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Code minier du Burkina Faso : Quelle opportunité de développement pour la nation ?

gold uneEn 2015, sous la transition politique, il y a eu l’adoption d’un nouveau Code minier dans l’objectif de mieux encadrer ce secteur d’activité. Cinq après, Radars Info Burkina a rencontré un membre de la commission d’élaboration de ce texte juridique, David Moyenga, qui donne dans les lignes qui suivent les implications de ce code et les avantages que le Burkina Faso peut tirer de son application.  

RIB : Depuis quelque temps, l’or est devenu une aubaine pour l’économie Burkinabè. Vous qui avez participé à l’élaboration du code minier, quelle est la réglementation appropriée pour que le Burkina Faso puisse véritablement tirer profit des retombées du métal jaune ?

 Le code minier, dans sa version adoptée par le Conseil national de la transition, a une vision du développement local contrairement à celui de 2003 qui visait l’attractivité, c’est-à-dire permettre que plusieurs investisseurs viennent en réduisant les taxes à tous les niveaux. La spécificité de ce code, c’est sa vision du développement, qui est de faire profiter à la population des retombées du secteur minier. Cela signifie que les retombées de l’activité minière doivent servir à développer les secteurs tels que l’énergie, le transport, l’éducation. Car il y a un grand manque à gagner et tout le monde sait les préoccupations dans tous ces secteurs clés. La grande disposition qui va permettre de booster le développement de ces secteurs, c’est le fonds minier de développement, qui est un fonds local. Selon le code minier, un certain pourcentage des activités minières, notamment 1 % du chiffre d’affaires annuel, doit être reversé dans ce fonds. Selon l’esprit du code, ce fonds doit servir aux personnes vivant dans les localités où  il y a la production minière.  Si vous prenez 1% du chiffre d’affaires des différentes sociétés minières aujourd’hui, nous pouvons l’estimer à 3 ou 4 milliards, car cela évolue en fonction du nombre de mines implantées dans le pays. Si l’on fait un calcul rapide, on voit bien que ce fonds à lui seul peut contribuer à développer les infrastructures routières, l’énergie ;  l’école pourrait être  même  gratuite dans ces localités.

Outre cela, il y a le fonds sur la réhabilitation de l’environnement. N’oubliez pas que l’activité minière provoque des dégradations  importantes,  voire des modifications drastiques. Il faut les réparer et ce fonds de réhabilitation vise justement à corriger tout ce qu’il y a comme éléments de déformation pendant l’activité minière. Ce fonds effectivement vise non seulement à réparer à la fin de l’exploitation, mais aussi répare les dégâts au fur et à mesure. Il doit être logé en réserve dans une banque de la place, notamment une banque de la région où sous-régionale pour permettre effectivement d’arriver à cela.

Ce code a également prévu un fonds sur la recherche géologique et minière et les sciences de la terre qui ouvre une voie à la prospection et à l’exploitation, donc à la formation des futurs cadres dans le domaine minier. Cela, pour qu’un jour l’Etat puisse avoir une autonomie même en cas de besoin. Nous n’avons pas assez de cadres qualifiés dans le secteur minier si bien qu’on est souvent obligé de faire appel à des compétences extérieures. Ce fonds permettra d’assurer la formation des cadres dans ce sens, ce qui est très important. Vous savez que nous envoyons les échantillons à l’extérieur pour analyse et pour qu’on nous en donne les teneurs. Généralement, c’est dans les pays exploitant qu’on les amène pour déterminer le poids. Je trouve qu’un pays minier comme le nôtre doit pouvoir assurer ce contrôle et cela revient à jouer son rôle régalien, sa souveraineté par rapport à ses ressources. Et pour y arriver, il faut que nous ayons des cadres qualifiés dans une projection de notre pays, si nous n’avons pas de cadres qualifiés pour la prospection et l’exploitation de nos ressources minières, autant dire que nous avons perdu notre statut de pays minier.

Il y a d’autres fonds qui permettent de réduire l’activité artisanale, ce que vous appelez orpaillage. Parce que les effets environnementaux naissent aussi de l’activité désordonnée de l’orpaillage où chacun fait avec son outil. Ces fonds sont l’une des spécificités de ce code minier. Comme la loi a clairement fixé le taux de 1%, c’est cela qui doit être respecté, y compris le décret d’application qui doit sortir, un gouvernement n’a d’autre choix que de l’appliquer en prenant en compte cela.  Maintenant une autre question qu’on pourrait se poser, c’est la gestion de ces fonds. Qui peut gérer ce fonds de façon transparente ? Qui va contrôler ce que le décret doit clairement définir ? Mais le décret tarde à sortir. Si ledit fonds est bien géré, en moins de cinq 5 ans certaines régions minières pourront être des pôles d’attraction économique et de développement, parce qu’il y aura tout, par exemple des enseignants qui sont dans des zones  où il peut y avoir tous les équipements possibles en logements.

 RIB : Dans le code, il y a une bonne place réservée aux générations à venir. Pourquoi le législateur a-t-il fait les choses ainsi ?

D’abord les générations futures c’est qui ? Ce sont les personnes qui vont venir utiliser les mêmes espaces et utiliser le Burkina Faso dans les conditions où nous l’aurons laissé. Si nous le laissons dans des conditions  où on a créé un désastre écologique, environnemental et économique, vous voyez bien que c’est très difficile, la note sera salée pour cette génération. La génération future, ce sont  ceux qui vont venir faire face aux défis du développement et également aux réalités de la vie de notre pays. Derrière cette idée de legs aux générations futures, il faut voir aussi le fait de lui laisser un environnement bien conservé. C’est sur la base de ça que toutes les civilisations se développent. C’est quand il y a la terre, l’eau, qui est de qualité, c’est quand vous avez la végétation, la faune, etc. Ce n’est pas seulement l’or mais l’ensemble des autres ressources dont un pays peut regorger.

