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Sibiri Waré : Le jeune homme qui a bravé vents et marées pour devenir étudiant

aaetudiantÉtudiant en Histoire et archéologie, Sibiri Waré a financé ses propres études depuis la 6e jusqu'à ce jour. Vendeur de jus, transporteur de charbon, « manœuvre », le jeune homme tente tout afin de réussir à s'offrir une instruction. Aujourd'hui étudiant, il a un parcours atypique et constitue bien plus qu’un cas d’école.

Il existe des personnes qui sont nées sous une bonne étoile. D’autres par contre doivent remuer ciel et terre pour subvenir à leurs besoins. C’est le cas de Sibiri Waré, étudiant en Histoire et archéologie de l’université Joseph Ki-Zerbo depuis 2019. Après son CEP en 2009, Sibiri, n'ayant pas les moyens de faire des études au secondaire, décide de reprendre la classe de CM2 pour obtenir l’entrée en 6e. Il manque l'entrée 6e et décide, malgré le manque de moyens financiers, d'aller faire le secondaire à Tougan. Il opte pour les cours du soir afin de pouvoir occuper ses journées à la recherche de la pitance. « Je vendais du bissap dans les villages environnants situés à 17 - 20 km de Tougan. Je travaillais avec une dame, c'est elle qui m'a pris, je mangeais chez elle et je vendais son eau ; elle me payait 4 000 F le mois », confie le jeune homme. La scolarité en son temps s’élevait à 18 000 F mais Sibiri ne réussira pas à les payer en intégralité. « J'avais un cousin auprès de qui la dame versait les 4 000 F. Après deux mois de travail, la dame a décidé d’augmenter le salaire à 5 000 F le mois parce qu'elle était satisfaite de mon travail ». En effet, Sibiri n’avait pas de répit ; après la vente du bissap, il convoyait de la fumure au champ pour la même dame.  Mais en fin d’année, il regagne son village avec zéro franc à cause de son cousin qui avait détourné tout cet argent. « Quand je devais partir, je suis allé lui demander mon argent. Il m'a dit qu'il y a un homme qui le lui avait emprunté pour acheter du haricot. Mais que deux jours après il allait le rembourser. Et c'est ainsi que les choses sont restées sans suite jusqu'à présent », explique-t-il.

En 2012, Sibiri reprend la 6e au lycée provincial de Tougan parce que l’administration des cours du soir refusait de lui fournir ses bulletins de notes qui attestaient qu’il avait déjà validé la classe de 6e. « Heureusement, quand j’étais rentré pendant les vacances, je cultivais avec des bœufs de trait les champs de sésame et d'arachide de certains agriculteurs. C'est ainsi que j'ai pu économiser 20 000 F pour la rentrée. Cependant, cette somme n'a pu couvrir tous mes besoins scolaires», raconte-t-il. Et en 6e Sibiri travaille comme aide-maçon pour 1500 F la journée. « Je me rappelle qu’un jour, on a travaillé de 8 h à 3 h du matin pour une paie de 2 000 F. Notre collaboration a donc tourné court », nous informe-t-il.

Après l’obtention du BEPC, ce sera la même routine pour le jeune homme pour la suite de ses études. Il passe par « manœuvrage », la vente de charbon avec un voisin marchand auprès de qui il pouvait obtenir jusqu’à 2500 F les jours de marché, le transport de personnes avec un tricycle. Et ce fut ainsi jusqu’à l’obtention de son baccalauréat, série A4, en 2019. « Après le Bac je voulais Bobo-Dioulasso mais on m'a orienté à Ouagadougou. Et cela me faisait si peur que j'ai travaillé dur jusqu'à obtenir plus de 100 000 pour la rentrée », a-t-il confié. Arrivé à Ouagadougou, le jeune homme enchaîne les petits contrats et c’est ainsi qu’il réussit à financer ses études et même à envoyer de l’argent de temps à autre à ses parents au village. « J'ai des charges au village et cela fait que je suis obligé de travailler partout où je peux le faire pour pouvoir supporter ces charges. Ici quand j'ai eu ma première tranche de FONER, j'ai acheté deux moutons et une chèvre», nous a-t-il affirmé.

Cette année, Sibiri s’est vu obligé d’envoyer 200 000 F CFA au village afin d’aider ses parents à faire face à la crise alimentaire qui frappe tout le Burkina. Le jeune homme rêve de devenir homme de tenue ou de servir dans le monde de l’éducation. Aujourd’hui âgé de plus de 25 ans, Sibiri a également la passion de l’agriculture et de l’élevage. « Quand j’en aurai les moyens, je m'investirai dans ce domaine », nous a-t-il confié.

Etienne Lankoandé