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Coronavirus au Burkina Faso : « La riposte sur le terrain ne porte pas les fruits attendus parce qu’on ne prend pas en compte les véritables démarches que requiert la gestion d’une épidémie », Pissyamba Ouédraogo, SG du SYNTSHA

sha uneLe Burkina Faso enregistre depuis le mois de mars des cas de contamination à la maladie à coronavirus. La gestion de la crise sanitaire née de la pandémie divise bien souvent l’opinion publique. Comment le Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) apprécie-t-il la gestion de cette crise et les mesures prises par le gouvernement pour venir à bout de la maladie ? C’est ce que nous avons voulu savoir en tendant notre micro à Pissyamba Ouédraogo, secrétaire général du syndicat. 

RB : Quelle appréciation faites-vous de la gestion de la crise sanitaire liée au coronavirus ?

PO : La gestion est plutôt politicienne et la riposte sur le terrain ne porte pas les fruits attendus parce que l’on ne prend pas en compte les véritables démarches que requiert la gestion d’une épidémie. En effet, lorsqu’éclate une épidémie, il faut d’abord préparer les formations sanitaires ainsi que le personnel, réunir les équipements minimums et concevoir les messages pour le public. De plus, en cas d’épidémie, la préparation des agents techniques ne suffit pas. Si vous êtes bien préparé et que la population ne connaît pas les mesures pour empêcher la transmission ou ne les observe pas, les formations sanitaires seules avec les agents ne peuvent rien. La riposte comprend donc normalement deux volets : préparer les formations sanitaires à prendre en charge les cas avérés et préparer des messages destinés au public afin de donner la conduite à tenir pour rompre la chaîne de transmission communautaire. Mais ici, vous avez vu qu’on a préféré procéder à des réquisitions. Comment voulez-vous, dans un contexte de pandémie, sélectionner quelques agents et quelques formations sanitaires pour vous en occuper ? On doit normalement préparer toutes les infrastructures sur toute l’étendue du pays pour faire face à la situation. Ce n’est que récemment que l’on a commencé la formation des agents. Même les gouverneurs qui ont été récemment reçus par le Premier ministre, on aurait dû commencer par là depuis le 09 mars. Dire aux maires, aux hauts-commissaires, aux chefs de villages qu’il y a une épidémie, donc voilà ce qu’il faut faire. On se demande si nos autorités ont de la vision et si elles ont la volonté de combattre l’épidémie, d’autant plus qu’on ne manque pas de techniciens. Alors pourquoi le gouvernement prend de telles décisions ? C’est parce que les choses sont gérées à sa guise. Moi, je pense que cette façon de faire vise aussi à bénéficier des financements en disant qu’on a des malades. Et on adopte un plan, avec un déficit de plusieurs milliards, ce sont des appels de fonds.

sha 2RB : Trouvez-vous le plan de riposte adapté ?

PO : Lorsque vous prenez le document du plan de riposte et que vous le parcourez, théoriquement vous n’y trouverez rien. Or, ce qui intéresse les populations, ce n’est pas ce qu’on a écrit mais plutôt ce qu’on fait. C’est donc la mise en œuvre, à mon avis, qui intéresse les populations. Mais sur le terrain, nous constatons que les mesures minimales qui devraient être prises le sont toujours après des critiques des populations. C’est révélateur d’un manque de logique terrible dans les mesures qu’on prend. Donc à mon avis, le pouvoir n’a pas eu pour souci premier de limiter la propagation du virus. Il prend des mesures qui ont été prises ailleurs juste par mimétisme : on ferme les marchés, après l’on se rend compte qu’il faut des mesures d’accompagnement, ensuite on ouvre le grand marché et après on se rend compte de la nécessité de la mesure de généralisation du port du masque. Or, l’ouverture du marché s’est faite avant l’institution du port obligatoire du masque. C’est illogique lorsque vous regardez de plus près.

RB : Depuis le 27 avril, le port du masque est obligatoire. Comment appréciez-vous cette mesure du gouvernement ?

PO : Elle est à la limite théorique parce que si les autorités ont décidé de rendre le port du masque obligatoire, cela veut dire que ce sont elles qui doivent doter les citoyens de masques. Malheureusement, tel n’est pas le cas ; on n’a appelé personne dans aucun quartier pour lui donner gratuitement un masque. C’est donc, vraisemblablement, aux citoyens qu’il revient d’acheter eux-mêmes leur masque, alors qu’on sait tous que le COVID a asséché les maigres ressources des populations. Procéder ainsi, c’est donc condamner ceux qui ne peuvent pas acheter de masque, qui sont d’ailleurs les plus nombreux, à contracter la maladie. D’ailleurs si vous faites un tour en ville, vous constaterez que beaucoup de citoyens ne tiennent pas compte de la mesure. Et lorsque nos dirigeants parlent de confection locale, je voudrais juste rappeler que ce sont les mêmes acteurs politiques qui ont liquidé Faso Fani. Autrement, on n’en serait pas réduit à confectionner de façon artisanale ces masques ; cela devait être fait de façon industrielle. Et forcément, l’offre ne peut les millions d’utilisateurs.

RB : Le gouvernement a annoncé la reprise des activités pédagogiques pour le 11 mai. Pensez-vous réellement que les mesures annoncées seront efficaces pour éviter la contamination des élèves et des enseignants ?

PO : Sur le plan sanitaire, je pense que si on veut éviter la contamination communautaire, il faut éviter les contacts de grands groupes. Or si on rassemble les élèves et les enseignants, forcément ils constituent de grands groupes. Quelle garantie avons-nous que tous les comportements empêcheront la contamination ? De plus, entre la santé des populations et le fait de vouloir sauver l’année scolaire, qu’est-ce qu’on choisit ? Sauver la santé des gens ou l’année scolaire avec une possibilité de risques graves de décès ? Nous ne comprenons pas, c’est vrai que là aussi, on fait juste comme la
France. Sinon nos collègues des syndicats de l’éducation ont expliqué aux gouvernements que personne n’était contre le fait que l’on rouvre les écoles et qu’on instruise les gens. Mais il faut vivre d’abord pour bénéficier d’une éducation. En tout cas la position du gouvernement, on ne la comprend pas.

Propos recueillis par Armelle Ouédraogo