Le roi du Djongo, Bil Aka Kora, revient sur le marché discographique après un moment de silence, avec une nouvelle galette musicale de dix titres. Baptisé « Eventail », cet album a connu un florilège de collaborations ainsi que l’ouverture de l’artiste à de nouvelles sensibilités rythmiques. Dans cette interview accordée à Radars info Burkina, il revient sur la coloration de ce nouvel album, ses attentes et sur sa carrière en général.
RB : Pourquoi avoir choisi le titre « Eventail » pour ce nouvel album ?
BAK : Le titre « Eventail » renvoie à toutes mes collaborations. C’est une ouverture que j’ai voulu apporter à ma musique. Pour les musiciens, quand on écoute la plupart de nos musiques, la mienne y compris, on remarque qu’on a tendance à jouer les mêmes accords et la même rythmique. Donc après 20 ans de musique, je me suis dit qu’il fallait que j’arrive à quelque chose qui me passionne moi-même. Je suis donc allé voir des collaborateurs comme Fabrice de Vienne pour qu’il apporte des arrangements plus ouverts en termes d’harmonie, plus « jazzy », un peu plus « blancs » si on peut le dire dans les arrangements. De plus, depuis le début de ma carrière, je n’avais jamais fait de titre avec de la kora ou du balafon, donc je voulais apporter cette ouverture aussi. Je me suis également ouvert au slam. Donc l’éventail, c’est tout cela. C’est également la première fois que je coproduis un album avec Shammar Empire, parce que la charge de travail qu’il y avait sur l’album, tout seul je n’aurais pas pu la supporter.
RB : Combien de titres va comporter ce nouvel album et quelles sont vos attentes ?
BAK : C’est un album de 10 titres avec une intro et une sortie. Pour ce qui est de mes attentes, c’est un partage. Je chante dans une langue qui est parlée par moins de 3% de la population, et mes premiers fans ne sont pas forcément des gens de mon village ou de ma famille. Ce sont des Mossis, des Dioulas, des Peulhs, des Samos, etc. Et c’est tout ça, selon moi, qui reflète la musique ; c’est le côté universel et l’ouverture qu’elle peut nous apporter.
RB : Vos fans ont l’impression que vous avez disparu des scènes burkinabè et que vous ne jouez pas assez. Qu’avez-vous à répondre à cela ?
BAK : Je ne joue pas beaucoup au Burkina pour plusieurs raisons. Déjà les vraies scènes se font de plus en plus rares et les contextes même des scènes ne sont pas favorables. Il y a longtemps que des occasions de jouer avec une bonne sonorisation et dans de bonnes conditions techniques ont disparu au Burkina. Donc si je joue rarement, c’est d’abord à cause du son. Et deuxièmement, dans la carrière d’un artiste il y a plusieurs domaines. Moi particulièrement je fais des musiques de films, j’ai une salle de répétition où j’encadre des jeunes qui viennent travailler sur comment jouer en groupe, je fais des formations sur la vocalise. Je travaille également avec des groupes étrangers. Et lorsqu’on avance en âge on choisit aussi ce que l’on fait, même les festivals ce n’est pas à tous les festivals en Europe que je joue, parce que quand toutes les conditions ne sont pas réunies, je ne peux pas jouer. Donc tous ces aspects-là font qu’en termes de production pure d’un album et de sa promotion, je prends beaucoup de temps. Aussi dès le début de ma carrière je n’ai jamais fait un album tous les ans mais plutôt tous les 3, 4 ans voire 5 ans. L’explication, c’est que je n’aime pas répéter ce que je fais ni m’auto-plagier.
RB : Certains mélomanes disent ne pas avoir apprécié votre collaboration avec Magic system où vous avez repris l’un de vos titres. Pourquoi n’avoir pas proposé une exclusivité ?
BAK : A’Salfo et moi, ça fait plus de vingt ans que nous nous connaissons. Donc l’idée d’une collaboration a germé lorsque Magic system célébrait ses 20 ans de carrière et que j’en faisais de même. Nous nous sommes demandé pourquoi ne pas faire quelque chose ensemble. Donc j’ai proposé de nouvelles chansons jouées à la guitare à A’Salfo. J’ai ajouté « Anou » parce que je connaissais l’histoire de sa maman. Cela l’a profondément touché parce que sa maman n’a pas connu ses succès. Voilà, entre autres raisons, ce qui nous a poussés à choisir cette chanson. Il ne me l’a pas imposée. Je comprends les fans parce qu’une chanson reste une chanson, et la charge émotionnelle qu’elle dégage, quelle que soit la reprise, ne peut pas revenir là. Mais il y a d’autres fans aussi qui ont découvert la chanson
RB : Votre mot de la fin ?
BAK : J’aimerais remercier tous les partenaires qui ont travaillé sur l’album. En premier lieu les musiciens pour leur patience. Mes remerciements vont aussi à Shammar Empire pour la collaboration et le temps mis à travailler sur l’album. Il y a également les mécènes, et mon parrain qui a toujours été disponible, sans oublier l’ensemble de la presse nationale et internationale qui aide à la promotion de l’œuvre.
Radars Info Burkina