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Education : « Le système est en train de s’enfoncer davantage » (Souleymane Badiel, SG de la F-SYNTER)

educationtransformation uneA l’étape actuelle, l’éducation burkinabè fait face à d’énormes problèmes dus à la crise sécuritaire sans précédent, surtout avec un grand nombre d’élèves déplacés internes : 708 000 élèves PDI au 31 mai 2022, selon la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA). A l’orée de la rentrée scolaire, Radars Info Burkina est allé à la rencontre du secrétaire général de la Fédération des syndicats nationaux des travailleurs de l'éducation et de la recherche (F-SYNTER), Souleymane Badiel, pour en savoir davantage sur les problèmes fondamentaux de l’éduction au Burkina. Les échanges ont surtout porté sur la question des élèves déplacés internes.

Selon Souleymane Badiel, le système éducatif burkinabè est à la croisée des chemins car les problèmes y sont énormes. Malheureusement, face à cette énormité de préoccupations, on ne voit pas de détermination politique avec des engagements qui peuvent rassurer que des politiques sont mises en œuvre ou que des mesures sont prises en vue de résoudre convenablement ces préoccupations, s’empresse-t-il de faire remarquer.

A cette rentrée scolaire et universitaire, il estime qu’il y a trois grands problèmes qui plombent le système éducatif burkinabè.  Le premier problème est celui sécuritaire, dont tout le monde voit les conséquences dommageables, à la fois pour l’ensemble de la société et pour l’éducation. Le deuxième problème est l’impact de la vie chère qui fait que cette rentrée est à la limite cauchemardesque pour beaucoup de parents d’élèves. La troisième préoccupation est la remise en cause des droits sociaux. Ces éléments, mis ensemble, montrent que le système éducatif est en train de plonger davantage, selon notre interlocuteur.

educationtransformation 2La situation des élèves déplacés internes semble pire que l’on ne l’imagine, à en croire M. Badiel, qui ajoute que le gouvernement ne présente aucune solution. « Par exemple concernant les Personnes déplacées internes (PDI), quelle est véritablement la solution que le gouvernement propose à cette rentrée pour les élèves qui sont touchés par cette situation ?» s’interroge-t-il.  Et d’ajouter : « Ce que nous avons vu sur le terrain dans un premier temps, c’est que dans au moins 3 provinces de la région de l’Est par exemple, l’Etat n’a pas été capable d’organiser les concours de l’entrée en 6e et de l’entrée en 2nde. Qu’est-ce que cela signifie ? Que l’Etat lui-même indique par cet acte qu’il est incapable d’ouvrir les établissements dans ces trois provinces à cette rentrée 2022-2023.»

Le deuxième élément concernant cette question, selon Souleymane Badiel, est qu’il y a une circulaire du secrétaire général du ministère de l’Education nationale qui invite les responsables administratifs au niveau déconcentré à informer, à demander aux chefs d’établissements et aux personnels d’accueillir dans la mesure du possible les élèves déplacés internes qui viennent à eux dans les établissements.

 C’est une fuite de responsabilités, a-t-il soutenu, parce que la situation que cela a engendré aujourd’hui, c’est que tout le monde converge vers les établissements publics en se présentant comme PDI. Et les établissements n’ont aucun moyen de faire la part des choses entre qui est réellement déplacé interne et qui ne l’est pas. Cela va induire une augmentation des effectifs dans les établissements sans commune mesure avec les normes éducatives à cette rentrée 2022-2023.

Ainsi, rien que sur ce plan, le gouvernement ne va pas dans le sens effectivement de mettre en route des mesures permettant de répondre correctement à cette situation ; bien au contraire, ce vers quoi il avance va créer plus de problèmes : à la fois en termes de qualité de l’éducation et d’accès à celle-ci, a déclaré M. Badiel.

 Quand on dit simplement aux responsables d’établissements de faciliter l’inscription des élèves PDI sans tenir compte des conditions dans lesquelles ils vivent, cela ne sert à rien. Ces élèves vivent comment ? Comment font-ils pour aller à l’école ? Comment paient-ils leurs frais de scolarité ? Ce sont autant de question auxquelles il n’y a pas de réponse, selon le SG de la F-SYNTER, Souleymane Badiel.

Sur cette question de conditions de vie des PDI, Plan international et plusieurs Organisations non gouvernementales (ONG) ont tenu une conférence de presse le 20 septembre dernier sur la réponse humanitaire apportée aux enfants PDI. Il en est ressorti que le montant alloué par les bailleurs de fonds humanitaires entre janvier et août 2022 représente à peine environ 177 francs CFA par mois et par enfant déplacé en âge d’être scolarisé.

Partant de ce constat, Souleymane Badiel estime que dans ces conditions les enfants, surtout qu’il n’y a plus de cantines dans beaucoup d’établissements, risquent de se retrouver confrontés à toutes sortes de maux comme la délinquance juvénile, le risque de recrutement par les groupes armés terroristes, etc. Et le pire, c’est que ceux qui ont atteint l’âge d’être scolarisés n’ont pas de place dans les établissements. C’est pourquoi le SG de la F-SYNTER souligne que le gouvernement actuel n’avance pas de solutions qui rassurent que le système éducatif va s’améliorer. Il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil du système éducatif à cette rentrée scolaire 2022-2023 si ce n’est que le système est en train de s’enfoncer davantage, clame M. Badiel.

A la question de savoir si on peut sauver cette rentrée scolaire des PDI à l’étape actuelle, il dit être optimiste. En effet, pour notre interlocuteur il est vrai que la situation liée à l’insécurité est particulièrement préoccupante, mais tout est une question de volonté politique. Il y a des possibilités d’aller vers des solutions correctes et le plus rapidement possible. 

Pour améliorer la situation et sauver l’éducation au Burkina, le SG de la F-SYNTER a fait des propositions.

« Si on veut sortir notre système éducatif et la recherche de l’ornière dans laquelle ils se trouvent, il faudra poser les bases d’une refonte du système éducatif de sorte qu’il s’adapte à nos réalités et prenne en compte tous les aspects qui doivent permettre d’en faire une éducation populaire, démocratique au service de notre nation ».

 C’est possible et il suffit qu’on crée les conditions de sorte que tous les acteurs apportent leur contribution en termes d’analyse, de réflexion et que ces propositions soient prises en compte, car jusque-là les organisations font beaucoup de propositions mais le plus souvent, elles ne sont pas prises en compte.

Pour terminer, le SG de la F-SYNTER reconnaît que le Burkina et son système éducatif sont dans une situation très difficile. Mais pour lui, il faut garder espoir et ne pas être fataliste. Le peuple doit se mobiliser davantage, s’organiser et prendre son destin en main, a-t-il suggéré, au lieu de reposer sur des groupuscules qui répondent à d’autres injonctions que des politiques à même de répondre aux attentes des populations.

Pour cette rentrée scolaire, Souleymane Badiel invite les parents d’élèves, les étudiants, les travailleurs et les organisations à savoir qu’il n’y aura pas d’avancée significative dans le secteur de l’éducation en termes de résolution des problèmes en dehors d’une mobilisation et d’une prise en charge conséquente de ces problèmes par l’ensemble de ses acteurs.

Flora Sanou