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Opération caisses vides dans les hôpitaux: «Aucune promesse aujourd’hui ne peut nous faire reculer, il faut du concret. C’est clair et net, il faut dire ça aux autorités», Pissyamba Ouédraogo, SG du SYNTSHA

pissyamb uneAprès 96 heures (du 21 au 25 mai) d’arrêt de travail et le boycott de la garde et de la permanence (du 25 mai au 3 juin) pour exiger du gouvernement la mise en œuvre du protocole d’accord signé le 13 mars 2017, le Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) a lancé un autre mot d’ordre allant du 7 juin au 1er septembre 2019. Dans ce mot d’ordre, plusieurs actions sont prévues, au nombre desquelles « l’opération caisses vides ». Nous avons rencontré Pissyamba Ouédraogo, Secrétaire général dudit syndicat, pour comprendre davantage le pourquoi de ces mots d’ordre qui se succèdent dans le système sanitaire burkinabè et en quoi consistera exactement le mouvement annoncé.

Radars Info Burkina (RIB) : Pourquoi cette décision d’une série d’actions du 7 juin au 1er septembre 2019 ? Le gouvernement a-t-il engagé des discussions avec vous ou pas après le mot d’ordre précédent ?

Pissyamba Ouédraogo (PO) : Nous avons terminé avec le mot d’ordre de deux  phases, notamment l’arrêt de travail de 96 heures et le boycott de la garde et de la permanence du 25 mai au 3 juin. Jusqu’à présent, nous n’avons pas discuté avec le gouvernement. Je précise en passant que le 29 mai dernier, nous avons été conviés à une rencontre avec le gouvernement. Une délégation gouvernementale conduite par le ministre de l’Education nationale, Stanislas Ouaro, chef de la délégation, représentait celui de la Fonction publique, Séni Ouédraogo, qui était en mission. Ce face-à-face concernait tous les syndicats de la santé. Nous avons dit que c’est un forum qui ne peut pas discuter de notre protocole, qui est un problème spécifique. Par  conséquent, les questions communes qui pouvaient être discutées concernent seulement la fonction publique hospitalière puisque le protocole qui y est relatif  est signé avec tous les six syndicats. Ainsi, il y a eu une suspension  demandée par le gouvernement. Ses représentants ont dit avoir pris note et déclaré qu’ils réorganiseraient la rencontre en tenant compte des spécificités et des points communs. Et nous  sommes toujours dans l’attente. Nous n’avons pas discuté avec le gouvernement. Dans de telles conditions, nous avons l’obligation de continuer à l’interpeller avec les moyens qui sont les nôtres. C’est pourquoi nous avons engagé une série d’actions, notamment à trois niveaux.

RIB : En quoi consiste concrètement cette série d’actions dans leur application ?

PO : Le premier niveau, c’est s’abstenir de fournir des données statistiques, de faire les tournées et  les missions. Nous avons retenu des exceptions à cet aspect au nombre de trois. La première, c’est que les missions qui viendraient dans les formations sanitaires et les services d’élevage pour réparer l’équipement ou fournir des consommables et du matériel sont les bienvenues. La deuxième exception concerne la distribution des moustiquaires, parce qu’il y a la saison pluvieuse et aussi la campagne de distribution de médicaments dans le cadre de la lutte contre le paludisme saisonnier. La troisième exception concerne le déroulement des examens à l’Ecole nationale de santé publique, puisqu’à l’occasion de ces examens il y a des missions. La seconde mesure décidée, c’est une « opération caisses vides ». Concrètement, cela signifie que pour les actes posés par le personnel, nous disons aux populations bénéficiaires de ne pas payer. Toutefois, il faut préciser auxdites populations que l’achat des médicaments est à leur charge. Troisième aspect, dans le protocole d’accord le gouvernement s’est engagé à améliorer les conditions de travail ; cela est capital pour nous. Jusqu’à présent nos conditions de vies et de travail ne sont pas améliorées.

hostoyalgdRIB : Dans la mesure où le gouvernement a entamé une discussion avec votre syndicat, pourquoi lancer malgré tout un autre mot d’ordre ?

PO : Nous ne sommes même plus au stade des négociations. On a fait un an de négociations, nous ne sommes plus à ce stade. Aucune promesse aujourd’hui ne peut nous faire reculer, il faut du concret. Il faut dire ça aux autorités, c’est clair et net. Nous sommes fatigués.

