Suite à l’appel de plusieurs militants de divers partis politiques et d’associations de la société civile, Kadré Désiré Ouédraogo (KDO), ancien Premier ministre de l’ex-président Blaise Compaoré, a annoncé le 16 février dernier devant des milliers de partisans, qu’il se lançait à la course pour la présidentielle de 2020. C’est accompagné de certains ténors du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) comme Léonce Koné, Boureima Badini et Salia Sanou, que l’ancien président de la commission de la CEDEAO s’est dit prêt à se mettre à la disposition de son pays. Si beaucoup estiment que c’est sous la coupe de l’ancien président Blaise Compaoré que KDO veut empêcher Roch Marc Christian Kaboré de briguer un second mandat, Mélégué Traoré, président du Haut Conseil du CDP, lui, réfute ces allégations. Interrogé par Radars info Burkina, il confie que Blaise Compaoré n’est pas derrière cette candidature individuelle. Mieux, il explique que contrairement à ce qui se dit, cela ne peut en aucun cas faire chavirer le navire CDP ou même le faire couler.
Radars info Burkina : Le samedi 16 février dernier, Kadré désiré Ouédraogo, un des caciques du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), a répondu favorablement à l’appel de ses sympathisants pour sa candidature à la présidentielle de 2020. Vous qui êtes également un cacique de ce parti, comment appréciez-vous cette annonce de candidature de votre camarade si l’on sait que ce n’est pour le moment pas sous la coupe du parti ?
Mélégué Traoré : Dans la mesure où il ne s’est pas présenté comme un candidat du CDP, moi je n’ai pas de commentaire à faire. Je suis président du Haut Conseil du CDP, nous avons une méthode et une procédure de choix de nos candidats depuis 1990 et depuis l’Organisation pour la démocratie populaire/Mouvement du travail (ODP/MT) qui n’a jamais changé. Si cette méthode de désignation du candidat doit changer, il faut qu’on soit tous d’accord pour la changer. Kadré Désiré Ouédraogo est un homme que j’apprécie beaucoup (je suis resté un peu plus d’un an avec lui au gouvernement, ensuite, quand j’ai été président de l’Assemblée nationale, nous avons très bien coopéré), mais sur ce point précis, il a pris une initiative qui n’est pas celle du parti, car la direction du parti n’a ni été consultée ni été informée. J’ai compris que ceux qui portent sa candidature sont un certain nombre de citoyens plus des groupes de la société civile. Et là, on n’est plus dans le cadre du CDP. C’est ce qui fait que nous, nous ne pouvons pas nous prononcer sur sa candidature. C’est une candidature individuelle qui aura le sort que lui auront donné les populations.
RIB : Mais est-ce qu’il ne faut pas craindre que cette candidature individuelle de ce cacique du CDP entache la vie politique du parti ?
MT : Elle ne va pas entacher la vie du CDP, mais c’est sûr que nous aurions souhaité que Kadré reste avec nous et qu’on organise des primaires. Peut-être qu’il aurait gagné ces primaires. Je crois que la difficulté ici, c’est qu’il n’a pas voulu de primaires et ceux qui sont avec lui ne veulent pas entendre parler de primaires. Mais il n’est pas possible ainsi de refuser la multiplicité des candidatures, parce que moi aussi Mélégué je suis légitime pour être candidat, Juliette Bonkoungou est légitime pour se porter candidat, Jean de Dieu Somda est également légitime pour se porter candidat, puisque c’est nous trois qu’on cite surtout, sans parler du président du parti, Eddie Komboïgo. Chacun d’entre nous, à commencer par Eddie Komboïgo, est tout à fait légitime pour se porter candidat. On ne peut pas, dans ce groupe, estimer qu’il n’y a qu’une personne qui puisse être candidat en manquant franchement de subtilité : j’étais dans la région quand il était à bobo et cette candidature a été présentée comme étant portée par Blaise Compaoré. Ce qui est faux. Ils ont convoqué les gens au nom du CDP. Ce qui est également faux et a obligé la direction du CDP à faire un communiqué. J’ai vu ce qu’ils ont fait dans les villages pour ameuter les gens afin qu’ils viennent nombreux, mais ça, ce sont les méthodes habituelles de tous les partis politiques. Vous savez, aujourd’hui, il y a des villages même si tu donnes mille francs à chaque personne, tu auras autant de personnes que tu veux pour venir à ton meeting, donc le nombre de participants n’est pas un bon critère pour apprécier ce que vaut la candidature. Mais c’est son droit d’être candidat à condition de ne pas dire qu’il est le candidat de Blaise Compaoré, parce que c’est faux. S’il était son candidat, Blaise nous l’aurait dit. C’est clair que cette candidature individuelle va faire du mal au CDP, car un parti, même si c’est un seul militant qui le quitte, ça fait mal, à plus forte raison quand c’est une personnalité comme Kadré Désiré Ouédraogo et surtout ceux qui le suivent, c'est-à-dire Léonce Koné, Boureima Badini et Salia Sanou qui ne sont pas n’importe qui. S’ils doivent quitter le navire CDP, ils partiront forcément avec des militants, donc on ne peut pas se réjouir de cela. Mais contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, ce n’est pas cela qui va tuer le CDP. Le parti va agir en fonction des nouvelles données.
RIB : Est-ce que vous partagez l’opinion selon laquelle il est un peu déconnecté des réalités du pays ?
MT : Ce n’est pas un peu, cela fait dix ans que je n’ai pas vu Kadré à une réunion du CDP. Je lis dans les journaux qu’il n’a même pas la carte du CDP, mais je n’ai pas vérifié cela. Ce que je sais, c’est que je l’ai vu à une réunion du parti ça vaut dix ans. Il est rentré il y a deux ans, mais il n’a jamais touché quelqu’un du parti ainsi que la tête du parti. Même nous autres avec qui il a collaboré dans le passé, il n’a appelé personne. C’est maintenant qu’il y a la question de sa candidature qu’il est venu me rendre visite, sinon il ne connaissait pas chez moi depuis 1996. C’est dire que c’est légitime de sa part, mais il faut être correct et situer cela dans le cadre du départ, c'est-à-dire une initiative individuelle et personnelle. Il peut toujours dire qu’il est du CDP, mais peu de militants le connaissent. Si tu interroges beaucoup de jeunes, ils vont te dire qu’ils ne le connaissent pas. On ne l’a jamais vu au siège.
Propos recueillis par Candys Solange Pilabré/Yaro