Au Burkina Faso vivent de nombreuses communautés étrangères parmi lesquelles on compte des Béninois. Radars Info Burkina est allé à la rencontre de quelques ressortissants de l'ancien Dahomey vivant au pays des hommes intègres afin de s’imprégner de leurs réalités et de recueillir le jugement qu'ils portent sur leur pays d’accueil.
Selon la présidente de l’Union des Béninois au Burkina Faso (UBBF), Bernadette Gbaguidi, la communauté béninoise regroupe environ 5 000 personnes. Elle est composée majoritairement d’étudiants, d’ouvriers, d’artisans et toutes ces personnes se sentent à l’aise dans leur pays d’accueil. «On se sent Burkinabè ; c’est juste le sang béninois qui coule dans nos veines», a-t-elle déclaré. Cependant, les difficultés, il n’en manque pas, indique dame Gbaguidi. «Dans le milieu estudiantin, les problèmes sont multiples. Il y a, par exemple, celui du logement car plusieurs étudiants viennent s’inscrire mais n’ont pas de lieu où résider. Il y a aussi certaines écoles de formation qui n'ont pas d’agrément. Ainsi, certains étudiants béninois s’y inscrivent mais par la suite, ils se retrouvent avec des diplômes non reconnus. D’autres se font également arnaquer dans des activités douteuses. Pour ce qui est des ouvriers et des artisans, certains travaillent mais au finish, ils ne perçoivent pas leur paie. Par ailleurs, plusieurs filles se retrouvent dans les restaurants et bars en tant que serveuses et sont abusées par leurs employeurs ou même les clients.» Ce sont là autant de problèmes que vit la communauté béninoise résidant au Burkina Faso, si l’on en croit la présidente de l’association qui les regroupe.
L’insécurité, devenue le quotidien du Burkina ainsi que d'autres pays de la sous-région, est aussi un souci et le vœu des ressortissants de l'ancien Dahomey vivant au Burkina, c’est le retour de la paix et de la sécurité au Faso.
Bénild Aurel Litchéou, étudiant en 2e année de banque-microfinance dans un institut de la place, par ailleurs artiste musicien et danseur, affirme être parfaitement intégré au Burkina, d'autant plus qu'il y vit depuis maintenant 23 ans. À l’en croire, son intégration au sein de la société burkinabè n’a guère été difficile parce qu’il y a grandi et fait tout son cursus scolaire. «Mon intégration n’a pas été compliquée. J’ai vécu Burkinabè et je vis toujours Burkinabè. Je me sens chez moi parce qu'en cas de besoin, les frères burkinabè sont toujours disponibles», indique-t-il. Toutefois, confesse le jeune étudiant, il est confronté à un problème de naturalisation, chose qui ne lui permet pas de prendre part aux concours directs de la fonction publique burkinabè.
D'après le journaliste et consultant médias Serge Mathias Tomondji, précédemment directeur de la rédaction de la télévision Burkina Infos et qui vit au Burkina depuis une trentaine d’années, son intégration au Burkina s'est faite sans aucune complication. Le pays des hommes intègres est, de son propre aveu, un pays hospitalier et accueillant. « Pour moi, le Burkina Faso est un pays épatant qui, malgré son enclavement et ses maigres moyens, a su capitaliser sur la bravoure et le travail de ses femmes et de ses hommes. Par exemple, ce pays n'a rien à envier aux autres de la sous-région en ce qui concerne notamment les productions céréalière, maraîchère, fruitière et même agricole. Pendant toutes ces années et à différents niveaux, j'ai pu constater combien les Burkinabè sont accueillants et hospitaliers. Je n’ai aucun problème avec eux. Dans tous les quartiers où j’ai vécu et dans celui où je vis actuellement, tout se passe bien. Les Burkinabè m’ont bien accepté et nos échanges sont respectueux et cordiaux. J'ai évolué dans plusieurs médias privés sans aucune complication. Avec les autorités burkinabè, peut-être en raison de ma profession de journaliste, je n'ai aucun problème non plus », affirme-t-il.
Cependant, il pointe du doigt les problèmes liés à l’établissement des documents administratifs sur place et l’insécurité à laquelle est en proie le pays des hommes intègres. Il leur faut en effet se rendre jusqu’à Cotonou, la capitale béninoise, pour se faire établir une carte d’identité nationale ou un passeport, d'après M. Tomondji, ce qui occasionne d’énormes dépenses. La pandémie de COVID-19 et la situation sécuritaire actuelle du Burkina n'arrangent guère les choses, toujours selon lui.
Mais la situation a tout de même évolué avec la désignation d'un consul honoraire du Bénin au Burkina, a-t-il affirmé. Aujourd’hui, les Béninois peuvent se faire immatriculer et obtenir une carte consulaire. Ils peuvent aussi se faire établir certains papiers de base sur place. Mais pour l’heure, l’administration consulaire est en pleine réorganisation en raison du décès des deux premiers consuls du Bénin au Burkina.
L'actuel consul désigné, qui attend toujours d'être officiellement installé par les autorités burkinabè, développe cependant des initiatives pour une inscription des Béninois de sa juridiction dans le fichier de base du Recensement administratif à vocation d'identification de la population (Ravip), lancé en 2020 et qui constitue la première phase pour l'établissement de tout document administratif au Bénin.
Cette opération, qui doit avoir lieu d'ici mi-septembre et devra être suivie du déplacement d'une mission de l'Agence nationale d'identification des personnes (Anip), permettra aux Béninois de se faire établir, sur place, un acte de naissance sécurisé, le Certificat d'identification personnelle (CIP) et la carte nationale biométrique.
« La situation sécuritaire constitue une source de grande inquiétude mais qu’à cela ne tienne, aucun projet ne se fait sans le Burkina », a déclaré M. Tomondji.
« Quand je suis arrivé ici, je ne pensais pas m'y établir durablement. Aujourd'hui, le Burkina est mon pays d'adoption, ma deuxième partie. J'y ai passé le plus clair de ma vie professionnelle et pratiquement la moitié de ma vie tout court. Mes perspectives, qu'elles soient professionnelles ou personnelles, ne se déclinent donc pas sans le Burkina. Cependant, la dégradation de la situation sécuritaire consécutive aux attaques terroristes de ces dernières années constitue une source de grande inquiétude et le sujet principal de préoccupation nationale et régionale. Les efforts multiformes qui se mènent pour endiguer ce mal doivent être accompagnés par tous pour un retour progressif à la normale », a terminé Serge Mathias Tomondji.
F.S.