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Nouvel an africain : « Il y a eu un travail de déconstruction de la religion africaine » selon Bayala Lianhoué Imhotep

byalaChaque peuple a un repère traditionnel de mesure du temps. Le repère scientifique africain de mesure du temps est ancien à celui européen. Dans une interview réalisée le mercredi 13 juillet 2022, Bayala Linhoué Imhotep, doctorant en étude culturelle africaine et membre fondateur de l’école 2 heures pour Kamita, explique que ce calendrier, dans lequel l’année commence à chaque 19 juillet, est à l’an 6258. Il montre la célébration qu’ils organisent à l’orée de l’an 6259 et appelle à prendre conscience que la science moderne issue de l’Occident trouve ses origines en Afrique.  

Comment on peut appeler la pratique culturelle africaine dont vous faites la promotion ?

Je dirai que c’est le culte des ancêtres. Nous on utilise rarement l’expression religion parce que la religion est un phénomène historique qui a des buts idéologiques et politiques. Par contre, la spiritualité est le fait que tout être existe ou doté d’esprit.

Est-ce différent de ce qu’on appelle animisme ?

Ce n’est pas différent. Animisme signifie que tout est animé. On considère que la nature, les herbes, les roches, la terre, l’air, le feu, tout ceci est animé. Et quelqu’un qui tente de démontrer le contraire se rend compte du contraire. Parce que l’arbre qui est là, pour lui enlever la dignité d’être animé il faut le couper ou l’écorcer. Et tout de suite, il en sortira de la sève. Cette sève sur le poisson sera du sang ou autre liquide. Donc nous sommes en tradition africaine et si on quitte l’hypocrisie occidentale, on se rend compte que tout est vie. C’est pourquoi dans la démarche du croyant africain, à partir du moment où tout a été créé par Dieu, on considère qu’il a eu à ensemencer dans chacune de ses créatures, une parcelle de lui-même. Donc c’est une spiritualité mathématique et je dirai scientifique.

Certains parle de Kemitisme et on appelle les membres les Kamite. Expliquez-nous leur signification.

C'est un courant idéologique qui part du fait que les africains ont nommé la terre qu'ils habitent Kamita. C'est comme quand Sankara a pris le pouvoir, il décide de donner une forme vivante au pays. La forme vivante c'est les valeurs que le nom revêt. Et ils vont dire que leur terre c'est Kamita qui veut dire en langue égyptienne copte, la terre des hommes aux visages cramés. Donc l'origine c'est l'Égypte antique mais on retrouve sa traçabilité dans toutes les entités de la linguistique africaine. Théophile Obenga a même écrit un prestigieux livre sur ça, “l'unité linguistique“. Donc l’expression de base, c'est kamina qui désigne la terre des hommes ou la terre de ce qui est cramé. Donc ils ont désigné et nommé leur terre en fonction de leur être, en fonction de leur propre perception d'eux-mêmes. S'il y a des blancs au Maghreb aujourd'hui, il faut repartir au 4ème siècle pour découvrir qu'ils sont venus du Yémen et ils sont entrés par le Carthage. Donc kamite qui désigne le territoire, kemite les citoyens.

Cheikh Anta Diop dans son ouvrage "Civilisation ou Barbarie" dit : "L'Africain qui nous a compris est celui- là qui, après la lecture de nos ouvrages, aura senti naître en lui un autre homme, animé d'une conscience historique, un vrai créateur, un prométhéen porteur d'une nouvelle civilisation et parfaitement conscient de ce que la terre entière doit à son génie ancestral dans tous les domaines de la science, de la culture et de la religion ". Est-ce cela la définition du Kamite ?

J'ai du respect pour cet homme dont l’intelligence n’a pas d’égale. En 1954 lorsque Cheick Anta Diop sort Nations nègres et culture, il n'était pas donné à tout le monde d'avoir une telle puissance d'esprit. Mais il a défié l'époque et il a poussé très loin. Et la définition qu'il a donnée répond trait pour trait à l'adjectif qui qualifie un citoyen Kamite, qui est ce noir doter d’une conscience historique.

