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Journée mondiale de lutte contre le SIDA : connaître son statut sérologique pour mieux planifier sa vie

interview uneInstituée par les ministres de la Santé des pays membres de l'Organisation mondiale de la Santé depuis trente ans, la Journée mondiale de lutte contre le Sida est célébrée chaque 1er décembre. Elle est une occasion pour les acteurs de la lutte de marquer une halte pour réfléchir sur un thème donné et notifier les acquis engrangés. Cette année, le thème mondialement retenu est « connais ton statut ». Au Burkina Faso, seulement 28% de la population connaît son statut sérologique, selon l'Enquête démographique de santé (EDS) 4. Pourquoi cette réticence et ce faible intérêt pour le test de dépistage ? C’est ce que votre journal Radars Infos Burkina (RIB) a voulu savoir en tendant son micro à  Sondet Guillaume Sanon, chef du département chargé de la communication et des relations publiques du Secrétariat permanent du Conseil national de lutte contre le Sida et les IST (SP/CNLS/IST).

 

Radars Infos Burkina : A l'occasion de la JMS 2018, le thème choisi est « connais ton statut ». Pourquoi le choix porté sur un tel thème ?

Sondet Guillaume Sanon : Il faut faire observer que depuis la découverte des premiers cas de Sida, il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits pour endiguer la pandémie. Mais nous nous sommes rendu compte que cela ne peut porter des fruits que  si une majorité de la population connaît son état sérologique : on est soit séropositif, soit séronégatif. Si on est séronégatif, quel est le plan d'accompagnement, de soutien qui peut être mis en place pour vous accompagner à ne pas être séropositif ? Et lorsqu'on est séropositif, comment vous assurer une prise en charge adéquate ? Dans cette dynamique, l'ONU Sida est arrivée à édicter la nouvelle vision zéro : zéro nouvelle infection au VIH/Sida, zéro discrimination. Cela paraît ambitieux mais est possible. Néanmoins nous nous donnons l'horizon 2030 pour essayer de maîtriser la pandémie et c'est ce que nous avons appelé mettre fin à l'épidémie du Sida en 2030. Cela suppose que nous aurons réduit à 200 000 le nombre de nouvelles infections,et pratiquement à zéro le nombre de décès liés au VIH. Entre-temps, nous nous sommes rendu compte qu’une bonne partie des personnes qui vivent avec le virus qui ne connaissent pas jusqu'à présent leur état sérologique. Ce qui fait que nos efforts pour zéro nouvelle infection et zéro décès se trouvent compromis. C'est ainsi que l'ONU Sida a mis en place les trois 90 : premier 90, 90% des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, 90% des personnes connaissant leur statut sérologique sont sous ARV et 90% des personnes sous ARV ont une charge virale indétectable. A l'analyse, nous avons constaté que nous avons à peu près 75% des personnes dans le monde,  supposées vivre avec le VIH, qui connaissent leur statut mais toujours est-il que nous avons neuf millions de personnes « séro ignorantes ». Et c'est la raison pour laquelle, pour atteindre l'objectif de ces trois 90, l'ONU Sida a suggéré à la communauté internationale que l'accent soit mis sur le conseil-dépistage, pour donner plus de chances de maîtriser la propagation et permettre à un nombre élevé de personnes vivant avec le VIH de connaître leur statut sérologique. D'où la campagne « connais ton statut sérologique » avec le slogan « , c'est pouvoir ». Car quand on ne sait pas, on ne peut rien faire, mais quand on sait, on peut faire quelque chose.

RIB : Quelle est la prévalence actuelle du VIH/Sida au Burkina Faso?

interview 2SSG : Au niveau de la population générale, elle est de l'ordre de 0,8 %, ce qui fait approximativement 94 000 personnes supposées vivre avec le VIH. Cette prévalence contraste avec celle de certains groupes spécifiques tels les travailleurs du sexe, les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes et les détenus. Des études récentes nous ont montré que des populations qui échappaient à notre vision ont aussi des taux de prévalence élevés. Il s'agit notamment du personnel de santé, les personnes handicapées, ainsi que des consommateurs de drogue.

RIB : Quel est le taux de prévalence du VIH particulièrement chez les jeunes ?

SSG : De manière globale lorsqu'on fait l'analyse chez les jeunes de 15-24 ans, la moyenne tourne autour de 0,6%, ce qui est en deçà de la moyenne nationale. Cependant dans le fond, il y a des groupes spécifiques tels les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes dont le taux de prévalence est de 1%, les travailleurs du sexe 5%, alors que la grande majorité d'entre eux sont des jeunes de moins de 25 ans. Du coup, nous nous demandons si notre analyse de 0,6 % est effectivement correcte. L'autre traceur indirect, qui est le nombre de grossesses, nous indique que celui-ci est en croissance chez les jeunes, ce qui signifie qu'il y a des comportements à risque. Du coup, il y a lieu de s'interroger sur ce taux.

RIB : Bon nombre de personnes sont réticentes quant à aller faire le test de dépistage du VIH. Qu'est-ce qui explique cela?

