Warning: symlink() has been disabled for security reasons in /htdocs/plugins/content/multithumb/multithumb.php on line 128

Vie de couple : « On ne se marie pas pour être heureux mais pour rendre heureux », dixit Jean Bosco Kaboré, conseiller conjugal

wwDe nos jours, les unions se font et se défont au gré des circonstances. Si le mariage, c’est censé être pour la vie, force est de reconnaître que cet engagement est souvent sujet à des soubresauts. Qu’est-ce qui ébranle tant les couples au point que le nombre de divorces ne cesse de croître et de devenir inquiétant ? Radars Info Burkina a rencontré Don Jean Bosco Kaboré, psychothérapeute, conseiller conjugal et médiateur familial. Avec lui, nous avons abordé les causes profondes de la fragilité des ménages.

 

Radars Info Burkina : Qu’est-ce qui explique le fait que, de nos jours, les unions ne tardent pas à s’effriter ?

Don Jean Bosco Kaboré : Il faut dire que par le passé, le mariage était codifié par la conception traditionnelle, culturelle. Tout se passait dans la grande famille et quand il y avait un problème, ce sont les parents qui le résolvaient. Mais aujourd’hui nous sommes face à une conception moderne de la vie qui fait que plusieurs valeurs ont été perdues. De nos jours, la femme n’est plus considérée comme une dotation familiale. Les parents ne se sont pas préparés à accepter cette réalité et à accompagner le couple à devenir une entité à part entière. La société non plus ne prépare pas les jeunes couples à comprendre le sens du mariage et à savoir que c’est une institution divine ainsi que la première cellule de socialisation. Le nombre de divorces a atteint des proportions astronomiques parce que les couples sont à une étape de recherche de repères basiques, fondamentaux.

RIB : Est-ce que le temps mis par un couple pour cheminer avant de s’engager joue sur la stabilité du mariage ?

DJBK : Ce n’est pas forcément la durée de la relation qui compte, mais sa qualité et sa maturité. Et pour cela, il faut avoir des repères de base. Beaucoup de personnes confondent émotions, sentiments et amour. Les jeunes confondent relation copain-copine et relation qui aboutit au mariage. Finalement, le mariage devient comme un programme de vie. Donc quand ils se marient, ils sont mari et femme mais ne deviennent pas époux et épouse. Ils ont juste changé de statut social mais ne vivent pas une vie d’époux et d’épouse, par ignorance, immaturité et inconscience.

RIB : Vous parliez tantôt de relation de qualité ; quels en sont les signes ?

DJBK : Une relation de qualité est celle dans laquelle on a appris à se respecter, à se comprendre pour mieux s’accepter. Il y a des vertus qui sont basiques : on ne se marie pas pour être heureux mais pour rendre heureux. Et avant de rendre l’autre heureux, il faut s’assurer d’abord d’être soi-même heureux. C’est le don de soi. De plus, on ne se marie pas pour s’approprier l’autre. Ce n’est pas une relation du « moi », mais du « nous », qui a besoin que chacun apporte son petit « moi » qui devient notre « nous ».

RIB : Avec le temps qui passe et l’arrivée des enfants, la monotonie tend à s’installer dans le couple. Comment arriver à la briser et à garder une complicité ?

DJBK : Je ne parlerai pas de monotonie mais plutôt de crise transitoire. Dans la vie de couple, il y a un temps d’euphorie, qui ne dure que deux ou trois ans. Et si le couple n’est pas accompagné, pour les conjoints une fois que l’euphorie a atteint son apogée, c’est comme si l’amour avait disparu. C’est une crise qui prouve que l’euphorie, la sensation, le plaisir, tout cela doit être conjugué avec d’autres valeurs. Les époux doivent comprendre qu’une fois qu’on a des enfants, on ne peut plus vivre comme si on était toujours deux ; il faut conjuguer les réalités et les besoins des enfants. Au fur et à mesure que le couple avance, il y a de nouvelles réalités, de nouveaux besoins auxquels il faut s’adapter. Parce que le couple n’est pas préparé à accepter et gérer tout cela. C’est la raison pour laquelle il y a crise. On ne peut pas avoir les mêmes sentiments, le même amour que lorsqu’on était copain-copine. Quel que soit le degré d’amour qui existe entre un homme et une femme, il est obligatoire qu’il y ait des instants où leur relation va s’effriter. Il est déconseillé d’avoir deux personnes qui parlent le même langage. C’est la différence dans la complémentarité qui grandit le couple. Malheureusement, nombre de couples ne sont pas préparés à cela. La psychologie de l’homme est différente de celle de la femme. Quand il atteint quarante ans, c’est la crise de la quarantaine, une crise avec sa personnalité. Du côté de la femme, c’est la ménopause, la peur face à ce nouveau statut de vie qu’elle doit accepter. Ce sont donc des étapes de crise transitoires qui s’accumulent et deviennent des conflits qui, mal gérés, donnent naissance à des violences multiples. Et c’est souvent le « moi » qui prend le dessus.

