vendredi 22 novembre 2024

Procès du putsch manqué de septembre 2015 : L’ex-bâtonnier, Mamadou Traoré, l’entremetteur entre le président sénégalais Macky Sall et le général Diendéré

batonnierAprès le colonel-major Kiéré, c’est Me Mamadou Traoré qui était à la barre du juge Seydou Ouédraogo du tribunal militaire de Ouagadougou pour répondre de ses actes lors des évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants. Au moment des faits, il était le bâtonnier en exercice au niveau de l’ordre des avocats du Burkina. Accusé notamment de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, l’ancien bâtonnier s’est inscrit en faux contre ces accusations et a affirmé avoir porté sa casquette d’avocat durant les évènements, en l’occurrence celui du président sénégalais Macky Sall qui lui avait confié pour mission d’apporter des messages de « recadrage » au général afin que rien de mal n’arrive au président de la Transition Michel Kafando et aux ministres retenus en otage. C’est pourquoi il se présente comme l’entremetteur entre le président en exercice de la CEDEAO et le général Diendéré.

Complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtre et coups et blessures volontaires, ce sont les trois charges qui emmènent ce mercredi 21 novembre 2018, l’ex-bâtonnier Mamadou Traoré à s’expliquer devant le tribunal militaire dans le cadre du coup d’Etat de septembre 2015. Ces faits, l’accusé ne s’y reconnaît pas. Selon son récit, il affirme avoir travaillé normalement le 16 septembre 2015 à son cabinet. Ce serait une fois à la maison aux environs de 18h que sa collaboratrice Me Toé, par appel téléphonique l’aurait informé de quelques remous en centre-ville dus à un méli-mélo au Conseil des ministres. Vers 22h, il affirme avoir reçu un appel du président sénégalais Macky Sall, président en exercice de la CEDEAO, dont il est l’un des avocats qui lui demandait d'entrer en contact avec le général Gilbert Diendéré. Selon ses dires, le président sénégalais lui aurait confié la mission de rencontrer le général afin de lui faire montre de son inquiétude face à la situation d’incertitude du pays, de lui demander de personnellement s’impliquer pour une sortie de crise apaisée et de se rassurer de l’intégrité physique de son homologue Michel Kafando.

Après maintes relances téléphoniques, il dit avoir eu le général Diendéré au téléphone qui lui a dit de venir le rejoindre au camp Naaba Koom II. Ce serait aux environs de 22h30mn qu’il serait arrivé au camp et aurait été installé dans un bureau dont il ignore à qui il appartient. Las d’attendre, il serait allé prendre l’air à l’extérieur du bureau et aurait entendu le colonel Yonaba converser au téléphone et rassurant son interlocuteur de la bonne santé du président Michel Kafando. Ce serait aux environs de 3h30 qu’il a été reçu par le général Diendéré qui sortait d’une réunion. Après lui avoir exposé le motif de sa venue et livré la teneur de son message, il aurait quitté le camp vers minuit. Ce n’est que le lendemain qu’il a fait le point de sa mission au président Macky Sall et a passé sa matinée à un « doua » vers le marché de « sankariaré ». Le 18 septembre, étant informé de l’arrivée du président sénégalais au Burkina Faso, il se serait rendu à l’hôtel Laïco où il aurait eu un tête-à-tête avec lui, durant lequel, il lui aurait demandé son avis et ses conseils quant à la résolution de la crise. Il l’a par ailleurs de nouveau envoyé vers le général quatre étoiles afin de lui faire le débriefing des sanctions et de la position des présidents de l’Union africaine et de la CEDEAO. Mission qu’il aurait également effectuée en rencontrant le général au palais présidentiel. Le 19 septembre 2015, il serait retourné à l’hôtel Laïco pour dire au revoir au président Macky Sall.

putsch2Selon l’ex-bâtonnier, il n’a participé qu'à une réunion avec la délégation du général et le président sénégalais et cela entrait dans ses prérogatives d’avocat et non de partisan des putschistes.

Si dans leurs procès-verbaux, le colonel Yonaba, le capitaine Zoumbri et le commandant Korogo affirment avoir vu le bâtonnier dans le bureau du chef de corps le 17 septembre 2015 aux environs de 7h, l’accusé, lui, a réfuté de telles déclarations. « A moins que j’aie le don d’ubiquité, je ne peux pas être au doua de ma tante et au camp Naaba Koom II en même temps. Je confirme, j’ai quitté le camp aux environs de minuit ». Concernant la déclaration ayant cansacré la naissance du Conseil national de la démocratie (CND), organe des putschistes, le parquet estime qu’au regard de certaines déclarations contenues dans les procès-verbaux et versées dans le dossier, Me Mamadou Traoré aurait participé à le peaufiner. Une allégation que réfute totalement l’accusé. « Je ne sais rien de la déclaration du CND… Je l’ai entendue à la télévision comme beaucoup de Burkinabè… j’étais bâtonnier à l’époque, donc j’étais un élément neutre qui avait l’aisance de pouvoir parler au général Diendéré », a-t-il estimé.

Quoi qu’il en soit, le parquet prend avec des pincettes cette casquette d’avocat du président sénégalais et d’entremetteur entre celui-ci et le général que l’ex-bâtonnier veut porter à la barre et estime que contrairement à ce que veut faire croire l’accusé, il n’est pas poursuivi dans le cadre de ses fonctions. Mais l’accusé est resté droit dans ses bottes : toutes ses putsch3rencontres avec le général était téléguidées par le président Macky Sall. « C’était un choix du président Macky Sall que vous et moi ne pouvons pas discuter ici. Je lui ai donné mon avis sur la situation à sa demande. Je ne sais pas si lui donner mon point de vue est politique ou juridique », a-t-il répliqué.

Ex-bâtonnier, Mamadou Traoré n’a jamais été condamné. Il est décoré de la médaille d’officier de l’ordre national. Il est divorcé et père de deux enfants.

Candys Solange Pilabré/Yaro

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