SSG : Il faut dire que nous sommes victimes de nos premiers messages. Ces messages qui ont créé la peur, le rejet. Pour caricaturer la situation, au début de la réponse et cela pendant plus de vingt ans, nous avons lancé des messages du genre « Attention le Sida est dangereux », « le Sida tue et il n’a pas de médicament ». Et pendant que nous disons d’une maladie qu’elle n'a pas de médicament, nous voulons qu'une personne aille se faire dépister et savoir qu'elle n'a pas de médicament et qu'elle ne va pas vivre. Nous avons passé le temps à dire que le Sida est dangereux, mais nous n'avons pas pris le soin d'ajouter que la personne vivant avec le VIH n'est pas dangereuse. La maladie se transmet principalement par trois voies qui sont la voie sexuelle, de la mère à l'enfant et aussi par le sang. Et normalement lorsque nous devons donner des messages de prévention, l'accent doit être mis sur les modes de prévention par rapport aux trois voies. Mais pendant longtemps, nous avons dit que pour éviter l'infection il fallait ceci : abstinence-fidélité-condom. Ce qui signifie que les personnes infectées l'ont été seulement du fait des relations sexuelles. Nous avons "sexualisé" l'épidémie. Il est vrai que la voie sexuelle dans nos pays est importante par rapport aux autres voies de transmission et que c'est aussi la voie la plus difficile à contrôler car elle est liée au comportement de l'individu.Ce qui entoure le dépistage, c'est la stigmatisation, la peur de la mort, le déni, l'auto-stigmatisation, la peur du rejet par les autres.

RIB : Quelles stratégies peut-on alors à votre avis mettre en place pour « dé-stigmatiser » le VIH et inciter les populations à se faire dépister ?"

SSG : Pour convaincre les gens, il faudrait que nous revoyions nos messages, que nous positivions la chose. On peut être infecté par le VIH et vivre normalement jusqu'à atteindre un certain âge si l'on suit correctement les traitements. Et qu'on arrête de penser que c'est seulement par le rapport sexuel que l'on peut contracter la maladie. Il nous faut arriver à donner l'assurance aux populations qu'on ne meurt plus du Sida, ce qui va les convaincre d'aller se faire dépister. En positivant les messages, nous arriverons à booster le conseil-dépistage. De plus, il faut arriver à étendre les services de dépistage, aller vers les populations. Selon l'Enquête démographique de santé (EDS) 4, seulement 28% des Burkinabè affirment s'être fait dépister. Nous avons encore 72% qui n'ont jamais fait de test de dépistage. Il faut donc que nous arrivions à capter ces personnes pour nous assurer que nos efforts ne seront pas vains. Il faut aussi un ensemble d'approches de communication pour permettre aux populations d'avoir toute la gamme d'informations sur le VIH.

RIB : Dans quelles circonstances doit-on se faire dépister ?

SSG : Lorsqu'on a pris des risques, il est important d'aller se faire dépister. Il est aussi conseillé, à l'exemple de la santé de façon générale, de faire au moins une fois par an le test de dépistage pour être sûr de n'avoir pas été exposé. Néanmoins pour une personne qui a fait le test et qui se révèle séronégative, il lui est conseillé de revenir trois mois plus tard refaire le test pour être sûr du résultat. Les tests utilisés sont des tests d'anticorps qui détectent la réaction de l'organisme face à la présence du virus. Et lorsque le virus pénètre l'organisme il met du temps pour pouvoir marquer sa présence et provoquer la réaction de l'organisme. Ce temps varie parfois jusqu'à trois mois.  Et entre le temps où vous avez fait le premier test et le temps de revenir pour le test de confirmation, il faut prendre toutes les précautions nécessaires pour ne pas s'exposer par le comportement sexuel, par le comportement quotidien avec les résidus de sang ou les objets tranchants ou piquants.

RIB : Existe-t-il un âge légal exigé pour pouvoir se faire dépister ?

SSG : L'âge légal requis était de 18 ans, c’est-à-dire la majorité légale. Mais étant donné l'amélioration des conditions de vie, les jeunes sont précocement matures. Le plaidoyer a donc été fait pour que cet âge soit revu à 16 ans et en deçà de cet âge-là, il est demandé l'autorisation parentale pour faire le test.

RIB : Quelles sont les activités prévues par le secrétariat permanent du conseil national de lutte contre le VIH/Sida et les IST pour cette trentième Journée mondiale de lutte contre le Sida ?

SSG : Nous avons décidé de faire une halte après vingt ans de célébration tournante dans l'ensemble des chefs-lieux de régions afin de mener une réflexion sur les leçons à tirer de ces trente années de commémoration sur le plan mondial et vingt ans sur celui national. Une conférence de haut niveau est prévue à cet effet avec des personnes-ressources qui ont été au centre des différentes célébrations. Il est aussi prévu l'intensification d'une campagne multimédia avec des personnalités pour évoquer le problème du VIH. De même que l'organisation d'activités de mobilisation sociale dans toutes les régions du Burkina avec une caravane de sensibilisation qui interview 3offre également des services de conseil-dépistage gratuits qui vont s'étendre avec la célébration du 11-Décembre.

RIB : Quel message avez-vous à l'endroit de toutes ces personnes qui n'ont pas encore fait le test de dépistage ?

SSG : J'invite chacun à s'approprier le slogan « savoir, c'est pouvoir » et à chercher à connaître son statut sérologique. Et j’ajoute : « A prendre le pas sur la vie en faisant son test de dépistage ».

Candys Solange Pilabré/Yaro et Armelle Ouédraogo