Que voulait dire exactement Cheick Anta Diop et de qui parle-t-il dans cette citation ?

Il parle du Noir précisément parce que c'est lui qui a un complexe d'existence et de reconnaissance. Le noir souffre de complexe chez lui, il souffre de complexe quand il est hors de chez lui. C'est lui son identité humaine qui souffre. Des philosophes comme Gobineau ont théorisé sur l'inégalité des races. Ça veut dire qu'on a rendu scientifique, le caractère inhumain du Noir. Des barbares intellectuels comme Voltaire ou Molière iront jusqu'à ranger le Noir parmi les animaux. Il (Voltaire) dira que ''quand on prend les êtres les plus intelligents il y a d'abord les Blancs, après il y a les indiens et derrière les indiens il y'a les arabes. Mais les noirs qui ont des caractères proches des humains...'' Ah là, ça c'est la catastrophe. Quand il dit ''qui ont des caractéristiques proches des humains'', ça veut dire qu'il considère que le noir n'a pas une valeur humaine. Il revient pour dire qu'on peut tout de même le classer. Et dans cette classification, le singe vient en premier, ensuite vient l'éléphant et enfin les Noirs. Donc on considère que même dans le quotient intellectuel, le Noir arrive après deux animaux. C'est ce qu’on appelle l'occidentalo-centrisme. C'est pourquoi nous, on a conceptualisé l'afro-centrisme. Et Cheick Anta Diop l’a compris en rétablissant la vérité dans ses recherches. C’est pourquoi il dit que le noir qui nous aura lus, doit être animé de conscience historique, pour y tirer la puissance d’un géant qui est son ancêtre. Et un africain qui n’a pas encore lu Cheick Anta Diop, je considère qu’il est le plus grand des malheureux. Il perd des choses, que ni la Bible, ni le Coran ne peuvent compenser.

Pourquoi soutenez-vous cela ?

La falsification de l’histoire à consister à dire que l’homme noir n’a contribué à aucun élément de dignité et de sagesse en ce qui concerne les sciences, que ce soit les mathématiques, l’architecture, la physique et tout le reste. Cheick Anta Diop fait un sarclage scientifique et historique et démontre dans « Antériorité des civilisations nègres » ou il revient en détails sur le fait que les intellectuels pilleurs de bibliothèques nègres de l’Egypte antique se sont rendus propriétaires de ce savoir. Je parle de tous ces intellectuels comme Socrate, Aristote, etc. qui ont tous été les fruits du génie et de la qualité des enseignants qu’on avait au plan africain. Quand on prend dans la médecine, dans le livre II de Hérodote, il dit que 200 ans avant la venue d’Hippocrate, qui s’attribue un savoir que son cerveau ne permet pas d’établir, en Afrique on est passé de la médecine générale à la médecine spécialisée, particularisée. Nous avons des images où on fait de la chirurgie dentaire. Et ces éléments sont conservés dans les musées européens, ceux qui nous nient le génie noir pourtant tout leur patrimoine muséal est bourré de science noire. Et Cheick Anta Diop le précise dans son ouvrage. Il dit que c'est au moment où l'oligarchie occidentale se rend compte que tout ce qu'elle revendique, c'est-à-dire quand la Grèce qui a été vantée, et projetée au sommet de l'univers comme étant le berceau de toutes les civilisations et de toutes les grandeurs ; elle s'est rendu compte que tout ce qui faisait la gloire et la grandeur de cette Grèce venait des Africains qu'on taxait de sauvages. Donc l’Africain qui a lu Cheick Anta Diop, découvre qu'il a eu une histoire avant la colonisation. Dans son ouvrage, ''L'Afrique précoloniale'' Cheick Anta Diop montre qu'il y a eu une Afrique politique et économique avant la colonisation, une Afrique organisée sociologiquement, culturellement et spirituellement. Donc la notion de Dieu n'est pas devenue le quotidien de l'africain parce que des arabes sont venus lui dire est-ce que tu connais Allah. Non il le connaissait parce qu'aujourd'hui on est le seul peuple qui est incapable de dire Dieu au pluriel. Dans toutes les langues, l’appellation de Dieu c’est au singulier. Dieu est une entité unique qui se manifeste diversement.

