dimanche 24 novembre 2024

Situation nationale : « Vous ne pouvez pas chasser le mécanicien du village et donner votre vélo à réparer à ses apprentis », dixit Moussa Zerbo de l’UPC

zrb uneDepuis fin 2015, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), le parti sorti victorieux des dernières élections, gère le pouvoir d’Etat au Burkina Faso. Mais il est confronté à des attaques terroristes qui créent l’émoi au sein de l’opinion. A maintes reprises, des voix discordantes se sont élevées au sein de l’opposition politique pour mettre en évidence les insuffisances de la gestion du parti au pouvoir. Moussa Zerbo est député à l’Assemblée nationale sous la bannière de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), la deuxième force politique du pays. Dans cet entretien qu’il a accordé à Radars Info Burkina, il parle de la situation sécuritaire, de la CENI et de la vie de son parti. 

 

Radars Info Burkina : L’actualité politique est marquée ces derniers jours par les attaques terroristes. Ce n’est certes pas nouveau, mais celles-ci se sont accrues dernièrement avec l’attaque ayant coûté la vie au député-maire de Djibo et celle ayant causé la mort de nombreux travailleurs de la mine d’or de SEMAFO SA. Quels sont vos sentiments à ce sujet ?

Moussa Zerbo : Avant tout propos, je voudrais présenter mes condoléances aux familles éplorées et souhaiter un prompt rétablissement aux blessés de ces attaques. On ne peut qu’être consterné et indigné face à une telle situation, parce qu’on ne comprend toujours pas pourquoi tant de barbarie et de haine contre notre peuple.  Tous les Burkinabè s’interrogent mais n’arrivent pas à comprendre pourquoi cet acharnement sur notre patrie.  

RB : Après ces attaques, le président du Faso a lancé un appel à l’enrôlement de volontaires dans les zones sous menace. Qu’en pensez-vous ?

De prime abord, cette mesure est à saluer. Toutefois, le président n’a pas encore précisé le contenu de ce recrutement. Quelles seront la mission de ces volontaires et la durée de leur formation ? Peut-être que les jours à venir, nous aurons plus d’informations. Ce que nous craignons, c’est qu’on recrute des jeunes et qu’on les envoie directement au front sans une formation adéquate. Sinon c’est une mesure courageuse, même si elle arrive un peu tardivement.  

zrb 2RB : On assiste à des appels à soutenir notre armée. Selon vous, notre armée est-elle en manque de moyens ?

MZ : En effet, un maire a même demandé que les citoyens consentent un mois de leur salaire pour soutenir les FDS, alors que l’Assemblée nationale a adopté un budget de 725 milliards de FCFA pour la réorganisation et l’équipement de l’armée.  Nous apprenons d’ailleurs avec amertume que notre armée a du mal à consommer ce budget. Il y a donc manifestement une contradiction entre le fait que l’armée n’arrive pas à consommer son budget et les appels aux soutiens financier et matériel dans cette lutte contre le terrorisme. Si c’est une question de moyens, je pense que c’est facile à comprendre mais pendant que notre armée n’arrive pas à consommer son budget, les troupes, dont je salue l’effort, manquent presque de tout. Je pense qu’il y a matière à réfléchir pour que les moyens mis à la disposition de l’armée soient utilisés de façon rationnelle.

RB : De plus en plus de voix s’élèvent pour demander le retour et la contribution des exilés à cette lutte antiterroriste. Pensez-vous que le peuple insurgé peut faire recours à des gens qu’il a combattus hier ?

C’est tout à fait normal si nous sommes des patriotes. Ce n’est pas parce que nous avons eu des différends hier que nous sommes devenus des ennemis. Ceux qui se sont exilés n’ont pas tous  renoncé à leur patrie. Je pense qu’il faut mettre tous les Burkinabè à contribution pour la réussite de la réconciliation nationale afin de gagner cette guerre. Parce qu’en réalité, nous sommes en guerre et la réconciliation est une nécessité impérieuse.

RB : Parlons élections : il n’y a pas longtemps, les réformes de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) avaient suscité de vives réactions. Aujourd’hui, on a impression que cette crise à la CENI  est résolue. Peut-on en savoir plus ?

MZ : Dire que la crise est résolue, c’est aussi trop dire. Vous savez que c’est à la faveur du dialogue politique qu’un minimum de consensus a été obtenu sur les points d’achoppement à la CENI, surtout sur le Code électoral.  Il s’agit des critères de collecte des données, des documents de votation. L’un des points qui reste en suspens, c’est la question de la carte consulaire.  

RB : Certains citoyens expriment des regrets au regard de la gouvernance actuelle. Votre parti qui a été acteur du renversement du régime de Blaise Compaoré ne se sent-il pas coupable de n’avoir pas pu contribuer à apporter une gouvernance à la hauteur des attentes des insurgés ?

MZ : Si le peuple voulait le changement, c’était l’UPC qu’il devait voter. Nous avons prévenu les Burkinabè. Même des alliés qui sont actuellement avec eux au pouvoir ont également prévenu en disant : « Votez le MPP et les portes de l’enfer vont s’ouvrir. » D’autres alliés actuels les ont même traités « de gens qui ont dîné avec le diable ». Nous avons dit au peuple : « Vous ne pouvez pas chasser le mécanicien du village et donner votre vélo à réparer à ses apprentis.» L’UPC ne regrette pas l’insurrection. Elle regrette plus la gouvernance d’après-insurrection, c'est-à-dire ce que le MPP est en train de faire actuellement du pays, qui est même une trahison de l’esprit de l’insurrection. Tous les maux que nous avons combattus sous le régime passé sont revenus en force.

Propos recueillis par Péma Néya

     

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