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Manifestation et sentiment antifrançais au Sahel : « Le fait que le mouvement soit peu structuré aujourd’hui ne veut pas dire qu’il ne le sera pas demain »

mani uneAu cours de l’année 2019, il y a eu beaucoup de manifestations et de discours antifrançais dans les pays du Sahel, si bien que lors du sommet de Pau en France le 13 janvier 2020, la question du sentiment antifrançais était à l’ordre du jour. En février dernier, l'ambassadeur du Mali en France a été convoqué au ministère français des Affaires étrangères  puis rappelé au pays pour avoir mis en cause le comportement de soldats français, accusés de « débordements » à Bamako. Pour comprendre le phénomène, Radars Info Burkina a approché le journaliste et écrivain   Atiana Serge Oulon, s’appuyant sur une assertion d’Yvan Guichaoua, maître de conférences, spécialiste du Sahel, devant le Sénat français le 4 mars 2020.

Selon Yvan Guichaoua, le sentiment antifrançais est un mouvement très hétérogène et peu structuré. « Ses animateurs viennent de plusieurs endroits du spectre politique, du combat anti-impérialiste au conservatisme religieux qui voit d’un mauvais œil la diffusion au Sahel de “valeurs occidentales” jugées décadentes. Pour autant, le fait que le mouvement soit peu structuré aujourd’hui ne veut pas dire qu’il ne le sera pas demain », a expliqué le spécialiste.

De l’avis du journaliste Atiana Oulon, au regard de ce qui est dit lors des manifestations publiques et des différentes déclarations, il ressort plusieurs éléments qu’on peut analyser. mani 2« Le premier élément est d’ordre historique. Il y a des rapports de domination qui sont rejetés aujourd’hui. Le départ de l’armée française du Burkina, qui est une exception après 1960, fut une exception», a d’abord souligné M. Oulon, auteur de l’ouvrage « Comprendre les attaques armées au Burkina Faso, profils et itinéraires de terroristes ».

«La France se voit dans le rôle du bon Samaritain venu délivrer de la barbarie des pays amis en danger et on a l’impression qu’elle ne comprend pas que cette intervention puisse heurter les franges de l’opinion des pays sahéliens les plus attachées à leur souveraineté. L’intervention française, 60 ans après les indépendances, est humiliante si on a une fibre patriotique. Les discours souvent paternalistes des autorités françaises sont humiliants, lorsque, par exemple, on exige des chefs d’Etat du G5 Sahel qu’ils se rendent à Pau », a renchéri pour sa part Yvan Guichaoua.

Outre les raisons politiques, « quand on prend les premières attaques à Ouagadougou, on se rappelle que dans le premier acte de revendication fait par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), entre autres griefs il y avait la présence militaire française et le fait que le Burkina s’était allié aux Occidentaux pour lutter contre les terroristes. C’est une raison, entre autres, pour justifier les attaques », a ajouté le journaliste Oulon.

Enfin, le manque de résultats militaires dans la lutte contre le terrorisme n’est pas en reste. « Pour les manifestants, les forces françaises sont là pour nous aider. Et dans le cadre du Mali, de 2012 à 2020, on ne voit pas concrètement ce qu’elles ont apporté pour conter le phénomène terroriste. On ne peut pas comprendre qu’avec tous leurs moyens techniques, technologiques et logistiques, au lieu que le phénomène diminue, voire disparaisse, la situation se soit dégradée davantage. Donc l’absence de résultats fait qu’il y a cet accroissement de la réprobation de la politique militaire française dans les trois pays que sont le Burkina, le Mali et le Niger », a conclu Atiana Serge Oulon.

Aly Tinto