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Décision de STAF et de TSR de suspendre la desserte : « Ces compagnies ne peuvent continuer ainsi, sinon elles courent droit à la faillite », Bonaventure Kéré, SG de la FENAT

kéré uneAprès plusieurs négociations avec le gouvernement pour augmenter le prix des tickets de voyage sans succès, suite à l’augmentation du prix du carburant, la Société de transport Aorèma et frères (STAF) et la compagnie Transport Sana Rasmané (TSR) ont décidé, à compter du 5 janvier 2019, de suspendre la desserte de toutes les localités du pays, à l’exception de l’axe Ouaga-Bobo-Dioulasso. Ces deux sociétés de transport concentrant plus de 90% du transport interurbain au pays des hommes intègres estiment que les pertes dues à l’inadéquation entre le prix du carburant et le prix du ticket deviennent intenables. C’est en tout cas que nous a affirmé Bonaventure Kéré, secrétaire général de la Fédération nationale des acteurs du transport routier du Burkina (FENAT) ; une fédération à laquelle sont affiliés STAF et TSR. Il confie par ailleurs que si la situation reste telle quelle, ces deux géants du transport interurbain burkinabè risquent de fermer boutique les mois à venir.

Radars info Burkina : Des sociétés de transport en commun membre de votre organisation syndicale ont décidé de suspendre la desserte de toutes les localités du Burkina, à l’exception de l’axe Ouaga-Bobo-Ouaga, et ce à partir du 05 janvier 2019. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

Bonaventure Kéré : Il faut d’abord que je précise que cette décision ne résulte pas d’un désaccord avec le gouvernement, mais de la lenteur de celui-ci dans la satisfaction des préoccupations des transporteurs. En rappel, les transporteurs membres de la FENAT avaient engagé un mouvement qui devait aboutir à un arrêt d’exploitation. En son temps, on avait décidé que cette grogne allait se faire dans la période du 7 au 09 mars. Mais il y a eu la double attaque terroriste de l’état-major général des armées et de l’ambassade de France et en tant que patriotes, nous avons décidé de suspendre notre mot d’ordre d’arrêt d’exploitation. Par la voix du Premier ministre, le gouvernent burkinabè s’était engagé à profiter de cette suspension et de notre compréhension pour trouver des réponses adéquates à nos préoccupations qui étaient articulées autour de six points. Toutefois, depuis, les lignes n’ont pas bougé alors que nous avons évité de faire comme les chauffeurs, c'est-à-dire paralyser le trafic routier pendant des jours. Je pense que c’est cela qui a fait que les choses sont restées figées jusqu’à l’augmentation de 75 francs CFA du prix du litre de carburant à la pompe. Tout le monde le sait, le carburant est notre principale matière première et la loi nous permet d’en déduire la TVA, puisque nous ne sommes pas les consommateurs finaux. Mais comme nous n’étions pas organisés en association, on nous avait interdit de déduire la TVA lorsque nous achetons le carburant, car le contrôle allait être difficile. C’est ainsi que nous avons mis en place la FENAT, qui regroupe toutes les grandes compagnies de transport. L’une de nos préoccupations concerne ce point. En outre, en 2016, lorsque le prix du carburant avait été baissé de 50 francs par litre, le gouvernement nous avait obligés à baisser également le prix du titre de transport. Nous avions donc procédé à des diminutions du prix du ticket comprises entre 250 et 1 000 francs CFA selon la distance. Par exemple la desserte Ouaga-Bobo qui coûtait 7 000 francs et 7 500 francs CFA pour les cars climatisés a été ramenée respectivement à 6 000 et 6 500 francs CFA, soit une diminution de 1 000 francs CFA. A cette époque, il avait été convenu que dès qu’il y aurait une augmentation du prix du carburant, les transporteurs allaient réajuster ces prix. D’ailleurs, sous la révolution, le prix du transport des personnes au Burkina Faso était plafonné à 20 francs CFA par kilomètre et par personne. Au Mali, il est actuellement de 22 francs CFA, tout comme en Côte d’Ivoire. Au Burkina Faso, nous sommes actuellement à un montant compris entre 13 et 17 francs par personne et par kilomètre. Ce qui fait que nous n’avions même pas encore atteint le summum fixé depuis la révolution. C’est dire donc que nous consentions déjà des sacrifices. C’était donc évident pour nous qu’une augmentation du prix de ticket allait s’opérer puisque celui du carburant a connu une hausse. Mais le gouvernement, qui a invoqué certaines raisons comme l’effort de guerre que l’Etat supporte ainsi que d’autres éléments financiers, nous a demandé de surseoir à toute augmentation du prix du titre de transport, le temps pour lui d’étudier la question. Nous avons accepté de consentir de nouveau ce sacrifice en demandant en retour à notre exécutif de trouver des réponses à nos préoccupations qui sont pendantes depuis des années. Il avait donc promis de revoir sa copie en ce qui nous concerne, mais depuis le 19 novembre 2018, date de notre rencontre avec les autorités, les lignes n’ont guère bougé. Vous savez, parmi les sociétés membres de la FENAT, TSR et STAF concentrent à eux deux pratiquement 90% du transport interurbain dans notre pays. Ce qui fait que cette situation les frappe beaucoup plus durement. Au-delà du fait qu’ils sont de grands pourvoyeurs d’emplois, ils sont obligés, en ralliant les différentes provinces, de combler le gap depuis l’augmentation du prix du carburant parce qu’ils n’ont plus de marge bénéficiaire.

