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Forum sur la coopération sino-africaine : « C’est un début, le Burkina vient d’arriver, donc tout va dépendre maintenant de la capacité de négociation de nos autorités à tirer le maximum...», Oumarou Paul KOALAGA, spécialiste des Relations international

10842352 10203749849323595 5985454825346360633 oDu 29 août au 5 septembre dernier, le président du Faso était à Pékin pour une visite d’Etat, la première depuis la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays, le 26 mai dernier. En marge de cette visite stratégique, le chef de l’Etat a pris part aux côtés de ses pairs du continent africain, au 3ème Sommet du Forum sur la coopération sino-africaine. Un forum qui a refermé ses portes avec une promesse de XI Jinping à hauteur de 60 milliards de dollars soit environ 30 mille milliards de francs CFA allant sur la période de 2018 à 2020, pour le développement de l’Afrique, dont 15 milliards de dollars sous forme de dons et de prêts sans intérêts. De cette enveloppe le Burkina Faso s’en tire avec 0,15 milliards de dollars, soit environ 98 milliards de francs CFA. Pour certains, la délégation burkinabè revient de Pékin avec des miettes, car cette visite d’Etat devait annoncer les couleurs des grands investissements chinois au pays des hommes intègres. Mais véritablement, les enjeux de cette visite d’Etat pour le Burkina se résument-il à la hauteur de ses gains rapportés? Dans cette interview accordée à Radars info Burkina monsieur Oumarou Paul KOALAGA, diplomate de formation et spécialiste des Relations internationales, géopolitique et stratégie, par ailleurs fondateur du Cabinet Sésame Relations Internationales (SRI), explique  que de ce nouvel amour sino-burkinabè, le pays des hommes intègres gagnerait au-delà des relation inter-états, à s’appuyer surtout sur les relations transnationales afin de permettre au secteur privé d’en tirer le meilleur vin.

 

 41065258 998768623638741 931893120231014400 oRadars Info Burkina : Quels sont les enjeux du voyage du président du Faso et du forum Chine-Afrique pour le Burkina Faso ?

Oumarou Paul KOALAGA : C’est une première depuis la reprise des relations entre le Burkina Faso et la Chine donc cette rencontre et cette visite d’Etat représentaient au niveau politique un grand final du retour du Burkina avec la Chine. Au niveau diplomatique, cela marque le point de départ d’une nouvelle relation. Au niveau économique et dans les autres aspects, la chine devient un partenaire consistant, le partenaire qui depuis un bout de temps, mène une offensive diplomatique en plus des aspects économiques. Elle s’intéresse aussi de plus en plus aux questions sécuritaires au regard des menaces terroristes. Dans le fond, il y a des promesses pour l’Afrique à hauteur de 60 milliards de dollars. Le Burkina Faso s’en tire avec 0, 15 milliards de dollars, soit environ 98 milliards de francs CFA. On ne sait pas encore comment seront repartis ces fonds, mais on peut estimer que c’est au minima. Toutefois, le plus important pour moi, c’est qu’au delà de ces aspects multilatéraux, il y a que chaque Etat au niveau bilatéral devrait pouvoir avec de véritables capacités de négociation se tirer de très bons dividendes économiques notamment après avoir banalisé les aspects institutionnels, politiques et diplomatiques, créer un cadre pour que les investisseurs burkinabè puissent tirer au maximum de cette reprise des relations avec Pékin. Au niveau social et culturel, c’est vrai qu’il y a des relations inter-Etats, mais il ya surtout, les relations transnationales qui intègrent aussi l’aspect économique avec le secteur privé. C’est un début, le Burkina vient d’arriver, donc tout va dépendre maintenant de la capacité de négociation de nos autorités à faire non seulement avancer les choses et à tirer le maximum, mais aussi de permettre aux opérateurs économiques de prendre de très bonnes parts en créant des cadres et en régulant les rapports entre la Chine et le Burkina Faso. Je pense que c’est cela le plus important.

