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Endométriose : « Le retard de diagnostic est surtout lié à une connaissance peu poussée de la maladie par les agents de santé », Dr Joachim Zongo

dr zongoL’endométriose est une affection caractérisée par la présence de tissu endométrial à l’extérieur de l’utérus. Le tissu endométrial est celui qui tapisse la partie la plus interne de l’utérus. Lorsque ce tissu se retrouve hors de l’utérus, on parle d’endométriose. Cette présence du tissu hors de l’utérus peut être constatée dans tous les organes mais plus généralement au niveau des trompes, des ovaires, de la vessie, de l’anus, etc. Docteur Joachim Zongo, gynécologue, nous en dit plus sur la maladie, dans cette interview qu’il a bien voulu accorder à votre journal Radars Info Burkina (RIB).

Radars Info Burkina : Qu’est-ce qui peut expliquer la survenue d’une endométriose ?

Joachim Zongo : L’endométriose n’a pas de causes connues jusque-là. Néanmoins, il existe plusieurs théories qui pourraient expliquer sa survenue. Une des possibilités suppose que le sang menstruel contenant les cellules endométriales voyage à reculons en passant dans les trompes de Fallope pour se retrouver dans l’abdomen. Ces cellules endométriales adhèrent alors aux tissus de l’abdomen puis se multiplient. Selon une autre théorie, certains types de cellules de l’abdomen pourraient réagir aux hormones et se transformer en cellules endométriales.

RIB : Existe-t-il plusieurs types d’endométriose ?

JZ : Si l’on veut parler de types, on parlera d’adénomyose et d’endométriose externe. L’adénomyose est une infiltration du tissu endométrial au sein du muscle utérin lui-même, qui va faire que l’utérus va augmenter de volume. Pour l’endométriose externe, le muscle utérin va se retrouver au-delà de l’utérus. Les types d’endométriose diffèrent également selon les signes cliniques que présentent les patientes. Il peut être constaté des manifestations en fonction de l’organe dans lequel le tissu endométrial se retrouve : des douleurs au niveau du thorax, au moment de la défécation ou de la mixtion.

RIB : Y a-t-il y a un groupe de femmes qui présenterait plus de risques de développer la maladie ?

JZ : Il y a des terrains de prédisposition à l’endométriose. Habituellement, elle est connue comme étant une maladie de la femme en âge de procréer, mais il y a aussi des cas d’endométriose chez les femmes ménopausées. Le plus souvent, c’est au cours d’un traitement hormonal substitutif de la ménopause que des lésions dormantes se réveillent. Ensuite, un autre terrain qui y prédispose, c’est le profil psychologique. Des études ont montré à ce propos que beaucoup de patientes souffrant d’endométriose, dans les questionnaires, admettent avoir subi un traumatisme psychologique et particulièrement sexuel au cours de leur enfance ou de leur adolescence. On a aussi remarqué que les personnes qui sont prédisposées à l’endométriose sont des femmes jeunes, intellectuelles, entreprenantes qui retardent la survenue de leur maternité. Lorsque la maternité est retardée, les hypothèses évoquent un reflux de sang menstruel qui  prédisposerait ces femmes à l’endométriose.

RIB : Plusieurs patientes disent avoir traîné cette maladie sur une longue période avant qu’un diagnostic clair puisse être posé. Qu’est-ce qui pourrait expliquer ce retard de diagnostic ?

JZ : Il est surtout lié, d’une part, à une connaissance peu poussée de la maladie par les agents de santé. D’autre part, nous avons  le fait qu’il n’y a pas de parallélisme entre l’importance des lésions et les manifestations cliniques.

RIB : Existe-t-il au Burkina Faso des statistiques sur l’ampleur de cette maladie ?

JZ : L’endométriose est une maladie qui touche 10% des femmes en âge de procréer et 20% de celles qui consultent pour un traitement contre l’infertilité, de même que 25% des patientes qui souffrent de douleurs pelviennes. L’absence de chiffres est liée aux différentes formes que peut prendre la maladie.