Dans ce code minier, ce qui a motivé les uns et les autres à penser cela, c’est le fait qu’il y a eu plusieurs fois des situations qui ont eu des effets néfastes pendant plusieurs décennies. Si vous prenez par exemple les  effets d’un accident nucléaire dans une zone, ils peuvent durer entre 50 et 100 ans.  Pour nous, certes l’or est une ressource. Certainement aujourd’hui, il a de la valeur mais son exploitation doit être bénéfique à tous ceux qui vont traverser cet espace aujourd’hui ou demain. Les retombées doivent permettre de compenser dans le même espace pendant un long temps et c’est une motivation majeure pour nous.

RIB : Est-ce que le code a fixé un seuil à ne pas dépasser par an ?

 Non justement cela peut être considéré un peu comme une de ses limites. La question qui se pose, c’est la gestion des permis d’exploitation ; il faut un encadrement clair. Du point de vue du seuil d’exploitation, cela n’est pas défini puisqu’il faut d’abord connaître les limites de l’entreprise minière lorsqu’elle a l’autorisation. Elle a un permis dans un espace donné qu’elle va pouvoir exploiter pendant un certain temps, généralement autour de 25 ans, quitte à être renouvelé. C’est le temps fixé en la matière, d’un point de vue de l’espace, vous avez la superficie mais en profondeur aussi vous avez ce qu’on appelle des garde-fous. La loi dispose que si vous avez un permis d’exploitation, vous avez 25 ans pendant lesquels vous devez respecter des conditionnalités. C’est pourquoi il est extrêmement important, avant de délivrer un permis d’exploitation à une entreprise minière, de faire un travail à la loupe.

gold 2RIB : Bon nombre de personnes pensaient que le nouveau code minier allait mettre fin à l’exploitation artisanale de l’or.

 L’exploitation artisanale ne pouvait être tout de suite abolie par le nouveau code minier. Par contre, il y a eu un encadrement pour un peu plus de responsabilité. Par exemple, tout comme le nouveau code pose la responsabilité sociale des entreprises pour ceux qui font l’exploitation industrielle, au niveau de l’exploitation artisanale il y a aussi un encadrement. Il y a des taxes liées à l’exploitation artisanale dans le nouveau code. Celles-ci les rendent beaucoup plus responsables. Ces exploitants savent que s’ils posent des actes,  ils devront les réparer ; donc le code n’a pas aboli en tant que telle, l’exploitation artisanale. Par ailleurs,  il faut savoir que l’exploitation artisanale, c’est généralement les premières approches de sources de revenu des populations avant même qu’on arrive a rédiger un projet d’exploitation beaucoup plus important. Mieux, c’est elle qui oriente d’un point de vue prospection. Car souvent ce sont ces premières installations qui orientent. Le grand problème, c’est parce que c’est désorganisé et parce qu’également elle n’est pas contrôlée il y a également l’utilisation d’un certain nombre de produits chimiques sur le terrain. Vous voyez, il y a plusieurs mines artisanales à titre d’exemple, en 2011 on avait déjà plus de 200 sites artisanaux au Burkina Faso. Aujourd’hui ce nombre a dû se multiplier par deux ou trois donc vous comprenez que c’est un vaste marché qui occupe beaucoup de gens sur lequel il faut continuer de réfléchir.

RIB : Cinq 5 ans après l’adoption du code, quel bilan  peut être fait ?

 5 après, d’abord je pense que la difficulté majeure est la non-signature des différents décrets d’application. La loi  elle-même a été claire. Il y a même eu des propositions de décrets d’application. Mais  tant que le décret ne sort pas, vous savez bien que l’application des textes de façon spécifique reste un problème.

Deuxièmement, ayant participé à l’élaboration de ce code, pour nous la question des mines est extrêmement importante dans un pays comme le Burkina Faso qui s’est révélé être un pays à grand potentiel minier. Car cette question doit pouvoir rentrer dans notre schéma économique pour le progrès et le développement de notre pays. Mais je n’ai pas l’impression que nous sommes en train d’aller dans ce sens et je pense même que les revendications qui ont lieu, que ce soit au niveau des populations, dans la gestion des questions des permis, la question de l’économie minière restent pratiquement en l’état. Le code minier fixe les orientations, mais il faut une volonté politique pour qu’on puisse effectivement tirer profit de cette manne. L’activité minière à elle seule peut avoir un effet d’entraînement économique sur d’autres aspects de la vie. Ce secteur peut être mieux développé et impacter positivement l’économie nationale, permettre de lutter contre le chômage et la pauvreté. Mais c’est l’action politique qui doit l’orienter et l’encadrer en s’appuyant sur le dispositif qu’est le code minier.

En gros, cinq après l’adoption du nouveau code, les défis restent quand même importants. Même ce code minier de développement a laissé voir également que l’Etat devrait s’investir aujourd’hui lui-même pour une certaine autonomie dans l’exploitation minière. C’est parce qu’on attribue l’exploitation à des entreprises au niveau extérieur que l’Etat ne peut pas développer sa propre machine d’exploitation. Plusieurs pays sont arrivés à ce niveau. Si vous prenez des pays comme le Ghana, l’Afrique du Sud, etc. Il y a certes des entreprises, mais l’Etat a ses propres moyens de production. Tout cela, c’est l’action politique qui devrait orienter les dispositifs qui ont été inscrits dans le code minier.       

Propos recueillis par Saâhar-Iyaon Christian Somé Békuoné et  Pemma Neya