 

RIB : On sait que pour certains, la Chine est vue comme le sauveur du Plan national de développement économique et social (PNDES). Pourtant, dans ses valises le Burkina revient avec des promesses à hauteur de 98 milliards de francs CFA, soit 0,15 milliards de dollars du total des promesses à l’Afrique. Est-ce qu’à ce niveau il n’y a pas une petite déception ?

OPK : Quand on dit que la Chine est le sauveur du PNDES, il faut relativiser cela, car tout partenaire qui fut-il vient avant tout par rapport à un certain nombre d’intérêts recherchés. La Chine panse peut-être une partie importante surtout au niveau des infrastructures, c’est ce qu’on nous a fait savoir. Mais de là à être vu comme un sauveur, je pense que non. Il faut d’abord compter sur soi-même. Aussi, les autres partenaires qui avaient fait des annonces vont-ils devoir concrétiser, sinon ce sera anachronique à mon sens. Même avec Pékin, il faut réussir de véritables négociations. Il faut rappeler que l’approche asiatique de la négociation est très différente de l’approche occidentale qui s’appuie sur l’instant T. Pourtant avec la chine, si l’on n’a pas eu assez de dividendes, il faut l’inscrire souvent sur le long terme. Donc si on s’attend immédiatement à des retombées, on risque aussi d’être un peu déçu. Il faut donc travailler à gagner la confiance des uns et des autres et au même moment, fédérer la capacité relationnelle et de négociation pour pouvoir véritablement ne pas uniquement compter sur les rapports interétatiques, mais aussi mettre en contribution le secteur privé : l’institution va créer le cadre et essayer de tisser de bonnes relations diplomatiques et réguler et de permettre véritablement aux structures privées d’en prendre une part consistante. Je crois beaucoup plus à cela que de compter uniquement sur les relations interétatiques où la Chine va injecter l’ensemble de ses ressources ou de ses contribuables au niveau du Burkina Faso. Si c’est cela, on risque d’être déçu à ce niveau.

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                                                     Oumarou Paul KOALAGA, diplomate de formation et spécialiste des Relations internationales, géopolitique et stratégie, par ailleurs fondateur du Cabinet Sésame Relations Internationales (SRI)

 

RIB : On voit que le Burkina Faso dans sa valise revient avec plus de prêts que de dons. Cela ne peut-il pas être vu comme un faux départ de cette nouvelle idylle entamée avec Pékin ?

OPK : Je ne suis pas un spécialiste des questions économiques, mais il faut que les spécialistes en la matière essayent de voir au millimètre près pour que le Burkina ne se retrouve pas après dans des situations inconfortables. Souvent, on s’engage dans des prêts sans pour autant bien étudier tous les contours de la question, car on veut des résultats immédiats. En général ce que l’on déplore souvent avec nos dirigeants africains, ils n’ont pas de prévisions. C’est l’immédiateté qui prime souvent pour eux. Ce qui peut des fois avoir des conséquences sur les populations et les générations à venir. Je pense donc qu’il faut aller doucement et ne surtout pas penser que la Chine est notre sauveur. Toutes les puissances ont les mêmes attitudes de domination et d’exploitation, peut-être que ce sont les styles qui changent. On sait que la Chine est très attachée aux questions énergétiques et aujourd’hui le Burkina Faso en la matière présente ces atouts.vice

 

RIB : Vous l’avez dit toutes les puissances ont le même instinct de domination et d’exploitation, mais est ce qu’on peut dire que l’Afrique en l’occurrence le Burkina Faso a plus à gagner avec la Chine qu’avec les occidentaux ?

OPK : Je suis beaucoup plus pour la diversification des relations diplomatiques, politiques et économiques. Que ce soient les occidentaux ou les asiatiques, le plus important, c’est qu’au-delà des relations de coopération classique, il faut qu’on apprenne à s’appuyer sur nos propres ressources. On n’a donc pas à préférer une approche occidentale par rapport à une approche asiatique. C’est vrai que les Asiatiques font croire qu’il y a de l’humanité dans leurs rapports avec nous, mais en réalité comme toute puissance, la Chine veut aussi tirer ses intérêts. Fondamentalement, c’est à nous de compter sur nos propres forces afin de négocier et de tirer des gains.

 

Propos recueillis par Candys Solange PILABRE/ YARO