Au regard de la situation sécuritaire qui prévaut sur le territoire national, le président Ibrahim Traoré a signé un décret le 19 avril 2023 portant mobilisation générale et mise en garde pour une période de douze (12) mois. Cette période expire le18 avril 2024. Cependant, afin de consolider les acquis et de poursuivre la lutte contre le terrorisme dans notre pays, le gouvernement a décidé en Conseil des ministres du 27 mars 2024 de prolonger la durée de cette mobilisation générale et mise en garde. Que retenir de la première mise en application de cette loi ? Que faut-il améliorer durant cette période de prolongation ? À ce sujet, Radarsburkina.net a recueilli des avis de citoyens.
Dans l'optique de continuer la mobilisation des ressources, de restaurer la sécurité et d'assurer la protection des populations et de leurs biens contre la menace et les actions terroristes, la période de mobilisation générale a été prolongée de 12 mois à compter du 19 avril 2024 à zéro heure.
Pour Dieudonné Tankoano, sociologue- enseignant-écrivain, les populations n'attendaient pas une loi quelconque pour se mobiliser parce que le pays est en guerre.
"Quand vous êtes menacés, que vous n'avez ni police ni gendarmerie, allez-vous attendre qu'une loi vous dise de vous mobiliser pour vous défendre ? Non! Cette loi a vu le jour dans un contexte où les gens étaient déjà mobilisés", indique-t-il.
A son avis, la loi est venue "peut-être pour remplir des conditions administratives et aussi donner plus de poids, plus d'orientation aux dirigeants d'assouvir leurs besoins de réquisitionner les gens. Ce n'est pas une loi qui est faite pour mobiliser dans le sens de la mobilisation générale que nous savons".
En effet, ce qui est déplorable et qu'il faut retenir, affirme Dieudonné Tankoano, "c'est que ç’a été vraiment décevant de voir que la loi a été faite seulement pour couvrir les dirigeants et leur permettre de se venger de toutes les voix discordantes sur leur régime, de donner selon eux une leçon. Et cette leçon, comme ils le disent, c'est de faire goûter le terrain à tous ceux qui critiquent, que ce soit des critiques négatives ou positives. Ç’a été une loi d'avant-garde pour ces dirigeants pour vraiment manifester leur désir de faire taire tout le monde afin que les gens n'aient plus envie de critiquer leur régime alors que la critique est avant tout positive. Elle a été une loi de force, qui ne ciblait que des gens qui donnaient d’autres points de vu que le régime, des gens qui à un moment ont contribué de par leur propre vision, leurs idées et leurs critiques".
Or pour lui, "il n'y a jamais de critique qui n'arrange pas celui qu'on critique ou qui n'arrange pas celui qui critique.
Donc, cette loi "ne devrait pas être juste faite pour cibler des têtes, les mobiliser de force", dit-il.
"On s'attendait à une loi qui peut venir trouver que Dieudonné Tankoano que je suis, j'ai des compétences quelque part qui peuvent servir pour la nation sur le terrain ; parce que j'ai fait peut-être l'école militaire dans un pays étranger, parce que je suis un militaire parti à la retraite très tôt et je suis encore en position de force pour combattre, parce que j'ai fait du taekwondo, du karaté, je maîtrise les arts martiaux, etc. Au vu de ces compétences on pouvait dire qu'au nom de la mobilisation générale, je suis réquisitionné pour aller combattre et libérer le pays. Là, c'est la nation qui gagne et je ne peux pas dire le contraire", a-t-il souligné.
Ainsi, M. Tankoano pense qu'il faut améliorer la mise en œuvre de cette loi.
Il espère que la prorogation de la loi pour cette année sera "très améliorée de sorte qu'on ne réquisitionne pas ou ne mobilise pas pour mobiliser, qu'on ne mobilise pas pour se venger, pour corriger, qu'on ne mobilise personne sur la base de ses idées, de ses critiques".
Lucien Zié, Secrétaire général du "Mouvement Le Faso, Ma Patrie", de son côté, soutient que c'est bien réfléchi par le gouvernement de prolonger la durée de la mobilisation générale et mise en garde parce que " le terrorisme n'est pas totalement vaincu au Burkina Faso. Quoi qu'on dise, c'est une lutte qui va rester permanente pour les pays du Sahel".
Il pense que pour un "État qui a été absorbé à moitié par l'hydre terrorisme, la lutte ne peut se limiter à une seule année".
Donc, il faut mobiliser les moyens nécessaires "pour maintenir le cap de nos militaires sur le terrain et avoir toujours une supériorité sur l'ennemi", notifie-t-il.
Contrairement à Dieudonné Tankoano, Lucien Zié pense que la première phase de la mobilisation a été "un succès".
"Ç'a été une phase d'engagement patriotique qui a permis à l'ensemble du peuple burkinabè d'apporter sa contribution. Ç’a été un succès. Dans un contexte de guerre, le peuple ne peut se mettre à l'écart des efforts à consentir pour libérer son pays. Comme le disait le capitaine Thomas Sankara, lorsque le peuple est attaqué par des ennemis, c'est au peuple d'assurer sa sécurité. Il ne saurait confier sa sécurité à un petit groupe, peu importent ses compétences. Donc cela a permis de cultiver et de renforcer le sentiment de patriotisme en beaucoup de Burkinabè et de reconquérir beaucoup de zones", a-t-il affirmé.
Tout compte fait, il estime que le gouvernement doit revoir les objectifs pour cette deuxième phase de mobilisation générale, de peur d'asphyxier les populations.
"On a pu atteindre 100 milliards de francs lors de la première phase. Il ne sied plus qu'on maintienne les mêmes objectifs lors de cette deuxième phase car ça pourrait étouffer l'élan de mobilisation", a-t-il relevé.
Par ailleurs, pour améliorer la mise en œuvre de la mobilisation générale, il suggère la mise en place de dispositifs pour sensibiliser un plus grand nombre de Burkinabè en vue de contribuer au Fonds de soutien patriotique, car "chaque Burkinabè, de l'intérieur ou de l'extérieur, doit se sentir concerné par cette guerre", soutient-il.
Il estime aussi qu'il faut "renforcer la culture du patriotisme à travers des exemples concrets".
"Il y a des gens qui ont donné des camions-remorques pour le transport de vivres et d'autres biens. Il faut les valoriser. Il ne s'agit pas de faire la communication autour d'une personne, mais de valoriser les actes qui sont posés. Cela permettra d'inciter d'autres personnes qui ont les moyens à leur emboîter le pas", propose-t-il.
Flora SANOU