On remarque qu’il y a de moins en moins de personnes qui s'intéressent aux religions africaines. Les RGPH successifs au Burkina en témoignent. Est-ce le constat que vous faites également ?

Moi je constate plutôt l'inverse en miniature. Dans les années 80 on est subjugué par la colonisation et par ses avantages entre griffes ; l'école, la langue française, on est mystifié. Mais à partir des années 2000 il y a un désenchantement par rapport aux promesses coloniales au plan politique et religieux. La colonisation a promis aux sociétés africaines que sur le plan politique par exemple, la démocratie allait faire des miracles. Aujourd'hui il y a une fatigue démocratique qui se constate par les instabilités. Donc même si les femmes et les hommes qui sont dans les religions coloniales demeurent nombreux, rien ne garantit qu'en 2025 on aura les mêmes statistiques et mieux, je vous le garanti en 2030, les statistiques vont être inversées. Les 9% d'animistes, ça c'est pour rester dans le conformisme de l'hypocrisie morale et religieuse. Beaucoup de leaders religieux utilisent de façon malencontreuse certaines recettes à titre de miracle. C'est une usurpation du pouvoirs mystiques traditionnels parce que chez eux rien ne peut pas faire un miracle. C'est dans les traditions qu'il y a le miracle. Il n'y a pas de miracle à l'église ni à la mosquée.

Justement il y a des personnes dans les religions coloniales qui ont recours aux pratiques ancestrales. D’autres même veulent y retourner mais ne savent pas comment faire. Est-ce qu'il n'y a pas de défaillance d'organisation au sein de la religion traditionnelle qui font que les gens n'arrivent pas à se réorienter vers celle-ci et restent dans les religions coloniales ?

Je suis d'accord avec vous c'est l'un des péchés. Mais cela n'est pas lié à la responsabilité historique de nos ancêtres. D'abord il y a eu un travail de déconstruction de la religion africaine. Que ce soit l'organisation économique, l'organisation sociale, tous les modèles d'organisations de la société africaine, jusqu'à la nomination des citoyens, ont été agressés. Donc le chrétien préfère s'appeler Barthélémy, ce qui veut dire margouillat en lieu place de Ratamalgré comme mon ami. Donc les institutions traditionnelles de prière africaines ont connu la même déstabilisation, la même déstructuration. Ce qui fait qu'aujourd'hui l'un des défis que nous devons surmonter c'est celui de réorganiser la croyance ancestrale pour faciliter l'adhésion et pour même faciliter la canalisation de ceux qui veulent faire le retour aux sources. Nous, nous en recevons des centaines qui nous disent qu'ils veulent retourner aux sources mais ils ne savent pas comment faire. Donc ça montre qu'il y a la pertinence d'un défi à relever en ce qui concerne l'organisation des institutions traditionnelles. L'un des éléments indicateurs, vous avez des chefs coutumiers chrétiens. Est-ce que vous savez que c'est un sacrilège spirituel. Vous avez par exemple à l'église protestante les chefs coutumiers protestants, à l'église catholique les chefs coutumiers catholiques, pour les musulmans vous avez les chefs coutumiers musulmans. Est-ce que vous pensez qu'on peut dans l'islam faire les pasteurs musulmans, ou les prêtres musulmans ? C'est donc une mal digestion spirituelle. Ces chefs souffrent d'un complexe en lieu et place de consolider les institutions spirituelles africaines pour faciliter l'adhésion et le retour aux sources de leurs fils et de leurs petits-fils. Ils ont préféré s'éparpiller dans des croyances coloniales, souvent pour des prébendes. Ce n'est pas parce qu'ils y croient. Parce que ce qu'ils font pour demeurer victorieux vis-à-vis des adversaires, ce n’est pas une foi qui est reposée sur la Bible ou sur le Coran.

