stratégie que j’ignore ».

Le colonel-major Poko Ilboudo, conseillé du CEMGA pendant le putsch, dénonce le fait que le général Zagré ait mis en retrait ses conseillers pendant le coup d’Etat

La page des réunions est restée ouverte toute la matinée de ce mercredi matin. Après le colonel Aimé Gouba, c’est l’intendant colonel-major à la retraite, aujourd’hui membre du Haut conseil pour la réconciliation et l'unité nationale (HCRUN), Poko Ilboudo, qui était devant les juges en qualité de témoin. Avec lui, il a été essentiellement question des réunions tenues par le général Gilbert Diendéré avec la hiérarchie militaire pendant les évènements du 16 septembre 2015.

goub3Alors conseillé du Chef d’état-major général des armées, le général Pingrenoma Zagré, il affirme avoir été convié à la réunion tenue dans la 17 septembre 2015 au ministère de la Défense et des Anciens Combattants et présidé par le général de brigade Gilbert Diendéré. Selon sa narration, il s’agissait plus d’une réunion d’information sur la situation qui prévalait après l’arrestation des autorités de la Transition le 16 septembre 2015. « Il y a certainement eu des chefs militaires qui ont pris la parole, mais de façon générale et de ce dont j’ai souvenance, il n’y a pas eu de débat », a-t-il noté avant d’ajouter : « A la fin de la réunion, le général a demandé que l’armée puisse continuer d’assurer la sécurité ».

En outre, selon ce témoin, à cette réunion du 17 septembre 2015, la hiérarchie militaire n’a pas eu de position franche quant à son soutien au président du Conseil national pour la démocratie (CND), organe des putschistes. « Je suis incapable de vous dire exactement ce que fut la position de l’armée à la réunion du 17 », a-t-il martelé ; puis d’ajouter : « Les gens ont pris acte, mais est-ce que dans leur cœur ils supportaient la chose ? Je n’ai pas pris part à la réunion tenue dans la nuit du 16 au 17 septembre 2015. Ce sont ceux qui y ont été qui peuvent dire si les chefs militaires étaient d’accord ou pas. Moi, je n’en sais rien ». Toutefois, il est convaincu que le commandement militaire au cours de cette rencontre a eu à dire qu’il ne voulait pas d’effusion de sang d’autant plus qu’il savait qu’il y avait des exactions en ville.

Il affirme aussi que lors de cette réunion, il a eu à évoquer la question de la sécurité des membres de la Commission de la réconciliation nationale et des réformes (CRNR) dont il faisait partie eu égard au fait qu’il avait eu vent que le rapport de la commission qui préconisait la dissolution du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) était l’élément déclencheur du coup d’Etat. Mais il note que le général lui avait dit que la crise n’avait pas un lien avec le rapport et que les membres de la CRNR n’avaient pas à s’inquiéter. Confronté à cette déclaration, le général précise qu’il n’a été question que de la sécurité des membres de la commission avec le conseiller du CEMGA lors de cette réunion. « A la réunion du 17, il était question pour moi de donner des informations sur la situation. La question de la sécurisation des membres de la CRNR a été posée par le colonel-major Poko et je l’ai rassuré que rien n’allait leur arriver, car des mesures seraient prises dans ce sens », a-t-il expliqué.

goub4Autre élément important du passage du retraité : le fait qu’il ait noté que durant les évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants, les conseillers du chef d’état-major général des armées étaient mis à l’écart et que leur contribution n’était pas demandée par le général Zagré. Ce qui se manifestait, selon lui, par leur absence criarde à certaines réunions importantes. Il affirme la main sur le cœur que face à cette préoccupation, son patron lui aurait répliqué : « Ecoute, je convoque en réunion qui je veux ». Ainsi, selon ses dires, l’ordre a été donné aux officiers généraux de rester à leur base et que compte rendu leur serait fait au besoin. « On venait donc nous faire sporadiquement les comptes rendus. Un conseiller ne traite que du dossier à lui confié », précise-t-il.

Quoi qu’il en soit, cet officier supérieur de l’armée note qu’au regard de l’environnement très sécurisé (des militaires armés de gauche à droite) dans lequel se tenait la réunion, il fallait en termes de stratégie militaire réfléchir à deux fois avant de s’exprimer ou de donner clairement sa position sur ce qui se passait dans le pays.

Candys Solange Pilabré/ Yaro

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