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Inculpation Denise Barry : « …mon plus grand souhait, c’est que l’intéressé puisse toujours servir ce pays par son intelligence…», Me Titinga PACERE

Me PacéréMaître Titinga PACERE est un avocat inscrit au barreau et un ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Burkina. Dans l’entretien qu’il a accordé à Radars Info Burkina, il aborde entre autre la lenteur de la justice burkinabè et l’affaire dite Auguste Denise BARRY.

 

Radars Info Burkina (RIB) : Dites nous, est-ce que la justice au Burkina Faso fait bien son travail ?

Titinga PACERE (TP) : Au regard de ma fonction, je ne peux pas juger la justice. C’est ma conscience et mon devoir qui me l’interdisent. Mais je prends note de votre question parce qu’il faut bien que par moment, l’on puisse se parler à l’intérieur de la justice.

Mon problème, depuis 1996, je tourne énormément hors du Burkina. Il m’est donc difficile de juger la justice. Dans la presse, on m’a parlé de la corruption de juges, de la corruption des avocats et cela me gène. « L’homme est neuf, l’homme n’est pas dix ». Il existe des cas troublants dont on a fait mention. On m’a apporté des précisions, évidemment que je ne peux pas vérifier. Peut-être que je ne dois même pas vérifier…

 

RIB : Pourquoi ? Par confraternité ?

TP : Non, pas par confraternité, parce que ce n’est pas mon rôle de faire des investigations. Pour faire quoi ? Pour déposer une plainte ? Je ne suis pas la victime. C’est pour cela qu’à la limite, si j’apprends qu’il y a des indélicatesses, je ne les cache pas.  Donc sincèrement, je sais que c’est difficile et la justice est très critiquée. Comme je l’ai signalé, je ne suis pas au pays pour pouvoir connaitre et juger, pour condamner, encore que ce ne soit pas ma fonction de condamner. Mais il y a des lois, il y a la déontologie au niveau de la magistrature comme au niveau du barreau.

Je demande aux bâtonniers d’être stricts sinon c’est le corps entier qui sera gangrené et qui va disparaître. Des avocats ont eu des comportements inadmissibles vis-à-vis de la clientèle. C'est-à-dire qu’ils détournent les fonds destinés à leurs clients ; qu’ils demandent par exemple 50% de ce qu’ils perçoivent. Ce n’est pas normal. L’avocat n’est pas là pour s’enrichir au détriment de la réalité des devoirs à l’égard de son client.

Sous l’angle de la magistrature, souvent j’appelle des hauts magistrats pour évoquer les  mêmes sujets. Là, n’est pas mon rôle, mais du fait que c’est notoire et évoqué dans l’opinion, je me prononce. Sinon au niveau de la magistrature, il y a le conseil de discipline et je m’en remets à ses travaux.

 

RIB : L’autre plaie de la justice, c’est la lenteur. Les gens ne peuvent pas comprendre qu’aujourd’hui encore, les dossiers Thomas Sankara et Norbert Zongo restent toujours en suspend. Comment expliquez-vous cette lenteur ? Est-ce qu’il y a une sorte d’immixtion du politique dans le système judiciaire burkinabè ?

TP : Je ne sais pas. Mais beaucoup disent qu’il y a une immixtion. Vous savez dans notre système judiciaire, le procureur est lié au gouvernement. C’est ce que le gouvernement dit que le procureur suit et demande. Si vous déposez une plainte entre les mains du procureur, il peut la mettre dans un tiroir. À moins que vous ne déposiez la plainte dans un cabinet d’instruction. Dans ce cas, on ne peut pas arrêter la procédure. Mais pour beaucoup de dossiers, il faut qu’on ait le courage de le reconnaître que lorsque cela impacte le politique, c’est à croire qu’on ait mis le pied dessus. Comme vous le dites, il y a des dossiers dont on ne comprend pas la lenteur. Mais sachez que par principe, la justice est lente, que ce soit au Burkina ou ailleurs. Souvent, il faut laisser la justice aller à son rythme et souhaiter qu’elle soit véritablement indépendante.

Denise Barry

 

RIB : Il y a un dossier devant la juridiction militaire qui secoue actuellement l’opinion. C’est celui des agissements dits révélés du colonel Auguste Denise Barry qui tendraient à déstabiliser l’Etat. L’intéressé a été arrêté, inculpé et mis en détention préventive à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA). Avez-vous déjà entendu parler de ce colonel ? Est-ce que vous le connaissez ?

TP : Oui, j’ai entendu parler du colonel. Je le connais mais on ne se fréquente pas, compte tenu de sa jeunesse. Je ne sais même pas où il habitE. Il ne sait pas non plus où j’habite. Seulement, j’ai quelque chose à vous dire. Il a dirigé l’Académie militaire Georges NAMOANO de Pô. Un jour, il était venu me voir pour que je puisse donner des enseignements sur les armées des traditions. J’étais surpris mais j’ai prononcé ma conférence. Si je vous en parle, c’est que le colonel Barry m’est apparu être un homme très intelligent. Ce qui fait que pour moi, lorsqu’on on a affaire à des jeunes, ils peuvent se tromper. Quand on a affaire à des gens très intelligents du genre, je voudrais qu’on aille doucement. Je préfère qu’on envoie la personne devant un conseil de discipline. Par contre, si l’acte a été déjà posé, c’est évidemment criminel et on ne peut plus faire autrement que l’arrêter. Parce qu’un citoyen qui est condamné à plus de trois mois est radié de la fonction publique, selon les anciens textes dont j’ai connaissance. Or en conseil de discipline, cela est inexistant. Ce qui fait que mon plus grand souhait, c’est que l’intéressé puisse toujours servir ce pays par son intelligence, par ses relations.

 

Me Pacéré 1RIB : Nous allons terminer par un sujet que vous maitriser, même si cela apparait quelque peu délicat. Vous avez décidé d’être l’avocat de certaines personnalités issues du gouvernement déchu en octobre 2014, dont l’ancien Premier ministre, Luc Adolphe TIAO. Est-ce par conviction ou pour prouver que vous Me Pacéré, vous êtes un brillant avocat et que vous allez obtenir pour ces personnes un non lieu ?

TP : (Rires). J’ai quelque chose à vous dire. Cela fait quarante cinq (45) ans que je plaide et il y a un principe que j’ai posé. Quand je suis sur un dossier, je ne parle jamais du dossier. Même pour ce dossier, la presse m’a contacté et je leur ai dit que  je ne me prononcerai qu’à la fin du délibéré. Mais je porte à votre connaissance que pour moi, l’avocat ne doit fuir aucun dossier. Il doit prendre tout. Mais bien évidemment pour des questions de convictions religieuses, on  a des avocats catholiques qui ne veulent pas du dossier de divorce. Je  comprends très bien. Mais c’est pour dire qu’on n’est pas obligé de prendre un dossier, mais il y a des moments où il faut s’investir. Mes derniers dossiers datent de vers 1996. En quittant le tribunal pénal international, j’ai pensé qu’en rentrant dans mon pays, j’apporterai ma contribution afin que la vérité judiciaire et réelle soit connue. C’est pour cela que je suis sur ce dossier. Mais nous en reparlerons.

 

Propos recueillis par Richard TIENE/ retranscrits par Marou SAWADOGO