Vous dites recevoir des centaines qui veulent retourner aux sources. Comment vous procédez ?

Nous avons déjà procédé depuis 9 ans par la mise en place d'une structure, d'un incubateur d'idées. Qui aide ceux mêmes qui veulent s'affranchir des religions coloniales sinon du modèle de civilisation occidentale à venir partager leurs idées. Et pour nous c'est un espace d'éducation au retour à la culture africaine, à la grandeur de la civilisation africaine. Une fois qu'il se dégage en eux l'assurance que l'Afrique est un continent que nous devons apprendre à connaître parce qu'il a des éléments précieux nous l'envoyons vers d'autres dimensions. Nous lui demandons s’il peut citer trois générations après son père ou son grand-père. Le retour aux sources ce n'est pas allé égorgé une pintade ou un poulet à midi sur un carrefour. Ça c'est du spectacle rituel. Il y a des gens qui arrivent avec des notions prébendiers. Je veux réussir au BAC, ma copine qui veut me quitter, moi je veux avoir de l'argent, etc. Non ça ne marche pas ainsi ce n'est pas ça la culture africaine. Qui veux réussir tu dois poser les conditions de sa réussite avant de demander soutien. Sinon si des ancêtres valident ça, c'est qu'on quitte le principe sacro-saint de la culture africaine qui est la Made. La made c'est la loi de l'équilibre, la loi de la justice.

Mais on remarque que c'est uniquement dans le milieu intellectuel précisément le monde universitaire. Est-ce que ça se déploie dans les localités hors Ouagadougou ?

Bien sûr ça se déploie. Mais ce qu'il fallait, c'était d'abord de voir des gens qui assument la particularité de la spiritualité africaine, sans complexe aucun. Qui l'assument pourquoi parce que tout le monde a passé son temps à vomir la spiritualité africaine, on la prenait pour diabolique. Et tout le monde avait peur de revendiquer qu'il fait partie de ce diabolisme, y compris les praticiens ; chacun se cachait. Nous sommes l'une des organisations précurseurs qui avons assumé sur l'espace public notre différence spirituelle et nous considérons qu'elle est d'ailleurs supérieure aux religions. Parce que les religions comme je l'ai dit sont des institutions politiques, des institutions de domination à but expansionniste. Mais nous, nous avons un avantage et cet avantage c'est Cheick Anta Diop qui nous l'a donné. Avec la faculté de lire et d'écrire et surtout avec la faculté universitaire, nous sommes dans nos recherches obligés de nous référer à une certaine bibliographie pour consolider nos positions. Pourquoi les gens ne vont pas faire du tourisme savant en Europe ? Pourquoi tous les musées occidentaux sont bourrés de patrimoine culturel africain et non de patrimoine culturel européen. Leur patrimoine culturel n'a rien, sauf la barbarie de Napoléon et l'imprudence de Jeanne-d'Arc qui ne peuvent pas être rechassé comme des actes de grandeur. Et nous qui avons eu accès à ce savoir, avons stimulé chez ces gens qui ne comprennent pas français. Et aujourd'hui nous avons compris qu'il faut délocaliser cette conscience que nous avons apprise pour la démocratiser, la populariser. On est seulement 2,3% qui parlons français, si cette conscience reste dans le français, par le chiffre même ça va être une barrière.

Est-ce que vous en aurez les moyens ?

Nous allons à notre rythme et c'est ainsi que nous fonctionnons. Ce sont nos membres qui financent. Nous leur avons dit il n'y aura pas de promoteur. Les imams ne vont pas venir promouvoir le retour aux sources, le Vatican non plus. Donc si notre spiritualité est importante, devenons les bailleurs de fond de notre spiritualité. Nous avons un jardin et un restaurant et nous mangeons dans des ustensiles africains. Nous avons créé une économie de souveraineté et c'est avec ça nous finançons à notre rythme. Aujourd'hui c'est à Koudougou on peut aller, mais avant d'aller à Koudougou on a fait six éditions à Ouagadougou parce que nos moyens ne nous permettaient pas d'aller dans les treize régions. Le jour où on sera capable d'aller au-delà de 100Km on ira à 300 Km à Bobo, au Ghana et pourquoi pas rejoindre nos cousins en Amérique Latine, etc. Nous partons à notre rythme mais notre ambition est indescriptible par sa monstruosité et sa grandeur.

