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Force Barkhane au Sahel : « Elle maintient une pression très forte sur l’ennemi, mais c’est insuffisant pour gagner la guerre », Michel Goya, analyste des conflits

barkh uneSelon les Nations unies, plus de 4 000 décès dus au terrorisme  ont été signalés au Niger, au Mali et au Burkina en 2019, contre 770 en 2016. Pourtant dans le but d’endiguer le phénomène, la France a envoyé en 2014  la force Barkhane d’abord au Mali et ensuite dans les autres pays du Sahel.  Lors d’une audition au Sénat français le mercredi 4 mars 2020, Michel Goya, ancien colonel des troupes de marine, enseignant et auteur français, par ailleurs spécialiste de l'histoire militaire et de l'analyse des conflits, a porté un regard critique sur l’enjeu et l’efficacité militaires de Barkhane dans cette lutte contre le terrorisme.

Le 2 février 2020, la France a annoncé  l’envoi de 600 militaires français supplémentaires,  ce qui porte à 5100 hommes le nombre de soldats de l’opération Barkhane au Sahel. « Barkhane a sept avions de chasse et une vingtaine d’hélicoptères. C’est une opération qui, dans sa forme, est différente de l’opération Serval. Barkhane, c’est une opération cumulative. Pas de grande bataille mais une multitude de petites actions isolées dont on espère qu’elles finiront par être cumulées pour produire un effet émergent et permettre d’atteindre cet état final recherché qu’est la stabilité. Elle travaille en coopération avec les autres forces locales qui ont des limites très fortes. Par ses moyens en réalité, Barkhane est la force la plus importante de toute la région. Pour autant, ses moyens ne lui permettent pas de faire autre chose que des raids et des  frappes. Ses effectifs sont tellement réduits que même associée à quelques bataillons locaux, elle ne peut se déployer au maximum que quelques semaines dans une région. Autrement dit, on n’est pas capable d’assurer une présence permanente ou de très longue durée qui permette d’attendre l’arrivée d’une administration locale efficace », a commencé par expliquer l’expert militaire.

barkh 2Michel Goya a poursuivi en soulignant qu’au bilan, Barkhane est surtout dissuasive pour les forces ennemies. « C’est un effet très important. Elle maintient une pression très forte sur l’ennemi. Elle l’empêche de faire les choses en grand. Mais c’est insuffisant pour gagner la guerre », a-t-il précisé.

Pour lui, la France  s’attaque  aux symptômes et non aux causes profondes de la crise. « Notre stratégie doit s’attaquer au centre de gravité de l’ennemi. Le centre de gravité de l’ennemi, ce ne sont pas ses combattants, c’est sa capacité de régénération. Cette capacité de régénération nous échappe. Le véritable centre de gravité de l’ennemi n’est pas dans ses camps. Toutes ces organisations que nous affrontons ne sont fortes que parce que les Etats locaux sont faibles. Tant que la situation restera telle, ces ennemis seront toujours là et auront tendance à gagner en puissance », a expliqué le spécialiste.

A l’en croire, Barkhane connaît un problème de coûts financier et humain. Les pertes vont s’accumuler. « A ce jour, Barkhane nous a coûté 2,5 milliards d’euros. Cette guerre est en train de devenir la plus longue que nous ayons jamais menée depuis très longtemps », a soutenu Michel Goya.

Mais quel avenir pour la force Barkhane au Sahel ? « Je pense que dans la situation actuelle, soit on (la France, Ndlr) continue sensiblement de procéder de la même façon - et il n’y a pas de raison que les choses s’améliorent -, soit on quitte définitivement la zone (le Sahel, Ndlr). Dans ce cas, on abandonnerait tout le fondement de notre stratégie qui est de contenir ces organisations terroristes, de nous protéger localement ou des effets indirects de la déstabilisation de la région. Soit encore on reconfigure notre action dans la région pour la rendre à la fois plus efficace et surtout plus tenable sur la très longue durée », a répondu le spécialiste en histoire militaire et analyse des conflits.

Aly Tinto