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Témoignage du chef des pandores pendant le coup d’Etat de septembre 2015 : « Le général Diendéré a demandé qu’on assure le maintien d’ordre, mais je lui ai dit que je n’allais pas le faire… », Colonel-major Tuandaba Marcel Coulibaly

coulibal uneLe rôle de la gendarmerie pendant le putsch de septembre 2015 a été davantage expliqué ce vendredi 1er mars 2019 au tribunal militaire de Ouagadougou. Après le colonel-major Mamadou Traoré, alors directeur de l’Analyse stratégique du ministère de la Défense et des Anciens Combattants pendant les évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants, c’est celui-là même qui était aux commandes de la gendarmerie pendant cette période, le colonel-major Tuandaba Marcel Coulibaly, qui est passé éclairer la lanterne du tribunal sur le rôle des pandores, notamment en ce qui concerne le maintien d’ordre. Il affirme, la main sur le cœur, qu’il n’a jamais demandé de matériel de maintien d’ordre, contrairement à ce qu’a déclaré le général Diendéré à la barre, et que les sorties effectuées sur le terrain par les gendarmes avaient seulement pour but de permettre à la gendarmerie d’assurer la sécurité des populations, ce qui est l’un des devoirs régaliens de la maréchaussée.

La gendarmerie nationale, à travers ses missions de maintien d’ordre pendant le putsch de septembre 2015, a-t-elle d’une manière ou d’une autre accompagné le général Gilbert Diendéré et le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) dans la consommation du coup d’Etat ? Si cela ne souffre aucun doute pour le père spirituel du RSP, pour le  colonel-major Tuandaba Marcel Coulibaly, chef d’état-major de la gendarmerie  pendant les évènements, il n’a jamais été question pour lui d’apporter son soutien et celui de l’institution qu’il dirigeait au coup de force perpétré contre les autorités de la Transition. « Nous avons opté pour une réaction en souplesse et non pour une réaction par la force. Je n’ai jamais demandé de matériel de maintien d’ordre au général Diendéré. On en avait dans nos magasins. La gendarmerie n’a pas utilisé les grenades données par le RSP, car dans notre manœuvre et notre entendement, on ne voulait pas contraindre les populations à quoi que ce soit, mais les sécuriser… En disant qu’on n’avait pas de matériel, c’était un prétexte pour ne pas effectuer la mission que voulait le général Diendéré. Quand il nous a dit de venir chercher le matériel, j’ai compris sa volonté de nous imposer cette mission. Pour moi, l’essentiel, ce n’était pas la réception du matériel, mais de ne pas l’utiliser… L’objectif du général en demandant le maintien d’ordre, c’était d’empêcher les populations de se retrouver en ville pendant cette période », a-t-il longuement expliqué avant d’insister : « Le général Diendéré a demandé qu’on assure le maintien d’ordre, mais je lui ai dit que je n’allais pas le faire. Il m’a demandé pourquoi, j’ai prétexté le fait que je ne disposais pas de matériel de maintien d’ordre. »

En ce qui concerne la sécurisation de l’aire d’atterrissage  de l’hélicoptère qui était chargé de ramener le matériel de maintien d’ordre, le chef des pandores dit avoir autorisé ses hommes à sécuriser le périmètre dans le seul but de permettre à la gendarmerie de se rendre effectivement compte de ce qui se passait réellement, sans oublier que ce type de mission est d’habitude du ressort de son institution.

Mais pour le père spirituel du RSP,  cette attitude de l’officier supérieur de gendarmerie montre son soutien et son accompagnement, notamment dans le maintien d’ordre. « C’est Tuandaba lui-même qui a demandé les réquisitions pour le maintien d’ordre. C’est lui qui nous a demandé de faire rentrer les hommes afin que la gendarmerie  prenne le relais, car les missions de maintien d’ordre sont dans ses prérogatives. Je ne me suis pas adressé à lui. C’est plutôt au chef d’état-major général des armées que j’ai demandé d’instruire des missions de maintien d’ordre. Je ne me suis pas directement adressé à lui, puisqu’il y avait son chef, donc il n’a pas pu me dire qu’il n’allait pas effectuer la mission ». Des propos confirmés par le colonel-major Boureima Kiéré, qui affirme que concernant ce maintien d’ordre, le général Zagré a donné son accord et que c’est à ce moment que le colonel-major Tuandaba a évoqué le problème de manque de grenades. Toujours selon lui, la sécurisation de l’aire d’atterrissage de l’hélicoptère était une initiative du chef des pandores et non de lui.

Avant cet épisode de la mission de maintien d’ordre qui a été discutée au cours de la réunion du 17 septembre 2015, le témoin Tuandaba, qui est aujourd’hui attaché de défense à Paris, souligne que dès la réunion du 16 septembre 2015, le commandement militaire a été ferme en ce qui concerne sa condamnation du coup d’Etat qu’il sentait se dessiner à l’horizon au regard de l’intransigeance des hommes du RSP à ne pas libérer les prisonniers. « Pour ce que j’ai compris au début, il s’agissait encore d’un mouvement du RSP. Mais mes participants ont dit au général qu’il fallait que les hommes arrêtent leur mouvement… Les chefs militaires étaient clairs : faire arrêter immédiatement l’action et libérer les autorités… Le général tentait de justifier l’action des éléments du RSP, mais on lui a dit que cela ne pouvait pas prospérer. Il a répliqué que ça pouvait prendre quelques jours, mais que la tension allait baisser avec le temps. On n’a pas cessé de lui exprimer notre désapprobation, mais au regard de son insistance, on lui a dit qu’il était libre de prendre ses responsabilités avec toutes les conséquences », a souligné le chef des pandores à la barre.

coulibal 2Avant ce passage de l’ancien chef d’état-major de la gendarmerie, c’est le colonel-major Mamadou Traoré, ancien directeur de l’Analyse stratégique du ministère de la Défense et des Anciens Combattants, était à la barre pour donner sa lecture des faits. Ayant participé aux réunions du 16 et du 17 septembre 2015 entre la Commission de réflexion et d’appui aux décisions (CRAD) et le général Gilbert Diendéré ainsi que le RSP, il a affirmé que la hiérarchie militaire s’est catégoriquement opposée à l’action des hommes du RSP. « Constatant l’existence du coup de force, les participants ont demandé au général d’assumer, car eux, ils ne pouvaient pas l’accompagner », a-t-il déclaré avant d’ajouter que le commandement militaire a insisté  sur le fait que l’acte que venaient de poser les hommes du RSP était inadmissible et que la communauté nationale et internationale ne pouvait pas l’accepter, d’autant plus qu’on était à quelques jours de la tenue des élections.

Concernant le maintien d’ordre, l’actuel attaché de défense à Alger s’est aligné sur son ancien patron en affirmant que le général Diendéré a demandé que l’armée assure la sécurité dans la ville, mais il y a eu des discussions qui ont accouché d’une souris, car aucune décision finale sur la question n’a été arrêtée.

Le passage des pandores ce jour est venu conforter la position du parquet et de la partie civile, qui estiment que les exactions et les décès enregistrés au cours des évènements sont l’œuvre des éléments du RSP qui étaient en ville pour empêcher tout regroupement et réprimer les anti-putsch.

Candys Solange Pilabré/Yaro