Est-ce que c'est une idée qui peut survivre à Bayala ?

Bien sûr. Parce que Bayala n'est pas le seul à croire à l'urgence et à la cohérence morale de croire à nos ancêtres. Si on avait pas créé le cadre 2 heures pour nous, 2 heures pour kamita ; si ce cadre n'avait pas formé des gens dans toutes les sphères de notre société, au Burkina ou hors du Burkina, alors nous étions menacés. Mais nous sommes l'une des plateformes qui influencent les dernières décisions de notre jeunesse. On n'a pas pu compter le nombre de conférences que nous donnons par an. Et partout où nous partons, nous n'avons pas fini sans avoir quelqu'un qui vient se confesser. Et je vous avoue que si aujourd'hui je meurs, je pars soulagé parce que j'ai semé ma part.

L’évènement que vous organisez à Koudougou à partir du 14 juillet, de quoi s’agit-il ?

Il s'agit de la valorisation du calendrier africain qui a été conçu 4236 ans avant Jésus-Christ. C'est-à-dire que 4236 ans avant Jésus-Christ nos ancêtres savaient calculer le temps. Les grandes notions comme la semaine étaient un peu plus faciles. La semaine faisait 10 jours correspondaient à quelque chose de précis dans toutes les sociétés africaines que sont les cycles des marchés. Le mois faisait 30 jours, la journée faisait 24 heures et l'année 360 jours et non 365. Il y a cinq jours additionnels qui étaient réservés aux divinités. On se rend compte que 4236 ans avant Jésus-Christ nos ancêtres avaient créé un repère de temps dans l'espace, alors comment on peut se convaincre de la supercherie des papes Grégoire, Julien, etc. qui ont donné leurs noms au mois dans les calendriers. Ils n'arrivaient pas à les nommer parce que le voleur n'a pas pu prendre toutes les informations. Donc cet événement c'est pour célébrer le génie de nos pères, la fierté africaine, le sentiment de confiance que le noir doit reconvoquer dans son existence quotidienne. Aujourd'hui le noir est vidé de tout assurance, de toute confiance en lui parce qu'on lui dit que de tout ce qui articule la modernité rien ne vient de son génie. Et effectivement quand on regarde aujourd’hui, dans la maison d'un africain moderne, ce que Joseph Ki-Zerbo a appelé le “Chaos conjoncturel“, vous voyez un frigo France au-revoir, un matelas France au-revoir, des cheveux France au-revoir, etc. Mais c'est tout vous dire sur le complexe et le sentiment de non fierté que les africains ressentent du fait qu'on a bourré dans leurs têtes qu'ils n'ont rien de valeureux. Donc en présentant ce calendrier c'est pour booster la fierté, le Black Power, le Black spirit.

Dans le calendrier grégorien nous sommes en 2022, dans celui africain on est en quelle année ?

On est à l'an 6258. A partir du 19 juillet, on passe à l'an 6259. Donc le 19 juillet c'est notre nouvel an. Est-ce que vous savez qu'il y a le nouvel an indien, le nouvel an vietnamien ou le nouvel an chinois ? Mais comment se fait-il que les africains soient seuls à se convaincre qu'il n'y a qu'un seul calendrier ? Pourquoi il n'y a pas d'années africaines ? Quand nous avons posé cela, beaucoup d'Africains nous sont tombés dessus. Vous savez qui sont nos soutiens ? Ce sont les arabes, les chinois et même certains occidentaux français qui disent mais oui c'est juste. Et encore que vous avez la plus grande civilisation.