kéré 3RIB : Quelles sont les pertes enregistrées par ces deux compagnies de transport depuis que cette situation existe ?

BK : Lorsque j’ai échangé avec les patrons de STAF et de TSR, ils m’ont ressorti le montant supplémentaire qu’ils devaient assumer. Pour STAF, par exemple, il fallait ajouter entre 23 et 24 millions de francs CFA par semaine pour continuer à aller dans les provinces et pour TSR, entre 19 et 20 millions de francs CFA. Ces sociétés puisaient dans leurs réserves pour combler le manque à gagner en attendant que le gouvernement résolve les préoccupations contenues dans la plateforme. Mais le gouvernement traînant les pieds et elles aussi étant asphyxiées économiquement car ne faisant plus de bénéfices, ces compagnies ne peuvent continuer ainsi, sinon elles courent droit à la faillite. Sans oublier qu’il y a des charges fixes comme les salaires des employés et l’entretien des véhicules.  Lasses d’attendre, elles ont été obligées de passer ce communiqué annonçant la suspension de la desserte des destinations très déficitaires et ne faire que l’axe Ouaga-Bobo, où les charges sont relativement supportables. Il est vrai que le gouvernement a beaucoup de pain sur la planche, mais nous, transporteurs, ne voulons pas non plus être asphyxiés. Nous souhaiterions que le gouvernement se penche sur nos accords et trouve un début de solution à nos problèmes.

RIB : Avez-vous, depuis que ce communiqué a été rendu public, été approchés par certains membres du gouvernement pour qu’une solution soit trouvée et que la date butoir annoncée soit revue ?

kéré 4BK : D’une manière responsable, le gouvernement nous a approchés, mais nous n’avons pas été satisfaits. Il a repris les négociations, mais tant que nous n’aurons rien de tangible et de concret, cette date sera maintenue. Et il est probable que d’autres compagnies de transport nous emboîtent le pas.

RIB : Pouvez-vous revenir sur les grandes lignes de vos préoccupations adressées au gouvernement ?

BK : Nous tenons à être discrets là-dessus. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a le problème de la fiscalité, des tracasseries routières, le nombre de visites techniques à faire par an, qui est actuellement de quatre pour les cars. Or, ce n’est pas le cas dans les autres pays de la sous-région (où ce nombre est de deux). Et pour faire la visite technique, il faut immobiliser le véhicule pendant au moins trois jours, ce qui constitue un manque à gagner pour les sociétés de transport.

Propos recueillis par Candys Solange Pilabré/ Yaro