coupl 2RIB : L’adultère occupe une place non négligeable dans les motifs de séparation. Qu’est-ce qui peut pousser un des conjoints à être infidèle et comment la personne trompée peut-elle procéder pour en guérir ?

DJBK : Il y a beaucoup de facteurs qui peuvent expliquer l’adultère. C’est un symptôme qui montre qu’il y a déséquilibre. Beaucoup d’hommes et de femmes entrent dans le mariage sans faire de détachement. Et certains couples ne cherchent pas au début l’harmonie sexuelle. Tant qu’il n’y a pas d’harmonie sexuelle, il ne peut pas y avoir d’harmonie affective. L’acte sexuel est une manière de rester proche l’un de l’autre. L’amour aussi n’a pas atteint la maturité. Et tant qu’il n'y a pas d’amitié véritable entre un homme et une femme, il n’y aura pas de vrai amour. Se marier, c’est apprendre à se détacher de quelque chose et perdre quelque chose. Il y a aussi l’influence du milieu. Les mauvais conseils des amis peuvent pousser à l’adultère. Ce qui fait que ça tend plus à devenir une logique. Ce qui fait que beaucoup, de nos jours, ne croient pas qu’il puisse exister d’hommes et de femmes sérieux. Et pour un conjoint qui a été trompé, il a le droit d’exprimer sa colère et son ressenti et, après, chercher à savoir si la relation extraconjugale est sérieuse ou juste passagère. Et avec l’aide d’un psychothérapeute essayer d’identifier la vraie cause et se faire accompagner pour continuer à vivre et avancer avec cette blessure.

RIB : Quel doit être le rôle des parents dans la vie du couple ?

DJBK : Les parents doivent accompagner le couple afin qu’il devienne une entité à part entière. La plupart du temps, psychologiquement, les parents cherchent leur honneur dans la vie de couple de leurs enfants. Ils veulent s’ingérer. Et c’est comme s’ils voulaient continuer un programme de leur vie dans le projet de vie de leurs enfants. C’est pourquoi les parents aussi ont besoin de formation pour savoir leur rôle et leur mission qui sont d’encourager et de conseiller les couples pour qu’ils puissent grandir.

RIB : Quelle attitude adopter pour une vie de couple heureuse et harmonieuse ?

DJBK : Aimer, ce n’est pas faire quelque chose pour quelqu’un, mais lui faire découvrir qu’il est unique, précieux et digne d’attention. Cela peut s’exprimer par une présence douce et accueillante, le regard, la qualité d’écoute, le ton de la voix, la façon de dispenser les soins, etc. Mais dès que nous commençons à juger le conjoint, au lieu de l’accueillir tel qu’il est, dans sa beauté souvent cachée et ses faiblesses souvent visibles, nous amoindrissons l’envie au lieu de la nourrir. J’invite les couples à contempler les qualités de l’autre ; ne contemplez pas ses défauts. Quand nous commençons à révéler à l’autre notre foi en lui, sa beauté commence à émerger, à devenir visible, vivante et réelle. Je dirai en résumé qu’aimer, c’est aider quelqu’un à faire des choses pour lui-même, l’accompagner pour qu’il découvre ses dons et ses qualités, devienne responsable de lui-même et comprenne le sens de sa vie. Aimer ne veut pas dire s’approprier l’autre, mais donner de la joie.

Propos recueillis par Armelle Ouédraogo (Stagiaire)