Warning: symlink() has been disabled for security reasons in /htdocs/plugins/content/multithumb/multithumb.php on line 128

Burkina Faso : un pionnier valeureux du cinéma s’est éteint

OUEDRAOGO Idrissa 1990 Tilai 03 IDRISSALa faucheuse a encore frappé. Le réalisateur burkinabè emblématique des années 1980-1990, Idrissa OUEDRAOGO, est décédé très tôt dans la matinée de ce dimanche 18 février 2018. Un Accident vasculaire cérébral (AVC) a eu raison de celui-là qui toute sa vie a porté haut le flambeau du cinéma burkinabè et africain.

 

Le peuple burkinabè s’est réveillé ce dimanche 18 février 2018, la mort dans l’âme. En effet, un de ses baobabs du cinéma est mort les armes à la main. Idrissa OUEDRAOGO, celui-là même que l’Afrique et le monde pleure aujourd’hui, aura marqué d’une pierre blanche, l’histoire du cinéma burkinabè et africain.

Né le 21 janvier 1954 à Banfora dans l’Ouest du Burkina Faso, Idrissa OUEDRAOGO est considéré comme l’un des réalisateurs burkinabè le plus célèbre. En 1981, il sort major de sa promotion à l’Insitut africains d’etudes cinématographiques (INAFEC) et la même année, il réalise ses premiers courts-métrages. Il part ensuite à Moscou, séjourne à Kiev puis débarque à Paris où il obtient son Diplôme d'études approfondi (DEA) de cinéma à la Sorbonne. Il fondera, dès le début de sa carrière, une société de production, dénommée « les films de l’Avenir », qu’il transformera une décennie plus tard en « Les films de la plaine », afin notamment de produire quelques-uns de ses longs-métrages de fiction. Mais au-delà de la production de films, des siens ou des autres, il a toujours été animé par le désir de raconter des histoires africaines. Une manière pour lui de nourrir cet art venu d’ailleurs qu’il a su adopter et réadapter au contexte africain. Il est, avec Gaston KABORE, les deux Burkinabè à avoir déjà remporté l’Etalon d’or de Yennega, la plus prestigieuse récompense lors du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO).

On retrouve dans ses œuvres, un parfait équilibre entre l'authenticité documentaire et la fiction. Maestro comme on l’appelle affectueusement était un génie qui a apporté des innovations majeures dans l’écriture cinématographique africaine. A la postérité, il laisse un grand héritage, eu égard à son écriture cinématographique et à l’ampleur qualitative et quantitative de ses œuvres, qui l’ont hissé très haut. De Cannes à Venise en passant par Berlin et Ouagadougou, avec une cinquantaine de distinctions  obtenues dans tous les grands festivals, Idrissa OUEDRAOGO a su imposer le cinéma burkinabè à l’international.

thumb 36021 film poster 366x488

Tout au long de sa carrière, il a été plusieurs fois récompensé pour la qualité de ses œuvres. Parmi ces œuvres qui auront fait l’unanimité, on peut citer « poko » (prix du meilleur court-métrage au FESPACO 1981), «Yaaba » (prix de la Critique au Festival de Cannes en 1989 et Prix du public au FESPACO la même année), « Tilaï » (Grand prix du Jury à Cannes, Prix du meilleur long métrage au 1er Festival du cinéma africain de Milan en 1991 et Étalon de Yennenga, le grand prix du FESPACO la même année), « le Cri du Cœur » (Prix du public lors du 5e Festival du cinéma de Milan en 1995), « Kini et Adams » (Prix du meilleur long métrage en 1998), « Trois Hommes, un village » (Prix spécial du jury série ou sitcom au FESPACO en 2005). Il aussi à son actif, des films comme « Yam daabo » (le choix) « Kadi Jolie » et « la Colère des Dieux ».

Egalement, Idrissa a été membre de jury pour divers festivals internationaux tels que Venise, Tokyo, Amiens et Musée de l'homme (Paris). En outre, il a eu à donner plusieurs conférences, en France (Université Paris VIII Nanterre, Musée de L'Homme), aux États-Unis (Université de Harvard, Université de New York) et au Burkina Faso (Université de Ouagadougou).

idrissa oued decorationPour sa passion pour le cinéma, il a été décoré de son vivant par le Président tunisien Béji Caïd Essebsi, dans l’Ordre national tunisien du mérite culturel. C’était le 5 novembre 2016 à Tunis, à l’occasion de la 27e édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2016). Il est aussi Commandeur de l'Ordre national burkinabè et Chevalier de l'Ordre des arts et des lettres français.

« L'Afrique perd avec sa disparition l'un de ses plus valeureux ambassadeurs dans le domaine de la culture », a déploré le président du Faso, Roch Marc Christian KABORE, dans un tweet. A l’instar du chef de l’Etat, nombreux sont les Burkinabè, qui à travers leur plume ont magnifié l’homme. Il a fallu la mort de ce monument de la culture burkinabè pour faire sortir certains ténors du régime de Blaise Compaoré de leur silence. En effet, Luc Adolphe TIAO, premier ministre du dernier gouvernement de Blaise Compaoré qui semble avoir disparu de tous les radars, depuis la chute du régime, a tenu à rendre hommage à ce digne fils du pays. « Grand cinéaste parmi les meilleurs d’Afrique, il a été par la qualité de ses œuvres un ambassadeur digne de notre culture. Le Burkina perd sans doute son plus grand talentueux cinéaste », a-t-il écrit.

Tout le monde est unanime. Avec cette mort, le Burkina Faso et l’Afrique tout entière perdent un monument du cinéma. Idrissa part à un moment où les jeunes cinéastes burkinabè ont besoin de repères afin de pouvoir à leur tour marquer leur génération. Il s’en est allé alors que le cinéma burkinabè a toujours besoin de son génie pour se réveiller, car il peine à se vendre dans les différents festivals. C’est donc le cœur en lambeaux que le cinéma burkinabè doit continuer sa marche vers de lendemains meilleurs sans celui-là qui aurait été le guide par excellence. Idrissa OUEDRAOGO, que ton âme repose en paix. A jamais tu resteras gravé dans la mémoire collective burkinabè, africaine et internationale.

 

Candys Solange PILABRE/ YARO