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30 ans de la Constitution du 2 juin 1991 : Le diagnostic sans complaisance du Dr Luc Marius Ibriga

Constitution du 2 juin« La Constitution du 2 juin 1991 face aux crises sociopolitiques de 1991 à 2020 », c'est le thème sur lequel a exposé à Ouagadougou le Dr Luc Marius Ibriga à l'occasion des 30 ans de la Constitution burkinabè du 2 juin 1991, célébrés par la Société burkinabè de droit constitutionnel (SBDC) le samedi 19 juin 2021 au cours d’un panel. Selon le Dr Ibriga, la Constitution de 1991 n'est pas sans mécanismes de résolution de crises sociopolitiques. Malheureusement, tous sont demeurés inefficaces à les juguler.

 « Les conflits et les crises sont inévitables dans toutes les sociétés. Mieux, ils peuvent constituer un moteur du changement social. Mais pour éviter qu'ils ébranlent la cohésion sociale et emportent la société, des mécanismes de régulation sociale sont institués : les uns pour anticiper ces crises ou conflits, les autres pour les juguler et en tirer profit. En démocratie, le système de régulation des conflits repose, entre autres, sur les libertés fondamentales telles que les libertés d'expression, d'opinion, d'information, la recherche du dialogue, de la négociation et du compromis ». C’est en ces termes que le Dr Luc Marius Ibriga a débuté son intervention. Il a cité à titre illustratif les grandes crises sociopolitiques qui  ébranlent le Burkina Faso depuis 1998. Il s'agit, selon lui, des manifestations consécutives au drame de Sapouy (13 décembre 1998 ), des émeutes de 2003 consécutives à l'incendie du marché central Rood-woko, de la révolte contre le port du casque en 2006, des affrontement entre policiers et militaires en décembre 2006, du saccage des bars ‘’Kundé" en 2007, des émeutes contre la vie chère de 2008, des mutineries de 2011, de la crise née de l'instauration du Sénat en 2012, de la révision de l'article 37 de la loi fondamentale burkinabè, de l'insurrection populaire de 2014 et du contexte sécuritaire consécutif à l'expansion du terrorisme en 2019-2020.

Comment la Constitution du 2 juin 1991 a permis de résoudre ces crises à répétition ? À cette interrogation,  le Dr Ibriga répond que « bien que la Constitution ait prévu des mécanismes de sortie de crise, ces deniers se sont révélés inefficaces tant dans la prévention que dans la résolution des crises sociopolitiques ». Ce fut le cas avec le drame de Sapouy, dont la résolution de la crise s'est faite par l'entremise d'un collège de Sages, la mise sous éteignoir de la Constitution par la charte de la Transition suite à l'insurrection populaire et avec l'intervention du Mogho Naaba lors du putsch de septembre 2015. Cette incapacité de la Constitution du 2 juin 1991 à juguler les crises est, selon Luc Marius Ibriga, liée aux conséquences d'une transition par le haut, parce que contenant un processus insuffisamment inclusif ou consensuel, l'orientation présidentialiste qui fait que le débat constitutionnel tourne presque toujours autour du sort du chef de l'État. Cette incapacité est aussi liée à son faible ancrage, parce que la Constitution n'est pas que l'agencement de relations entre les instances de pouvoir ; elle n'est pas qu'une «mécanique » du pouvoir, elle demeure aussi un « ordre de valeur ».

Le Dr Luc Marius Ibriga a conclu son intervention en ces termes :  « Le grand mérite de la démocratie est d'avoir mis au premier plan de la vie collective le sort du plus grand nombre. C'est pourquoi il importe de se souvenir, dans l'écriture de la Constitution, que les citoyen(ne) s attendent de leurs gouvernants : plus d'équité dans la redistribution des richesses, plus de transparence dans la gestion des affaires publiques, ainsi que plus d'éthique dans les comportements sociaux et politiques, plus de participation à la définition, à la mise en œuvre et à l'évaluation des politiques publiques ».

Bessy François Séni