RIB : Quel est l’impact de la maladie sur le quotidien des patientes ?

JZ : C’est une maladie invalidante et les personnes qui en sont atteintes en souffrent énormément. Les signes les plus gênants sont la douleur inqualifiable au moment des règles ainsi que les douleurs péri-ovulatoires. La mixtion et les selles sont extrêmement douloureuses. Peuvent aussi être citées l’atteinte psychologique mais aussi l’anxiété liée au désir de maternité. Nous pouvons, en outre, noter les dyspareunies ou douleurs pendant les rapports sexuels alors que c’est une maladie qui survient au cours de la période d’activité génitale.

RIB : Existe-t-il des traitements pour guérir définitivement de l’endométriose ?

JZ : C'est une maladie qui n’a pas de causes connues jusque-là, ce qui rend le traitement plus compliqué. Il y a deux situations connues durant lesquelles la femme n’a plus de manifestation d’endométriose : il s’agit de la grossesse et de la ménopause. En dehors de cela, les traitements qui existent visent généralement à soulager la douleur. Il s’agit, dans ce cas, des antalgiques, des anti-inflammatoires ou encore des traitements hormonaux. Mais à l’arrêt de ces traitements, on redéveloppe la maladie. Pour ce qui est des interventions chirurgicales, on en dénombre deux types : il y a, d’une part, les interventions radicales qui consistent à enlever complètement l’utérus et à traiter les autres lésions et, d’autre part, les interventions correctrices ou conservatrices chez les patientes qui ont des désirs de maternité, dans l’optique de corriger la liaison entre la trompe et l’ovaire. Il y a aussi la rejection des nodules qui sont des éléments de l’endométriose qui peuvent se retrouver dans la cavité abdominale. On peut donc enlever ces lésions, les coaguler ou les réséquer quand on fait ces interventions.

RIB : Est-t-il possible de concrétiser son désir de maternité, même souffrant d’endométriose ?

JZ : Les lésions sont classées en trois groupes selon leur importance : il y a les lésions minimes, celles modérées et enfin celles sévères. Si les lésions sont minimes ou modérées, il y a certaines  patientes qui conçoivent sans traitement tandis que d’autres ont recours à des traitements pour concevoir. Mais quand les lésions sont étendues, les chances d’avoir un bébé sont plus réduites. Même si cela est difficile, c’est possible en passant par les méthodes de procréation médicalement assistée soit par insémination ou, au pire des cas, par la fécondation in vitro. L’endométriose provoque des dégâts au niveau des trompes chargées de capter l’œuf, c’est comme si la patiente avait les trompes bouchées, par conséquent une conception par voie naturelle peut s’avérer difficile. Nous avons des patientes qui ont conçu et mis au monde des enfants après leur traitement. En matière de conception, il ne faut pas considérer un seul aspect, il faut aussi prendre en compte l’homme.

RIB : Que préconisez-vous aux femmes en âge de procréer pour prévenir les complications de l’endométriose ?

JZ : Pour prévenir les complications de l’endométriose, il faut un dépistage précoce. Ce qui passe par la consultation mais aussi par la recherche d’information. Car Pour une femme qui a des règles très douloureuses, des saignements excessifs ce n’est pas normal et elle doit consulter un agent de santé, voire un spécialiste, pour que l’on puisse chercher à savoir si elle ne souffre pas d’une endométriose. Un autre aspect à ne pas négliger est que la prévention des complications passe aussi par la survenue possible de grossesse. En effet, les traitements qu’on prescrit pour le traitement de l’endométriose  sont des anti-inflammatoires et des hormones qui n’ont pas forcément que des effets bénéfiques. Prendre en permanence des anti-inflammatoires peut causer des ulcères, des problèmes au niveau des reins. Les traitements qui contribuent à atténuer les douleurs, voire à les anéantir, peuvent contribuer aussi à diminuer la capacité de procréer. La réserve ovarienne de la femme peut se trouver diminuée.  

Propos recueillis par Armelle Ouédraogo (Stagiaire)