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Enurésie ou pipi nocturne au lit : « Ne pas dramatiser, consulter », conseille Dr Richard Ouédraogo

enuresieL’énurésie est une maladie qui se caractérise par une émission nocturne ou diurne d’urine involontaire, inconsciente, en dehors de toute anomalie de l’appareil urinaire et surtout après l’acquisition du contrôle sphinctérien. On parle d’énurésie à partir de 5 ans. La fréquence de l’énurésie est très élevée chez l’enfant avec un taux de 5% et se réduit à l’adolescence à environ 1%. Les garçons sont les plus touchés par la maladie, à cause de la configuration de l’arbre urinaire. Pour en savoir davantage sur la maladie, qui touche également les adultes, Radars Info Burkina a tendu son micro au Dr Richard Ouédraogo, psychiatre.

Radars Info Burkina (RIB) : Quelles sont les causes de la maladie ?

Richard Ouédraogo (RO) : Il existe des théories qui essayent d’expliquer l’énurésie. Il y a, entre autres, le bénéfice secondaire que cela procure d’autant plus que quand l’enfant est énurétique, il bénéficie de beaucoup de soins de sa mère qui va, par exemple, changer ses couches. C’est donc cette manipulation que l’enfant recherche qui va expliquer certaines énurésies. Il y a également les causes génétiques. Si votre père ou votre mère a été énurétique, vous risquez aussi de l’être. Certaines théories parlent également de la dimension agressive et érotique de l’énurésie. Selon les psychanalystes, c’est l’équivalent du plaisir sexuel de faire pipi. Quand l’enfant fait pipi, il y a cette dimension érotique, ça lui procure un certain plaisir. L’agressivité, elle, est relative au stress que l’enfant pourrait vivre. Les situations familiales conflictuelles ; par exemple si une mère se remarie et que son enfant n’aime pas son beau-père, il pourrait manifester son angoisse par le symptôme de l’énurésie. Ce sont donc beaucoup de facteurs qui peuvent intervenir dans l’explication de la maladie.

RIB : Qu’en est-il des adultes qui souffrent également d’énurésie ?

RO : On grandit avec son énurésie. Nous recevons des adultes qui en souffrent et c’est pourquoi on parle d’énurésie primaire et secondaire. Primaire pour celui qui n’a jamais été propre, c'est-à-dire celui qui a toujours fait pipi au lit. Et secondaire pour celui qui va être propre pendant un certain temps et après développer la maladie. Mais quand on a affaire à un adulte, il faut toujours écarter une organicité, c'est-à-dire ne pas confondre énurésie et les autres troubles comme l’incontinence urinaire ou des problèmes neurologiques qui peuvent également conduire à l’incontinence. C’est pourquoi en termes de différences on va parler de l’énurésie comme une incontinence fonctionnelle, c'est-à-dire sans lésions anatomiques, et puis l’autre incontinence va être anatomique. Dernièrement, j’ai reçu une fille de 23 ans qui est énurétique. Nous avons d’abord fait de la psychothérapie avec une première prescription médicamenteuse qui n’a pas marché, donc on a dû revoir le traitement et depuis lors en un mois elle n’a fait qu’une fois pipi au lit. Alors qu’auparavant elle le faisait pratiquement tous les jours. 

RIB : Est-ce qu’il existe un traitement, une thérapie pour guérir de l’énurésie ?

enuresie 2RO : Nous proposons des prises en charge à nos patients énurétiques. Il y a plusieurs catégories de traitements ainsi que des mesures hygiéno-diététiques. Vous avez par exemple la réduction des boissons à partir de 17h, la réduction de la consommation de sel qui stimule la sécrétion d’urine. Il existe également des mesures comme le « pipi stop ». C’est un mécanisme qui consiste à réveiller le patient à l’émission des premières gouttes d’urine. C’est un dispositif que l’on place au niveau de l’organe génital et qui est connecté à un réveil. Il suffit que le patient se mouille un peu et ça s’active. On conseille également aux mères d’éviter le maternage, le trop de soins et aussi d’éviter les couches. Et chez le nourrisson chez qui on est obligé de mettre des couches, il faut les remplacer assez rapidement. Si l’enfant s’habitue à l’humidité, à un certain moment il ne va pas développer son réflexe de mixtion. Il y a aussi des médicaments qu’on propose pour les énurétiques. Il y a par exemple « l’anafranil » qui est un antidépresseur mais qui a un rôle sur la mixtion en réveillant les muscles de la vessie. Et les produits marchent en fonction du mécanisme physiopathologique qui explique l’énurésie. Ce mécanisme varie selon les patients. Si c’est une énurésie en lien avec un stress, une angoisse que l’enfant vit en permanence, c’est bien sûr avec l’anafranil qu’on aura plus de résultats. Mais si c’est une énurésie plutôt d’origine génétique, c’est beaucoup plus avec les mesures hygiéno-diététiques qui varient. Il y a aussi la gymnastique mictionnelle qui va consister à faire pisser le patient par intervalles. Il veut faire pipi, il commence à pisser, avant de finir on lui dit de bloquer, et quelque temps après il recommence. Donc il fait pipi par fréquences, pour apprendre à éduquer son sphincter mictionnel. Ou bien la personne a envie de faire pipi et on lui dit de se retenir et de supporter cette impériosité mictionnelle là.

Ces traitements sont valables aussi bien pour les enfants que pour les adultes.

RIB : Quel est votre avis sur les personnes qui ont recours aux traitements à l’indigénat pour soigner l’énurésie ?

RO : C’est normal que dans chaque culture on essaie de donner une explication à toute maladie. Et c’est en fonction de cette explication qu’on va déterminer l’approche thérapeutique. Quand je parle des mesures bien sûr c’est dans le domaine de la médecine moderne, mais vous avez aussi les Chinois qui traitent l’énurésie en considérant qu’elle est liée à une perturbation de l’équilibre des énergies, et ils vont stimuler des points au niveau de l’organisme pour la prise en charge. C’est pareil pour la médecine traditionnelle africaine. La réponse au traitement sera fonction de la cause de la maladie. Il y a l’effet placebo aussi qui marche, c'est-à-dire qu’il y a l’aspect psychologique et une psychothérapie c’est aussi agir sur les croyances de la personne. Si on utilise une méthode qui est en quelque sorte psychologique, il va de soi que l’on ait des résultats parfois. Si ça marche tant mieux, mais si ça ne marche pas je pense que les personnes pourraient consulter dans des formations sanitaires.

RIB : Quels conseils avez-vous pour des parents qui ont un enfant souffrant d’énurésie ?

RO : C’est d’abord de déculpabiliser parce que les parents pourraient se culpabiliser ou culpabiliser l’enfant, dédramatiser, et surtout que ces parents-là sachent qu’il y a une prise en charge. Donc le conseil, c’est dédramatiser et consulter.

Propos recueillis par Armelle Ouédraogo (Stagiaire)