Pour le calendrier grégorien la référence c'est la naissance de Jésus-Christ, pour les musulmans je crois que c'est Mahomet. Et pour celui africain, quelle est la source ?

Il n'y a pas de source mais la conception finalisée de la mesure du temps c'est en 4236 ans avant Jésus-Christ. C'est le début de la mesure formelle du temps. Le processus de formalisation a pris 4000 ans parce que la loi scientifique on l'obtient par l'observation et par la régularité. Nos ancêtres ont pris 1460 ans d'observation parce qu’à chaque 1460 an, il se produit un phénomène. Donc il y avait des institutions pour transmettre le savoir. Nos ancêtres sachant qu’ils étaient mortels ont créé un système d'immortalité par l'éducation structurée (initiation dans certaines communautés et même des écoles pour certains empires). Quand l'Angleterre tardive rencontre le système scolaire au 17ème siècle disent qu’ils ont inventé l'école et l'Université cela fait rigoler. Mais en 1236 déjà il y avait les universités Sankoré, Djené, il y avait l'université de Tombouctou qui formaient au moyen âge plus de 2500 universitaires pluridisciplinaires qui venaient jusque de l'Afrique du Sud. Y compris les premiers savant arabes. Les Ibn Batuta, les Ibn Kadul. Il faut lire, eux-mêmes ont écrit. Les mathématiques, l'histoire, la géométrie, la philosophie, l'économie, etc.

Donc 1460 ans d’observation, ça montre à quel point nos ancêtres étaient patients. Ils ne sont pas dans le bouillonnement pressé de nos jeunes d'aujourd'hui. Donc ça nous enseigne la sagesse de la patience, de la persévérance. Ça nous montre que quand on fait quelque chose on ne doit pas le faire pour jeter de la lumière sur soi, on doit le faire pour que ça jette de la lumière sur l'univers. Vous voyez les rois d'Europe chacun revendique un phénomène dans l'histoire. Non en Afrique ce n’est pas ainsi. La conscience, la connaissance, la morale sont au-dessus de la mortalité humaine. On considère que l'être humain, c'est un abri de la vie, qui laisse le corps mourir pour rejoindre la vie et pour revenir à la vie.

Qu'est-ce qui est prévu comme événements pendant ces cinq jours de la célébration du calendrier africain ?

Il s'agira précisément d'un programme de conférences d'université Sankoré qui part du 14 au 18. Nous aurons une thématique globale sur la construction de l'Etat-nation. La première conférence c'est Rôle du système éducatif dans la construction de l'Etat-nation, animé par l’écrivain professionnel Adama Siguiré. Le deuxième jour c'est Recette pour la création d'un État multinational moderne et prospère : cas du Burkina Faso, qui sera animé par l'éminent journaliste d'investigation Boukary Ouoba du journal Le Reporter. Le 16 nous aurons La résolution des crises et la coexistence pacifique dans la société traditionnelle qui sera animé par moi-même et un confrère qui viendra de la Côte-d'Ivoire. Le quatrième jour on aura la problématique de la crise des valeurs dans le fonctionnement des États africains qui sera animé par l'éminent professeur et ex-ministre de la culture Abdoul Karim Sango et le dernier jour on aura les armées nationales face aux nouveaux défis sécuritaires : quelles perspectives pour une meilleure adaptation de sortie de crise, avec l'éminent analyste politique, Abdoulaye Barry, journaliste et politologue, doctorant en science politique. Et le 19 nous aurons la célébration de l'an africain. Toutes ces activités vont se dérouler à Koudougou et nous invitons la population du cavalier rouge et des villages environnant à se mobiliser, tous ceux qui sont à Ouagadougou et partout dans le monde qui nous entendent et qui peuvent nous rejoindre. Nous allons présenter le 19, de façon officielle, le calendrier africain 6259 ans. Nous l'avons en trois version, la première version c'est celle qu'on colle sur les murs ou dans les bureaux, la deuxième version c'est la version table, très élégante et la troisième version c'est la version poche.

Interview réalisée par Etienne Lankoandé