Ce mardi 22 novembre 2022, a comparu à la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance Ouaga I, D.S., un homme âgé de 64 ans, père de 15 enfants, cultivateur en saison pluvieuse et marabout en saison sèche. Il lui est reproché des faits d’escroquerie et d’artifices avec des manœuvres frauduleuses.
D.S. est accusé d’avoir escroqué O.S., technicien en bâtiment, en usant de manœuvres frauduleuses pour lui soutirer 3 millions 800 mille francs CFA. En effet, l’accusé dit avoir croisé un marabout sénégalais depuis 1994 qui lui a donné un verset du Coran qui permet de multiplier de l’argent, mais ce n’est qu’en avril 2022 qu’il a essayé pour la première fois sa mise en application.
Selon ses explications, c’est l’un de ses disciples dans le domaine du maraboutage qui l’a amené O.S. (la victime), qui souhaitait s’enrichir rapidement. Il dit avoir signifié à son client que c’était un domaine risqué mais que s’il est sincère, il fera ce qu’il peut. Le contrat est que si le « travail » réussissait, il empocherait 20% de l’argent multiplié mais dans le cas contraire, il allait rembourser l’argent de son client. Son rôle était de prier avec ledit verset coranique et d’user d’un pouvoir mystique pour multiplier quelques billets de banque en vue de remplir une cantine au bout de 43 jours.
C’est ainsi qu’il parvint à avoir la confiance de O.S. et à lui prendre trois millions huit cent mille (3 800 000) francs CFA.
Malheureusement, ce pouvoir de multiplication d’argent n’a pas marché malgré les prières et les sacrifices car O.S., en lieu et place d’une cantine remplie d’argent, se retrouvera avec une cantine remplie de maïs.
« Mais pourquoi avoir donné toute cette somme à un prétendu multiplicateur d’argent qui n’est pas une structure financière ?» demande le juge à O.S., la victime ?
Au dire de ce dernier, D.S. l’a mis en confiance parce qu’il le recevait toujours dans une villa bien équipée de haut standing chaque fois qu’il s’y rendait. Il lui a même fait voir une cantine déjà remplie d’argent qu’il disait appartenir à un autre client.
Par la suite, explique O.S., pour éviter tout doute, « il a demandé un cadre chez moi pour travailler pendant deux semaines avant de repartir. Je devais attendre 43 jours avant d’ouvrir la cantine et à l’approche du délai il m’a rappelé que je devais donner une somme de 250 000 FCFA pour acheter un bœuf noir car il fallait des sacrifices avant l’ouverture de la cantine ».
C’est après tout ce « protocole » que la victime trouvera du maïs en lieu et place de l’argent.
Le procureur a estimé qu’au regard de tout cela, l’acte d’escroquerie est constitué car même si l’activité de maraboutage n’est pas interdite, elle est condamnable quand on la fait dans l’optique d’extorquer de l’argent à quelqu’un. Ainsi, il a déclaré D.S. coupable et a requis contre lui une peine d’emprisonnement de 62 mois ainsi qu’une amende d’un million de francs CFA, le tout ferme.
Le conseil de l’accusé, lui, a soutenu que son client fait son « travail » avec conviction et qu’il n’a pas forcé la victime à venir à lui. «Il est convaincu que sa prière permet de multiplier l’argent et c’est la conviction de la victime aussi qui l’a conduite à mon client. Celle-ci a pris l’initiative et est allée de son plein gré voir mon client», a renchérit la défense.
Pour l’avocat de l’accusé, les faits sont d’une telle particularité qu’il faut les voir autrement car chacun a sa conviction, et son client n’a fait que l’exercice de son activité. Ainsi, il a plaidé l’indulgence du tribunal à l’égard de son client et demandé qu’il soit condamné seulement avec sursis. L’homme en robe noire n’a pas manqué non plus de lancer des piques à la victime de son client, déclarant illicite et immoral l’attitude de celle-ci qui a eu l’intention d’obtenir des billets de banque qui ne proviennent pas de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) alors qu’on sait bien que pour avoir de l’argent, il faut travailler et la BCEAO est la seule structure qui injecte l’argent dans le circuit économique au Burkina.
La victime ayant réclamé la restitution de 3 millions sur les 3 millions 800 mille F CFA, le conseil de l’accusé a demandé le rejet de la constitution de la partie civile, parce qu’elle n’est pas fondée.
Le tribunal a finalement condamné D.S. à 24 mois de prison ferme et à une amende d’un million de francs CFA assortie de sursis. Il a par ailleurs rejeté la requête de la partie civile.
Flora Sanou