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Procès du putsch de septembre 2015 : « Je ne savais pas que jalonner pour accueillir des chefs d’Etat était illégal. C’est ce procès qui me l’apprend », lieutenant Daouda Beyon II KONE, accusé

RSPAprès quelques semaines de suspension pour permettre aux différents acteurs de souffler, le marathon judiciaire de l’affaire dite « Gilbert DIENDERE et 83 autres » a repris depuis le jeudi 16 août 2018. Après le soldat Sidiki OUATTARA, c’est le lieutenant Daouda Beyon II KONE qui était à la barre du juge Seydou OUEDRAOGO. Mais l’officier ne reconnait aucun fait qui lui est reproché, car au cours des évènements du 16 septembre 2015, il dit n’avoir exécuté qu’une mission de jalonnement dans le cadre de l’arrivée des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au Burkina Faso. Laquelle mission qu’il juge militaire et légale.

 

salle audi« Jusqu’à ce que je sois ici à la barre, je n’avais pas conçu qu’il y avait un coup d’Etat. Pour moi, c’était une crise comme il y avait eu précédemment au corps. Je ne voulais pas me convaincre que c’était un coup d’Etat. C’est lorsque j’ai vu une publication de Basic Soul du balai citoyen sur facebook qui disait que le coup d’Etat ne passerait pas que j’ai appris qu’il y avait coup d’Etat », a martelé le lieutenant Daouda Beyon II KONE, qui durant tout son interrogatoire a tenté de convaincre le tribunal que jusqu’au 21 septembre 2015, il ignorait qu’un coup d’Etat avait eu lieu au Burkina Faso. Pour lui, l’ex régiment de sécurité présidentielle (RSP) vivait sa énième crise depuis le début de la Transition.

Selon son récit, le 16 septembre 2015, après son sport, il a rejoint son pied à terre. Mais en son temps là, il n’avait pas de fonction, car il venait de rentrer d’une mission onusienne. En attendant sa note de nomination, il était l’officier d’ordinaire au RSP, c'est-à-dire qu’il s’occupait du volet alimentation. Devant donc croiser un fournisseur, il a demandé la permission au commandant de groupement le lieutenant Gorgo pour se rendre en ville. C’est quelques instants après que le lieutenant lui a sommé de revenir au bureau, car il y avait des mouvements au Conseil des ministres. Par la suite, son supérieur qui selon sa perception n’était pas au parfum de ce qui se passait exactement l’a ordonné de se mettre « en tenue correcte » pour aller au PC pour mieux comprendre la situation. Là, ils y ont  retrouvé le chef de corps, certains officiers et le général Gilbert DIENDERE qui a annoncé que les autorités de la Transition étaient retenues au Conseil des ministres, tout en s’excusant de ne leur avoir pas informés auparavant. Selon le lieutenant KONE, le général DIENDERE a par la suite demandé de mettre les hommes en caserne et de grouiller faire rentrer tout ce qui est moyen roulant du RSP. « C’est là-bas que j’ai appris que des autorités étaient retenues », a-t-il signifié. Toutefois, il a noté que sa casquette d’officier d’ordinaire ne lui a pas permis de prendre part à toute cette rencontre, car il était aux environs de midi et il fallait qu’il aille se rassurer que tout se passait bien dans les casseroles.

salutations diendPour l’officier de 31 ans, son seul péché dans cette affaire a été d’avoir exécuté dans la journée du 18 septembre 2015, une mission de jalonnement sur l’axe allant de la télévision Bf1 à l’aéroport dans le cadre de l’arrivée au Burkina Faso des chefs d’Etat de la CEDEAO. « Je ne savais pas que jalonner pour accueillir des chefs d’Etat était illégal. C’est ce procès qui me l’apprend », s’indigne t-il. Pour lui, cette mission a par ailleurs conforté son sentiment que ce qui se passait n’était qu’une énième crise au sein du régiment. Laquelle crise qui selon lui allait vite se décanter, car il trouvait que les chefs militaires étaient unis. De plus, le chef d’Etat major de l’époque, le général Pingrenoma ZAGRE, en lui tapotant l’épaule l’a rassuré en dioula que tout allait s’arranger. « Si c’était un coup d’Etat, le chef d’Etat major ne peut pas me dire cela. Toutes les fois que j’ai entendu parler de cette situation, c’était de crise dont il était question, pas de coup d’Etat. Cela peut sembler invraisemblable », a-t-il noté.

Ces explications ne sont pas arrivés à convaincre le parquet et les avocats de la partie civile qui estiment qu’au regard de la situation tendue qu’il y avait à l’époque, il était difficile qu’un officier de son rang ignore qu’il s’agissait d’un attentat à la sureté de l’Etat. Pour le parquet, la passivité de ce chef militaire pendant ces évènements lui fait aussi porter le chapeau de certaines exactions, car il dit avoir appris au carré d’armes qu’il y avait des morts et des blessés en ville, mais il n’a rien fait pour arrêter les responsables. « La responsabilité du chef militaire peut se greffer à celle du subordonné selon l’article 30 de loi CNT régissant le corps militaire », a expliqué le procureur. Mais pour son avocat Me Stéphane OUEDRAOGO, ce ne sont pas des prérogatives de son client de procéder à des arrestations, mais celles du procureur militaire.

Quoi qu’il en soit pour le parquet militaire, le lieutenant KONE et certains de ses frères d’armes, conscients qu’il s’agissait d’un coup d’Etat qui n’étaient pas accepté de la population et des autres militaires ont voulu résister jusqu’au bout. Ainsi, l’expertise du téléphone portable de l’officier montre que celui-ci a demandé à un de ses amis du nom d’Efreim de faire une publication de menace sur facebook : « Des véhicules noires de type 4x4 transportant  des éléments du RSP en direction de Bobo », a-t-il demandé d’écrire selon le parquet. Mais si l’officier reconnait avoir demandé de faire un post sur facebook, il précise que cela était dans l’optique de dissuader ses frères d’armes des autres garnisons qui avaient pris la route pour Ouagadougou afin de les affronter. Par ailleurs, selon lui, son message à son ami ne comportait pas autant de précisions et que celui-ci à refusé de faire la publication, car il craignait pour sa vie. Pour lui, le RSP en son temps « était la bête à tuer » et les familles de certains éléments du RSP étaient menacées. En effet, à l’instar d’autres de ses camarades, il dit être parti extirper son père qui était assailli par des manifestants remontés.

Il faut noter que le lieutenant KONE qui a reçu la médaille commémorative des Nations unis avec agrafe Soudan est accusé de complicité d’attentat à la sureté de l’Etat, de meurtre et de coups et blessures volontaires sur 42 personnes. Des faits que l’officier ne reconnait pas. Son interrogatoire se poursuit ce samedi 18 août 2018.

 

Candys Solange PILABRE/ YARO