RIB : Le président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, a sollicité tout récemment, lors d’un discours à l’hémicycle, une trêve sociale. Quelle est votre réaction ?

PO : Pour ce qui est de la trêve, je voudrais qu’on soit clair dans le principe : les syndicats sont des organisations de veille citoyenne. Donc de mon point de vue, il ne faut pas les dénaturer. Si on nous enlève ce rôle, qu’est-ce qu’on devient ? Il ne faut pas changer le rôle des syndicats devant l’histoire. Pourquoi aujourd’hui il y a des mouvements d’humeur incessants, comme il semble le dire ? L’explication est toute simple : premièrement, les populations ont compris que si tu ne poses pas ton problème, il n’y aura jamais de solution spontanée ; deuxièmement, c’est le régime actuel qui a le plus méprisé le mouvement syndical. Rappelez-vous bien, même sous Blaise Compaoré, parfois avec du retard, la rencontre annuelle se tenait avec le mouvement syndical. De 2016 à aujourd’hui si vous faites le point, à ma connaissance si ce n’est pas sous les CDR (Ndlr : Comités de défense de la révolution sous la présidence de Thomas Sankara), le mouvement syndical n’a jamais été autant attaqué que sous ce régime. « Ce sont des apatrides, ce sont des corporatistes, ce sont eux qui empêchent le pays d’avancer. Ce sont eux qui accaparent toutes les ressources nationales », a-t-on entendu dire sur les syndicats. Jamais le mouvement syndical n’a été aussi dénigré et discrédité. On braque même les populations contre les syndicats.  Je pense que nous n’avons pas la même compréhension du niveau historique de notre pays à l’heure actuelle. Les gens se sont battus, les travailleurs avec, pour pouvoir s’exprimer. Enfin le gouvernement a deux attitudes, quand il est coincé il s’engage, ensuite il n’applique pas ou tout simplement il ne vous écoute plus, il s’enferme dans un mutisme et il vous regarde faire. Si dans un pays au niveau du gouvernement il n’y a pas d’écoute des citoyens ou quand on les écoute c’est pour juste les tromper et gagner du temps, il est clair qu’il n’y a plus de confiance. Qu’on nous laisse jouer notre rôle de structure de veille citoyenne. C’est le gouvernement qui ne joue pas son rôle parce qu’il a des préoccupations autres que ce que les populations et les travailleurs réclament.

RIB : Pensez-vous que cette forme de lutte va obliger le gouvernement à vous satisfaire ?

PO : C’est une forme de pression que nous avons choisie ; on en verra les effets. Est-ce que cela va obliger le gouvernement à nous écouter ? C’est ce qu’on espère. S’il ne nous écoute pas, on trouvera d’autres moyens.

RIB : D’aucuns estiment que le mouvement syndical exagère, vu le contexte de crise sécuritaire.

PO : Si vous vous référez même au discours du président de l’Assemblée nationale, vous constaterez que lui-même a dit que la crise sécuritaire, personne ne sait quel jour on en sortira. Ce qu’on doit faire, c’est se préparer à lutter pour obtenir des solutions aux problèmes progressivement. Donc on ne sait pas quand ça va finir et on décide de laisser perdurer la crise de l’éducation, la dégradation du système de santé ? Quel pays aurons-nous à la fin ? Quand vous êtes attaqué comme c’est le cas de notre pays aujourd’hui, il faut une gouvernance qui mette en cohérence l’ensemble des questions vitales qui maintiennent le pays dans le présent et à l’avenir. Sinon l’ennemi va avoir raison de vous. Donc si on est responsable, on doit préserver la sécurité, la santé et continuer à éduquer les citoyens. C’est cela, la vraie responsabilité ! On ne  peut pas à un moment donné dire qu’on met l’accent sur un aspect mais les autres, on les abandonne. Nous pensons qu’aujourd’hui la sécurité est un alibi pour couvrir l’incapacité de ce régime. L’insécurité  ne doit pas servir à faire le silence de mort dans notre pays. Si nous faisons cela, on va se suicider et on ne va jamais vaincre. Il y a quinze mines au Burkina Faso. Pourquoi les sociétés qui les exploitent n’ont pas quitté le pays ? Et vous dites à vos citoyens de ne pas demander une petite amélioration parce qu’il y a l’insécurité pendant que des gens sont en train de fuir avec des conteneurs de nos richesses ?

Propos recueillis par Aly Tinto (Stagiaire)