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Lutte contre l’incivisme et la violence en milieu jeune : « C’est par la citoyenneté qu’on crée une Nation », Dr Ludovic Kibora

kiboraLe Burkina Faso est confronté ces dernières années à de nouvelles formes de violence en plus de l’incivisme. Le désœuvrement des jeunes du fait de la fermeture des écoles fait que certains d’entre eux s’adonnent à des combats de rue et d’autres à des acrobaties sur la voie publique avec leur moto, ce qui entraîne très souvent des accidents mortels. Radars Info Burkina est allé à la rencontre du Dr Ludovic Kibora, anthropologue, chercheur à l’Institut des sciences et des sociétés (ISS), pour savoir quelles sont la part de responsabilité des parents et de l’Etat et les solutions pour stopper le phénomène.

Radars Info Burkina : En quoi les parents sont-ils fautifs devant le regain de violence et d’incivisme en milieu jeune au Burkina Faso ?

Ludovic Kibora : « Le problème, c'est que les transformations sociales amènent quelques parents à démissionner. Parce que l'éducation, ce sont des valeurs qu'on ne peut inculquer qu'au sein de la famille. Mais du fait de l'occupation des parents, ils n'ont même pas le temps de dire à leur enfant ce qui est bon ou mauvais. On ne va plus dans les camps d'initiation mais à l'école. Le vide laissé par ces camps doit donc être comblé par la famille. Durant nos enquêtes dans le Sanmatenga, il y a un vieux qui nous a dit que c'est « au pied du plat de repas » qu'on attrape la main de l'enfant espiègle. C’est une façon de dire que l’éducation était diffusée à tous les moments de vie, notamment pendant les repas. Ce sont de petits gestes qui paraissent anodins mais forgent la personnalité de l’individu. De nos jours, l’école semble prendre tout le temps des apprenants. Il faut qu’il y ait un complément de ce que le maître ne peut pas dire ni faire à l’école. Les parents doivent pouvoir accompagner leurs enfants, sinon s’ils doivent tout apprendre à l’école, ils vont être des hommes incomplets.

RB : Quelle est la part de responsabilité de l’Etat face à ces épiphénomènes en milieu jeune ?

LK : A partir du moment où l’Etat même est conscient qu’avec les transformations qui sont en cours il y a des choses qui jouent sur sa stabilité, sur la cohésion sociale, il doit beaucoup s’investir d’autant plus qu’il est très facile de dire que ces phénomènes sont de la responsabilité des parents. Mais lorsque les parents ne semblent pas malgré tout s’investir, il ne faut pas que l’Etat se contente de ces incriminations et occupe les espaces privés avec son autorité publique, c’est-à-dire qu’il entre dans les salons privés. Il doit pouvoir s’investir à différents niveaux et se donner les moyens de renforcer la formation et l’éducation. A partir du moment où on parle de système éducatif et non de scolarisation seulement, il faut mettre tout ce qu’il faut pour répondre à un idéal national, en commençant à renforcer les contrôles, les mécanismes de construction de la personnalité sociale et en prenant les lieux abandonnés par les familles.

RB : Quelles sont les solutions que l’on peut envisager au niveau de tous les acteurs ?

LK : Comme je l’ai dit un peu plus haut, la solution principale, c’est d’amener les parents à être beaucoup plus responsables dans l’éducation de leurs enfants, leur faire comprendre qu’il y a un minimum qui doit être supporté en termes d’inculcation des valeurs sociétales. Il ne faudrait pas qu’ils mettent tout entre les mains d’une institution, si spécialisée soit-elle. Au niveau des jeunes, il faut insister davantage sur les formations qui incluent des éléments de civilité, de solidarité et de citoyenneté de façon générale. Cependant, il ne faut pas tout focaliser sur la répression, car quand il y a trop de répression, il y a des réactions. Personnellement, je donne cours à l’université. Et quand j’entre dans l’amphithéâtre, les étudiants se mettent naturellement debout ; souvent, il y en a même qui m’annoncent. Ce sont des réflexes qu’il faut arriver à inculquer à un certain niveau pour que les gens comprennent pourquoi cela se fait. C’est par la citoyenneté qu’on crée la Nation.

 Propos recueillis par Obissa