dimanche 24 novembre 2024

2e jour du procès du putsch manqué : la légalité et la légitimité du président du tribunal toujours remises en cause par la défense

prevenusSuspendu le 27 février dernier, parce que les avocats de la défense avaient vidé la salle d’audience, le procès du putsch manqué de septembre 2015 a repris comme prévu ce mercredi 21 mars 2018. Même si le tribunal a pu être constitué, les lignes n’ont pas fondamentalement bougé, car la légalité et la légitimité du président du tribunal sont toujours remises en cause par la défense.

 

C’est à 9 h GMT que le président du tribunal Seydou OUEDRAOGO et son conseiller Emmanuel KONENE ont fait leur entrée dans la salle des banquets de Ouaga 2000, pour la suite du procès du dossier du général Gilbert DIENDERE et 83 autres.

A l’entame de cette reprise,  le président du tribunal a immédiatement procédé à la suite du tirage au sort des magistrats accesseurs qui doivent siéger avec lui. Et comme le stipule la loi, ce tirage doit se faire suivant la hiérarchie militaire, en commençant du plus gradé au moins gradé, puisque la liste des généraux avait été épuisée le 27 février dernier, lors de l’ouverture du procès.

Le greffier en chef ayant mélangé les enveloppes des colonel-majors et des lieutenants colonels, le président Seydou OUEDRAOGO, pour ne pas perdre du temps, a suggéré que le tirage suive son cours normal, quitte à ce que si un moins gradé est tiré, qu’il soit mis de côté en attendant que la liste des plus gradés s’épuise. Une suggestion qui n’a ni été récusée par la partie civile, ni par le ministère public, encore moins par la défense. C’est donc avec grand étonnement que le procureur militaire et le président du tribunal ont vu Me Mathieu SOME de la défense dénoncer un désordre, une violation du principe de tirage alors que le processus était déjà à la phase du tirage des juges accesseurs suppléants ; les juges accesseurs titulaires ayant été tirés. Il s’agit du général de division Tenga Robert GUIGUEMDE, qui avait été le seul juge accesseur à être retenu le 27 février dernier, du médecin colonel Armand Claude KABRE et du colonel D.M. Ludovic OUEDRAOGO.

public audience

Mais quoi qu’il en soit, cette observation de la défense, par ailleurs récusée par le procureur, n’a pas empêché la constitution du tribunal militaire. Les trois juges accesseurs suppléants sont : le médecin colonel major Koudougou KOLOGHO, le lieutenant colonel Vincent de Paul OUEDRAOGO, et le lieutenant colonel Adam NERE.

Après cette constitution du tribunal et quelques minutes de suspension, le procès a repris son cours à 11h18mn. L’occasion a été ainsi donnée aux avocats de la défense de soulever les exceptions évoquées lors de l’audience du 27 février. Et là, la défense est restée campée sur sa position : « La composition du tribunal est irrégulière, car aucun décret n’a nommé aucun juge comme président de la chambre de première instance ». Pour elle, le magistrat Seydou OUEDRAOGO, par décret, a été nommé président de la chambre de jugement et non président de la chambre de première instance, juridiction devant laquelle les accusés doivent comparaître.

diendereLa deuxième irrégularité évoquée par la défense est la nullité du tirage au sort du juge accesseur, le général Tenga Robert GUIGUEMDE. En effet, pour la défense, le général a été tiré au sort par un président qui n’était pas pleinement vêtu de ses pouvoirs et aussi par une chambre qui n’existe pas, c’est-à-dire la chambre de jugement supprimée par la loi modificative de juillet 2017. Ce qui, pour les avocats des prévenus, est en porte-à-faux avec l’article 11 et suivants.

Autre grief dénoncé par la défense, c’est la violation des articles 16 et 17 du code de justice militaire. En effet, pour Me Mathieu SOME et ses camarades, le tirage au sort des juges accesseurs n’a pas pleinement respecté la hiérarchie militaire. Aussi, pour eux, les décrets qui désignent les magistrats civils à cette audience sont caducs. « Nous sommes là pour rendre justice et on ne peut pas rendre justice en violant la loi », a martelé Me BONKOUNGOU. C’est pourquoi la défense a voulu la reprise du tirage au sort et, de facto, a demandé au tribunal de constater son irrégularité.

En plus de décrier la légitimité du président et de son conseiller,  la défense a dénoncé l’irrégularité des juges substituts. Pour elle, ces juges dont le renouvellement est annuel, ont été désignés en 2016 comme substituts du commissaire du gouvernement. Pourtant, la nouvelle loi qui porte code de justice militaire a été votée en 2017 et a transformé le commissaire du gouvernement en procureur miliaire. Ce qui fait que pour les conseils des accusés, ces juges ne sont pas à leur place.

Diendere Gilbert bambaLe fait majeur à ce deuxième jour de procès, c’est le dépôt de mémoires par certains avocats de la défense comportant des exceptions de nullité, d’inconstitutionnalité et de sursis à statuer. Mais, au nom de l’article 117 du code de justice militaire, le ministère public a demandé au président du tribunal de ne pas tenir compte de ces exceptions soulevées dans les mémoires uniques déposés et de déclarer irrecevables celles qui n’ont pas fait l’objet d’un mémoire. Il a également trouvé que la présence du juge accesseur  Tenga Robert GUIGUEMDE, aux côtés du président du tribunal n’était pas irrégulière, car la défense ne l’avait pas récusé à l’audience du 27 février. Et Me NEYA, de la partie civile d’ajouter : « La chambre de première instance n’est rien d’autre que la chambre de jugement de première instance, donc c’est un faux débat que mène la défense qui est plurielle, car ayant des contradictions illogiques en son sein ». Me KAM de pousser le bouchon plus loin en déclarant : « Qui veut tuer soin chien l’accuse de rage. La défense est venue préparée, mais assez peu préparée pour quitter la salle ».

C’est dans cette contradiction que le procès a été suspendu et reprise à 16h10mn. Cette deuxième reprise du procès de la journée a été ponctuée  par une requête de Me BIRBA de la défense. Laquelle requête stipule qu’il y a incompatibilité du président Seydou OUEDRAOGO à siéger à ce tribunal, car ayant déjà eu connaissance du dossier comme administrateur ; Me BIRBA s’appuyant sur la pièce i328 du dossier et sur une correspondance. En outre, il a fait état de suspicion d’impartialité et d’indépendance du président du tribunal, car celui-ci a été nommé par le ministre de la justice René BAGORO, par ailleurs constitué en partie civile dans cette affaire. C’est pourquoi, selon Me BAYALA, le fait pour une partie civile de nommer les juges et d’avoir la possibilité de les substituer constitue une manifestation grave de douter de l’impartialité et de l’indépendance des  juges nommés. Pour lui donc, le juge OUEDRAOGO et son conseiller KENENE doivent se dessaisir de ce dossier. Une thèse battue du revers de la main par le ministère public et la partie civile.

C’est dans ces tractations de forme que le président du tribunal a suspendu le procès qui doit reprendre demain à 8h30mn dans la même salle des banquets de Ouaga 2000.  

 

Candys Solange PILABRE

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