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Certificats de décès de Thomas Sankara et autres : Les aveux des médecins-militaires

diebre uneLes choses vont vite du côté de la salle des banquets de Ouaga 2000, où se tient le procès sur l’assassinat de Thomas Sankara et de ses 12 compagnons. Trois accusés ont été auditionnés ce jeudi 4 novembre 2021. Le médecin-commandant  Alidou Jean Christophe Diebré reconnaît avoir « établi, signé et délivré trois certificats de décès portant la mention « mort naturelle » en janvier 1988, soit trois mois après le drame du 15 octobre 1987, à trois veuves, dont Mariam Sankara. Médecin-chef de l’infirmerie de la présidence du Faso, le colonel major Hamado Kafando a, lui, « établi, signé et délivré un certificat de décès avec mention ‘’mort accidentelle’’ » en 1991. Les deux toubibs sont poursuivis pour faux en écriture publique. Mori Arzouma Jean Pierre Palm, capitaine au moment des faits, quant à lui, est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat. Ce dernier a affirmé avoir fait 16 ans sous le régime de Blaise sans travailler alors qu’il était payé.

« Je reconnais avoir commis une faute professionnelle », a affirmé Alidou Jean Christophe Diebré à la barre. En effet, il a reconnu un manque de rigueur déontologique car sans autopsie, il est difficile d’être situé sur les causes d’un décès. Mais, clame-t-il à la barre, « c'est un acte humanisme que j'ai posé. J’ai voulu rendre service et faire parler mon cœur ». Cette mention « mort naturelle », il dit l’avoir faite sur le certificat de décès de Sankara, car il n’avait pas d’autre alternative. « Pour le commun des mortels, "mort naturelle" choque mais pour moi qui suis médecin c'est normal, car la mort est un phénomène naturel. "Mort naturelle" n'est pas une cause de décès. C'est un diagnostic de décès. La cause est déterminée par une autopsie », a-t-il expliqué.diebre 2

« Avez-vous subi une pression quelconque pour délivrer ce certificat ? »  lui a-t-on demandé. L'accusé est clair à ce propos : il ne l'a pas fait sous « l’instigation de qui que ce soit ». « Personne ne peut me faire écrire ou m’instruire de faire ce que je ne veux pas, pas même la hiérarchie militaire. Et sur ça, je reconnais être indiscipliné », répond-il. Qualifié d'accusé "irrepenti" (quelqu'un qui est capable de récidiver) par Me Olivier Somé car ayant soutenu que s’il avait l’occasion d’aider il le referait, l'accusé réplique : « J'ai posé un acte d’humanisme. Si le papier ne leur a pas servi, je leur présente toutes mes excuses. Je demande pardon », a-t-il conclu.

Après Diebré, le médecin-chef de l’infirmerie de la présidence du Faso, Hamado Kafando, était à la barre pour les mêmes chefs d’accusation. Il a porté la mention « mort accidentelle » sur le certificat de décès de Bonaventure Compaoré en 1991, soit 4 ans après les évènements. diebre 3« Pour moi, ce n'était pas un papier qui devait se retrouver sur la place publique. Je l'ai établi dans un but précis. C’était pour que les ayants droit aient leurs droits, c'est tout. J'ai mis la mention ‘’mort accidentelle’’, car tout le monde avait connaissance des évènements du 15 octobre 1987 », soutient-il à la barre. Tout comme le Dr Diébré, il n'a pas eu recours à une autopsie avant de conclure que c'est effectivement "d'un accident" que Bonaventure Compaoré était mort. En outre, tout comme son collègue, il a été formel : il a établi un certificat de décès et non un certificat médical de décès. Pour l'avocat de la famille Compaoré, Me Olivier Somé, la mention « mort accidentelle » "banalise" la mort de Bonaventure Compaoré comme si c'était un homicide involontaire. « J'ai établi un document pour aider la famille. Mon acte ne constitue pas une infraction car la mort est réelle, donc le document est sincère », a conclu le médecin-chef.

Après les deux médecins, c’est le colonel major Jean Pierre Aldiouma Mori Palm (NDLR : capitaine au moment des faits) qui était à la barre. Il est accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat.

Il a déclaré qu’il se trouvait chez son petit frère Eric Palm dans la matinée du 15 octobre 1987 et souffrait de maux de dents. Dans la soirée, il est conduit par un ami, Julien Ayi, dans un centre médical pour y recevoir des soins. C’est en chemin, vers le mur du Scolasticat, qu’il dit avoir entendu des tirs. Ils auraient alors trouvé refuge chez les parents de Me Mireille Barry, étudiante à l’époque, jusqu’au matin. Et c’est après s’être rendu au Conseil de l’entente que Jean Pierre Palm dit qu’il a su ce qui s’était passé la veille.

Rappelons que l’accusé, avant le 15 octobre, avait été affecté à Bobo-Dioulasso comme commandant de la gendarmerie. Mais il n’y prendra jamais fonction car le 16 octobre, l’ordre fut donné par Blaise Compaoré qu’il devait rester sous le commandement du commandant Boukary Lingani. Ensuite le 16 novembre 1987, soit un mois après l’assassinat de Thomas Sankara, Palm est nommé chef d’état-major de la gendarmerie nationale. D’aucuns l’accusent d’avoir conduit des Français pour débrancher une table d’écoutes contenant des preuves accablantes d’enregistrements et d’avoir ordonné ou supervisé des arrestations ainsi que des tortures. « On peut ne pas aimer les Blancs, mais il ne faut pas inventer des choses. Ils étaient là pour faire l'inspection de la transmission de la gendarmerie », a déclaré Jean Pierre Aldiouma Mori Palm pour sa défense. Et d’ajouter plus loin que durant les 27 ans de présidence de Blaise Compaoré, il a passé 16 ans sans travailler alors qu’il était payé. Il s’est justifié en déclarant que c’est « l’autorité politique qui ne l’a pas affecté à un poste ».

L’audition de l’officier de gendarmerie Jean Pierre Palm reprend le lundi 8 novembre à 9h.

Sié Mathias Kam